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French Forum 28.1 (2003) 135-137



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Méchoulan, Eric. La Vengeance dans la littérature d'Ancien Régime. Montréal: Paragraphe, 2000.

De l'Antiquité à la Révolution, la vengeance a fait couler autant d'encre que de sang. Motif traditionnel de l'épopée depuis la colère d'Achille, de la tragédie avec les Atrides, Médée, Horace ou le Cid, d'innombrables récits en prose, nouvelles galantes ou tragiques, mémoires, romans, elle a également passionné les théoriciens, philosophes, théologiens, moralistes, juristes, ethnographes, sans oublier psychologues et médecins. [End Page 135]

Quelles que soient ses causes et ses modalités—immédiate ou différée, imitative ou inventive, ouverte ou cachée—la vengeance est une action qui met en jeu des passions, colère personnelle ou ressentiment collectif. Forme particulière de justice, elle rend le mal pour le mal, l'offensé devenant offenseur et l'offenseur offensé, avec un risque perpétuel de rétorsions en chaîne. Dans La Vengeance, Etudes d'ethnologie, d'histoire et de philosophie (Paris : Cujas, 1980-84), ouvrage abondamment cité par les auteurs, l'éditeur Raymond Verdier distingue passion vindicative, réaction individuelle, viscérale, disons « naturelle » de l'offensé contre l'offenseur, et système vindicatoire, réaction médiate, organisée, « culturelle », imposée par le groupe de l'offenseur au groupe de l'offensé, et dont le meilleur exemple est, sous l'Ancien Régime, le duel; la riposte vindicative s'invente sous la pression de la rancune, le geste vindicatoire, prescrit par la coutume, s'effectue par devoir, parfois sans colère ou même à contrecoeur (Rodrigue). Or, à l'initiative vindicative comme aux systèmes vindicatoires, l'Etat qui se met en place du XVIe au XVIIIe siècle tâche de substituer son système de justice propre : la pénalité, qui, au-dessus de l'offensé et de l'offenseur, introduit un juge neutre et donne le dernier mot, théoriquement impartial, à la Loi, mettant un terme à l'engrenage de la violence ; passage illustré en littérature dès l'Orestie, et plus tard par Le Cid.

La Vengeance dans la littérature d'Ancien Régime est encadré par deux essais théoriques d'Eric Méchoulan et une mise au point conceptuelle et historique de Christian Biet. Méchoulan s'intéresse à l'articulation de la vengeance personnelle et de la justice monarchique, en ce moment de l'Histoire où s'instaure la coupure privé-public, ainsi qu'à l'«économie du temps» propre à la vengeance. Biet scrute les rapports entre vengeance personnelle, vengeance aristocratique, « vengeance » (ou justice) royale, vengeance (ou punition) divine, et montre comment la « douceur » de la vengeance et sa séduction littéraire flirtent avec l'« horreur » provoquée par les violences et par la tragédie.

Deux articles repèrent ensuite la dégradation et la problématisation de la vengeance au fil de l'Ancien Régime. Aurélia Gaillard nous fait passer, des représailles héroïques des Cannibales de Montaigne, par les duels équivoques de Tristan l'Hermite et de Prévost, aux revanches libertines et vaguement burlesques des Liaisons dangereuses ou de Faublas. Sophie Chisogne met en contraste les nouvelles médiévales et renaissantes, anecdotes divertissantes où le châtiment est source de [End Page 136] moquerie, et les histoires tragiques et sanglantes du tournant du XVIe et du XVIIe siècle, dans lesquelles l'acte vindicatif est l'occasion d'une « crise », d'un cas de conscience.

Rachel Lauthelier relie ensuite la vengeance aux principes pathologiques de l'époque et plus précisément à la théorie des humeurs, qui, de Sénèque à Rotrou et Tristan l'Hermite, associe la vengeance à la bile jaune et accessoirement à la bile noire, voire à la folie. Jeanne Bovet montre comment la vengeance tragique se traduit sur la scène dans la pronuntiatio (geste et voix), essentielle tant pour les acteurs que pour les dramaturges (Corneille et Racine) et leurs théoriciens (Grimarest, Lamy).

Viennent enfin...

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