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  • Géographes en Algérie (1880–1950). Savoirs universitaires en situation coloniale
  • Marie de Rugy
Florence DEPREST.-Géographes en Algérie (1880–1950). Savoirs universitaires en situation coloniale, Paris, Belin, 2009, 348 p.

En 1880, tandis que l’enseignement supérieur connaît d’importantes réformes en métropole, quatre Écoles supérieures sont créées à Alger : médecine, droit, lettres et sciences. Ces deux dernières sont au cœur de la « monographie sur la géographie universitaire de l’Algérie coloniale » que propose la géographe Florence Deprest. Une analyse fine de la connaissance scientifique produite par ces institutions sur le Maghreb, lue au regard des contextes institutionnel et politique qui président à son élaboration, lui permet d’éclairer les contradictions et la diversité de ces savoirs. Il s’agit ainsi pour elle de considérer le développement institutionnel de la géographie en situation coloniale à travers ses lieux de production, et d’interroger les liens entre élaboration de savoirs sur l’espace et domination coloniale, refusant de poser a priori une relation directe entre les deux.

À la croisée de plusieurs champs historiographiques connaissant chacun d’importants renouvellements comme l’histoire de la colonisation et l’histoire sociale des sciences, les liens entre savoirs géographiques et colonisation ont donné lieu à de nombreux travaux, anglo-saxons mais également de plus en plus français. Des études récentes, comme L’Empire des géographes 1, contribuent à combler certaines lacunes et reviennent sur le terme de « géographie coloniale », qui conduit souvent à considérer la géographie comme la science de l’impérialisme sans étudier les interactions multiples et les évolutions complexes propres à chaque situation coloniale. Dans la lignée de l’ouvrage sur L’invention scientifique de la Méditerranée 2, des travaux d’Isabelle Surun sur les explorateurs en Afrique équatoriale française 3 ou encore de ceux d’Hélène Blais sur les officiers de marine dans le Pacifique 4, Florence Deprest interroge les savoirs sur l’espace à travers ceux qui les produisent en considérant des figures universitaires, principalement des géographes. Il s’agit donc d’une approche originale, qui permet d’aborder l’histoire de l’Algérie coloniale sous l’angle inédit d’une histoire intellectuelle et académique.

Sa démonstration repose sur l’exploitation de sources nombreuses, au premier rang desquelles les travaux scientifiques des universitaires d’Alger. Leur analyse, complétée par un recours aux dossiers personnels des différents auteurs, permet d’éclairer leurs évolutions académiques et scientifiques ainsi que leurs stratégies professionnelles. [End Page 97] L’utilisation des Annales de Géographie comme référence pour situer les universitaires algérois dans le champ métropolitain, les développements statistiques auxquels elle donne lieu, ainsi que l’étude du fonctionnement des Écoles supérieures, soulignent les relations entre scientifiques parisiens et algérois et éclairent les carrières qui en découlent.

Dans une première partie, qui va de 1880 à 1900, Florence Deprest étudie l’émergence de la géographie comme discipline scientifique en Algérie, au miroir de son institutionnalisation progressive dans le même temps en métropole. À travers les acteurs qui se succèdent aux postes des Écoles d’Alger, elle met en lumière les quinze premières années au cours desquelles la géographie, bien que produite par des universitaires, ne répond pas toujours aux ambitions initiales. Elle reste en effet très liée à l’histoire, loin d’une géographie « moderne » qui s’attacherait à la description des territoires contemporains, que défendent les créateurs des deux postes pour l’enseignement de la géographie à l’École des lettres. Il y a donc un décalage entre le caractère novateur du projet, qui témoigne d’une avancée de la colonie sur la métropole où la géographie est peu présente, et un enseignement qui reste très traditionnel. À travers quelques figures comme Joseph de Crozals ou Édouard Cat, l’auteur s’intéresse ensuite à la place de la géographie à l’École des lettres, créée pour...

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