In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

  • Des différents pays recherchés :perspectives actuelles sur une sempiternelle tension
  • Serge Dupuis (bio)

Marcel Martel et Martin Pâquet. Langue et politique au Canada et au Québec : une synthèse historique. Montréal, Boréal, 2010, p. 336, 29,95 $.

Nul ne contestera que la relation ténébreuse entre langue et politique a été au cœur des tensions entre Canadiens. Grâce aux efforts des historiens de York et de Laval Marcel Martel et Martin Pâquet, la question possède maintenant sa synthèse historique.

En remontant à l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 qui exigeait l'unité linguistique de l'administration dans l'Empire français, Langue et politique retrace l'évolution des politiques linguistiques au Canada jusqu'à nos jours. Les auteurs constatent que la Nouvelle-France avait atteint un niveau d'homogénéité linguistique très tôt dans son histoire puisque les patois locaux de France s'étaient dissipés chez la majorité des habitants. Malgré la signature du Traité de Paris (1763), Londres fut contraint à mousser la loyauté des « Canadiens » à son Empire. C'est ainsi qu'il autorisa la préservation du code civil, la foi catholique, le système seigneurial et la langue française. Dans le deuxième tiers du XIXe siècle, la Grande-Bretagne a voulu tordre le bras des « Canadiens » dans le but d'homogénéiser la colonie sur le plan linguistique, mais ces derniers se développèrent une conscience collective au lieu. Si les Patriotes considéraient la langue comme un instrument qui permettait la participation à la communauté politique, l'Église l'associa au fondement même de la « communauté imaginée » qui deviendrait le Canada français après 1840.

L'interdiction de l'instruction en français à l'extérieur du Québec à partir des années 1870 est considérée comme un effort par l'intelligentsia canadienne-anglaise d'unifier la Confédération. Les hostilités de l'époque sont situées dans le contexte des migrations des Canadiens français vers l'Ontario et le Nouveau-Brunswick et celui de l'immigration de trois millions de non-Britanniques au Canada. Il a fallu quinze ans pour que Queen's Park renonce au Règlement 17, signe d'un relâchement progressif de la volonté canadienne-anglaise assimiler les Canadiens français.

Il va sans dire que la langue a aussi été associée au pouvoir. L'industrialisation est traitée de force aliénant les Canadiens français de la [End Page 194] mainmise sur leur destin. Le patronat à forte prédominance anglo-saxonne employait rarement le français dans le milieu du travail et empêchait souvent l'accès des Canadiens français aux postes de cadres. Même en 1961, ces derniers étaient deux fois plus aptes à être analphabètes que les anglophones et ne gagnaient, en moyenne, que les deux tiers du revenu moyen de ces derniers au Québec (p. 101, 152, 168). Il faudrait attendre jusqu'en 1995 pour que les revenus soient distribués équitablement entre les deux entités. Les auteurs notent également que, malgré la volonté des élites canadiennes-françaises d'améliorer le sort de leurs compatriotes, elles étaient les premières à dénigrer le langage vernaculaire (et anglicisé) des couches ouvrières.

Les auteurs dépeignent les années 1960 comme un point tournant qui permit de nombreuses réalisations, telles l'intégration d'un nombre représentatif de Canadiens français à la fonction publique, la prestation de services gouvernementaux bilingues et l'ouverture d'une pléthore d'écoles pour les « minorités linguistiques ». La Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme a lourdement pesé dans l'adoption de la Loi sur les langues officielles de 1969 et la formulation de l'article 23 de la Charte des droits et libertés de 1982 qui garantit l'accès à l'école dans la langue de la minorité. La mise en oeuvre des recommandations de la Commission faisait abstraction de l'opinion que la langue devait s'appuyer sur un soutien culturel, une conception rejetée par plusieurs N...

pdf

Share