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  • Chronique de la psychiatrie ordinaire. Patients, soignants et institutions en Sarthe du XIXe siècle au XXIe siècle
  • Jean-Christophe Coffin
Hervé Guillemain.-Chronique de la psychiatrie ordinaire. Patients, soignants et institutions en Sarthe du XIXe siècle au XXI e siècle. Le Mans, Éditions de la Reinette, 2010, 143 p.

En 1838, le gouvernement de la Monarchie de Juillet obtenait, après de nombreuses années de discussion, le vote d’une ambitieuse loi pour la prise en charge des malades mentaux, appelés alors des aliénés ou encore des insensés selon un usage plus ancien. En 1818, le médecin et inspecteur du gouvernement J. E. D. Esquirol avait commis un rapport sur la condition et le nombre des aliénés en France où il s’inquiétait du sort d’une population qui méritait autant la compassion qu’une certaine surveillance. Les aliénés pouvaient en effet être de sérieux perturbateurs et il fallait des lieux pour les interner. Les autorités du département de la Sarthe n’attendirent pas la loi de 1838 pour se doter d’un établissement pour aliénés, d’autant qu’une enquête préliminaire locale avait évalué le nombre des pensionnaires potentiels à plus d’une centaine. La réalisation d’un tel établissement dans un département plutôt isolé justifia longtemps une certaine fierté. Ces années antérieures à la loi de 1838 constituent le point de départ du livre de l’historien Hervé Guillemain, auteur de plusieurs ouvrages sur le religieux et le médical. C’est l’histoire de cette institution et de ses ramifications territoriales qui nous est proposée par l’auteur, qui s’appuie sur de nombreuses archives et un matériel iconographique qui vient enrichir son livre.

La monographie d’établissement est un genre prisé et désormais classique parmi les historiens de la psychiatrie. Cette attention récurrente reflète l’importance et la centralité de l’asile pour la médecine mentale du XIXe siècle tout comme pour la psychiatrie des premières décennies du XXe siècle. Le genre monographique a ses adeptes et parfois quelques détracteurs. La crainte des détails et de la marée [End Page 182] d’informations qui viendraient saturer le propos est, en effet, un risque. Il est ici pleinement évité. La réalisation de ce travail s’inscrit dans un projet de plus grande envergure : le retour d’une communauté de soignants sur son propre parcours et sur son passé. L’historien et son équipe sont dès lors entrés en dialogue avec les acteurs de leur terrain d’investigation. H. Guillemain a fait comprendre le sens de sa démarche, et a su éviter la célébration ennuyeuse d’une institution qui n’aurait que des événements heureux à commémorer ! Pour les soignants et, dans une moindre mesure, pour les autorités locales, il s’agissait, en confrontant leurs souvenirs aux objectifs de l’historien, d’aboutir à un nouveau regard sur ce lieu qui constitue encore aujourd’hui un espace incontournable de la vie sociale du Mans et du département de la Sarthe. Car, et c’est un des mérites du livre de bien le faire comprendre, la vie de l’hôpital psychiatrique n’est pas en dehors de la vie du chef-lieu. Il en fait pleinement partie, alimentant les représentations collectives autour de la folie, faite de peurs et de compassions, et nourrissant aussi plusieurs centaines de personnes, car un hôpital psychiatrique génère de nombreux emplois. Les réformes imaginées par les psychiatres au niveau national et les efforts d’application par les psychiatres de l’hôpital ont des répercussions sur la vie sociale locale. Non que la population mancelle se passionne plus qu’une autre pour les bienfaits de la psychothérapie institutionnelle ou d’un autre programme thérapeutique. Mais quand, à partir des années 1950, l’ouverture des pavillons est encouragée, cela conduit, au niveau local, à une réorganisation des m...

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