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  • La méthode Coué: histoire d’une pratique de guérison au XXe siècle
  • Olivier Faure
Hervé Guillemain.-La méthode Coué: histoire d’une pratique de guérison au XX e siècle. Paris, Éditions du Seuil, 2010, 390 p. « L’Univers historique ».

Chacun emploie bien souvent l’expression de méthode Coué pour désigner de façon péjorative un comportement naïf et conjuratoire qui croit qu’il suffit de dire les choses pour qu’elles arrivent. La popularité de l’expression est inversement proportionnelle à l’ignorance dans laquelle on était jusqu’au livre d’Hervé Guillemain de la réalité de la méthode et surtout de son histoire. En effet personne, ou peu s’en faut, ne savait que l’expression avait été d’abord utilisée par Céline, puis Montherlant, dans les années 1930, avant de prendre après la guerre une acception politique servant à moquer les gouvernements, en général de droite, impuissants devant les problèmes économiques et les guerres coloniales. Encore moins de gens, s’il est possible, savaient qui était Monsieur Coué, dont on finissait par croire qu’il avait été un personnage mythique.

Contrairement aux a priori, la méthode Coué n’est pas le fruit des élucubrations plus ou moins délirantes d’un esprit dérangé et illuminé suivi par des disciples hypnotisés. Certes, il y eut la formule un peu magique « Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux », que les patients devaient répéter dans un état semi-conscient en s’aidant d’une sorte de chapelet, des scènes de quasi hystérie à New York lorsque s’y rendit Émile Coué. Ces aspects indéniables ne manquèrent pas de susciter d’emblée les ricanements de nombreux esprits forts et la méthode sombra très vite dans l’oubli, au moins en France, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en partie grâce à la place que le collaborateur Alphonse de Châteaubriant (1877–1951) occupait dans la principale société couéiste.

Loin des facilités et condescendances auxquelles on vient de se livrer, Hervé Guillemain, déjà auteur d’un ouvrage remarqué intitulé Diriger les consciences, guérir les âmes, qui explorait les relations complexes entre le religieux et le psychiatrique, prend la méthode Coué au sérieux et nous dévoile savamment les enjeux que révèle le « moment Coué ». Bien que pharmacien à Troyes, puis à Nancy, ce qui le protégea de la plupart des accusations de charlatanisme, Émile Coué (1857–1926) fut souvent baptisé le bon docteur Coué. Il est vrai que son âge (la bonne cinquantaine lorsqu’il se lance dans l’aventure), son aspect rassurant (une sorte de Raymond Poincaré en plus lisse et débonnaire) avait sans doute tout pour inspirer confiance. Plus sérieusement la méthode se trouva très vite profondément enracinée au carrefour des multiples courants qui traversent la psychiatrie, la médecine et la société dans les années qui précèdent et suivent la Première Guerre mondiale. Il est bien difficile de dire dans quelle mesure Coué en fut conscient et utilisa sciemment le contexte dans lequel il se trouvait pour développer sa méthode.

L’inscription de la méthode Coué dans « la longue histoire des cures magnétiques » ne fait pas de doute. Ne serait-ce que par sa résidence, Coué est lié à l’École de Nancy de Liébault et Bernheim où se pratique l’hypnotisme et surtout la suggestion sous hypnose. Cette dernière décline pourtant à la charnière des deux siècles, laissant plus de place, soit au retour à une certaine forme de traitement moral, soit à la psychanalyse. Entre ces deux orientations, la méthode Coué offre une troisième voie, dans la droite ligne de Bernheim qui définit l’autosuggestion que revendiquent aussi de nombreux praticiens (Lévy, Bonnet, Durville, Jagot). Coué réussit mieux que les autres parce qu’il est plus rapide à opérer le retournement de la suggestion à l’autosuggestion (qui perd son trait...

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