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UAnti-héros cornélien a l'école d'Eros CLAUDE ABRAHAM Dans un article souvent perspicace publié il y a une dizaine d'années, Philip Koch maintenait que malgré l'omniprésence de "fourbes," c'est- à-dire de ruses, l'amant des premières comédies de Corneille démontrait au moins une qualité constante: "There can be no doubt that his love is sincere and deep." * La sincérité et la fourbe n'allant guère de pair, faudrait-il entendre par là que cette fourbe est déclenchée par un rival et non par le héros? M. Koch lui-même suggère une réponse (qui peut paraître gênante puisqu'elle contredit la thèse précitée) quand il dit que dans La Galerie du palais "the motive for the 'fourbe' must come from one of the four principal lovers." 2 Malheureusement, cette réponse partielle ne résout pas le problème; tout au plus en pose-t-elle une deuxième: La Galerie du palais ferait-elle exception? Y aurait-il, dans cette série de pièces idylliques une comédie grinçante? Hélas, non. Qu'un jeu de mots cornélien me soit permis, et je dirais que M. Koch est trop généreux envers ces jeunes amoureux qu'il décrit avec telle bienveillance. Il n'est que trop facile d'être aveuglé par l'héroïsme cornélien, de voir tout jeune amant par les yeux de Chimène—ou de Phèdre, "Charmant, jeune, traînant tous les coeurs après soi"?—mais cette conception est un anachronisme critique auquel un examen rigoureux ne permet pas de subsister. Comme le dit Mélite, la toute première héroïne titulaire de Corneille, "en faict d'amour, la fraude est légitime" (v. 1939).3 Nous allons voir Claude Abraham is Professor of French at the University of California, Davis. 1 "The Hero in Corneille's Early Comedies," PMLA 78 (1963), 197. 'Ibid., p. 198. 3 Je me suis servi autant que possible des éditions critiques disponsibles: pour Mélite et La Veuve, des éditions Mario Roques et Marion Lièvre (Genève: Droz, 1950 et 1954); pour ROCKY MOUNTAIN REVIEW205 que son cas est loin d'être isolé, que dans toute cette oeuvre de jeunesse —mais ne pourrait-on pas passer outre, et inclure dans cette censure tous (et toutes) les protagonistes du Menteur}—Corneille nous présente des amants qui ne se font pas prier pour prendre comme leur cette devise de machiavellisme erotique. Au début de Mélite, il n'y a pas un couple amoureux, ou même un simple triangle, mais un véritable pentagone: Eraste, qui aime Mélite; Philandre et Cloris, qui s'aiment; et Tirsis qui est plutôt sceptique en matière d'amour. Mais dès leur première entrevue, c'est le coup de foudre et pour le railleur Tirsis et pour Mélite qui se croyait exempte elle aussi: Je ne reçoy d'amour, et n'en donne à personne, Les moyens de donner ce que je n'eus jamais? (w. 158-159) Tirsis s'avoue pris sur le champ, ébloui par "je ne sçay quoi," (v. 354) tandis que Mélite n'avouera son amour qu'un acte plus tard. Dorénavant , malgré la jalousie de Tirsis, malgré son manque de confiance, ces deux montreront en effet un amour tout aussi profond et sincère que ne le veut M. Koch. Mais en est-il de même des autres amants ? Comme son nom l'indique bien, Philandre aime, mais d'un amour qui n'est ni profond, ni sincère. S'il parle à Cloris d' "ardeurs mutuelles" (v. 325), et s'il se vante de sa fidélité (v. 667), cela ne l'empêche nullement de déclarer un amour tout aussi chaleureux à Mélite une centaine de vers plus loin. Que Cloris ne puisse continuer à aimer un amant si volage, soit; mais qu'elle se venge en se donnant à Eraste, égoïste cruel et dédaigneux, voilà qui ne la montre pas...

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