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COLETTE ET LE THÈME DU PARADIS Jacqueline A. Giry Un essai de justification du choix de cette etude, "Colette et le thème du Paradis," s'impose dès l'abord. Il s'explique peut-être, ce choix, par le goût du paradoxe, par le désir découvri le domaine mystérieux de celle que l'on qualifie d'athée, de pénétrer dans son paradis terrestre au centre duquel une imagerie facile l'emprisonne dans des histoires de gigolos, rjarmi des fleurs et des chats. Jeu auquel Colette se prête volontiers avec une coquetterie non déguisée, elle qui se plaît à se cacher là où elle croit qu'on ne la cherchera pas. Opacité et transparence de ce paradis, seront, en fait, le but de notre recherche. Au moment de la perte de l'innocence première, nous verrons s'étendre l'ombre qui obscurcit le monde lumineux du paradis de l'enfance. Cest la période de conflits et d'ambivalences: problèmes antithétiques du beau et du laid, du bien et du mal, du pur et de l'impur, de la liberté et de la soumission. Puis se fera jour la nécessité de la recréation du paradis originel par le mécanisme de la mémoire, ce "puissant et sensuel génie qui crée et nourrit les visions enfantines."1 Jeu de juxtaposition d'ombre et de lumière d'où naît le douloureux paradoxe qui est au centre de toute l'oeuvre de Colette: elle nous offre son propre paradis, Uluminé par toute la richesse de son art; mais nous savons bien que son paradis n'est aussi merveilleux que parce qu'il est l'objet de sa quête perpétuelle et qu'elle ne le retrouve jamais. Le Paradis originel Où est done le heu privilégié originel? Il est dans le jardin du paradis de l'enfance. Toute la vie enfantine de Colette émane de la maison grise de Saint-Sauveur, du jardin clos, du "navire natal"2 qui est la symbole d'intimité et de blettissement. Il s'agit bien, en effet, d'un univers-coquille, d'un univers -nid. Cette maison grise, au coeur de ce jardin fermé, c'est Colette ellem ême qui la nomme "paradis." "J'habitais," nous dit-elle, "un paradis que vous n'imaginiez point, peuplé de mes dieux, de mes animaux parlants, de mes nymphes et de mes chèvrefeuilles."8 Et ailleurs elle nous parle encore de cette "forêt ancienne, toute pareille au paradis" sur lequel règne sa "Mère." Car on pourrait dire: au commencement était Sido—Sido, la mère que Colette nous présente "parée d'enfants, de fleurs et d'animaux comme un domaine nourricier."* Sido qui lui apprend que le bonheur est proche et 1CoIeTIe, La Femme Cachée, o.e. VII, p. 461 (Le Bracelet). 2......._..., Sido, o.e. VII, p. 180. 3............, Les Vraies de la Vigne, o.e. IV, p. 211. *............. La Maison de Claudine, o.e. VU, p. 124. 23 24RMMLA BulletinMarch 1973 qu'il est partout. Il réside dans le quotidien, et le quotidien est merveilleux: "Regarde, vite le bouton de l'iris noir est en train de s'épanouir! Si tu ne te dépêches pas, il ira plus vite que toi."5 Sido est une magicienne pour la petite fille émerveillée. Elle a un "visage de jardin" et il s'établit entre elle et la nature une sorte d'identité. En même temps qu'une prêtresse, elle est, une sorte de Cybèle qui s'identifie à la nature. L'admiration sans bomes de l'enfant, se hausse alors jusqu'à une foi mystique. Sido devient une dêesse-mère immortelle à qui Colette doit le bonheur lumineux du paradis de son enfance, et à laquelle est s'adresse en ces termes: "Sido et mon enfance, l'une et l'autre, l'une par l'autre, furent heureuses au centre de l'imaginaire étoile à huit branches."6 C'est dans ce "jardin d'Eden," dans ce "jardin enchanté"' que, par une connaissance immanente, non...

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