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ASPECT STRUCTURAL DE L'EDUCATION SENTIMENTALE Henri Servtn Dès les premiers instants où Gustave Flaubert présente les personnages féminins qui constitueront les quatre tentations de Frédéric Moreau, il utilise deux procédés esthétiques particuliers, chacun réservé à un couple distinct: le premier de ces couples—Mme Arnoux et Louise; le second—Mme Dambreuse et Rosanette. L'analyse de l'effet obtenu grâce à cette distribution permettra de discerner un jeu complexe de contrastes et d'analogies qui s'étend bien au-delà de la présentation même des personnages. Voyons tout d'abord ce qui pourrait être un aspect assez simple de la façon par laquelle les personnages en question sont introduits dans le roman. Cest en effet par le procédé romanesque de l'apparition que Frédéric aperçoit le premier couple de personnages. On se souvient de la fameuse scène du bateau où le jeune homme voit Mme Arnoux pour la première fois: Ce fut comme une apparition: Elle était assise, au milieu du banc, toute seule; ou du moins il ne distingua personne dans l'éblouissement que lui envoyèrent ses yeux. En même temps qu'il passait, elle leva la tête; il fléchit involontairement les épaules; et, quand il se fut mis plus bin, du même côté, il la regarda (p. 4).1 Le texte est aussi explicite ou peut-être même aussi évocateur qu'un thème musical présenté dans sa forme la plus simple, la plus dépouillée, en vue de permettre à son créateur de le modular par la suite. Le procédé tel qu'il est utilisé ici ne nous étonne guère puisque nous connaissons le rôle sublime que l'auteur fait jouer à Mme Arnoux. Frédéric est tout autant surpris lorsque la jeune paysanne, Louise Roque, lui apparaît dans le jardin qui fait face à la maison de Mme Moreau. Il perd alors tout intérêt aux conseils que lui prodigue sa mère: Frédéric n'entendait plus. H regardait machinalement par dessus la haie, dans l'autre jardin, en face. Une petite fille d'environ douze ans, et qui avait les cheveux rouges, se trouvait là, toute seule. ... La présence d'un inconnu l'étonnait, sans doute, car elle s'était brusquement arrêtée, avec son arrosoir à Ia main, en dardant sur lui ses prunelles, d'un vert bleu limpide (p. 90). Remarquons, de plus, que dans les deux épisodes il y a retranchement du monde extérieur car toute apparition, pour être convaincante, doit forcément s'accompagner d'une mise en scène d'où sont exlues les sensations étrangères à l'effet recherché. L'arrièreplan est néanmoins présent mais l'image accompagnée de tous ses éléments en est brouillée, obscurcie comme dans le cas de la scène du bateau, et lors de la rencontre à Nogent, c'est le son que l'auteur élimine. La présentation des femmes du second couple est bien différente, et en *Gustave Flaubert, L'Education sentimentale: Histoire d'un jeune homme, notes et relevé de variantes par Edouard Maynial (Paris: Gaemier Frères, 1901). Toutes les citations et références sont prises dans cette édition. 41 42RMMLA BulletinJune 1972 même temps bien prosaïque. Frédéric, puisque tout est perçu par lui, ne les aperçoit que furtivement. C'est Ie cas pour Rosanette au théâtre du PalaisRoyal où il est moins question d'elle que des deux autres personnages qui l'accompagnent Elle est tout simplement "une jeune fille blonde, les paupières un peu rouges comme si elle venait de pleurer" (p. 26). Son identité ne sera d'ailleurs dévoilée que plus loin dans le roman. C'est furtivement aussi que le jeune homme entrevoit pour Ia première fois Mme Dambreuse alors qu'elle sortait de chez elle: Un coupé bleu, attelé d'un cheval noir, stationnait devant le perron. La portière s'ouvrit, une dame y monta et la voiture, avec un bruit...

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