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Reviewed by:
  • Espaces, objets du roman au XVIIIe siècle: Hommage à Henri Lafon
  • Elisabeth Zawisza (bio)
Jacques Berchtold , éd. Espaces, objets du roman au XVIIIe siècle: Hommage à Henri Lafon. Paris: Presses Sorbonne Nouvelle, 2009. 206pp. €23. ISBN 978-2-87854-456-5.

Ce recueil de treize essais est un vif témoignage de la contribution d'Henri Lafon (1938-2006) à l'histoire et à l'approche du roman des Lumières. Une note biographique par René Démoris et Christophe Martin, ainsi que la bibliographie de ses travaux établie par Jacques [End Page 139] Berchtold rappellent le parcours riche de l'auteur, entre autres, de deux de ses livres devenus classiques: Les Décors et les choses dans le roman français du dix-huitième siècle de Prévost à Sade (1992) et Espaces romanesques du XVIIIe siècle (1670-1820): de Madame de Villedieu à Nodier (1997). Regroupés en trois ensembles dont l'avant-propos de Jean-Paul Sermain résume utilement les enjeux, ces études réalisent parfaite ment leur objectif qui est de « manifester comment on peut aujourd'hui s'approprier les objets », que Lafon a construits, « les champs qu'il a cartographiés, les outils critiques qu'il a mis à l'épreuve » (13).

L'ensemble intitulé « Méthodes » expose les perspectives originales dans lesquelles Lafon aborde la fiction. Jean-Paul Sermain décrit la portée de la « sémiotique littéraire » qui informe l'approche lafonienne. Signe linguistique érigé en « médiateur » entre monde et texte, concepts narratologiques posés en outils d'analyse, Lafon a montré comment le roman des Lumières, bien avant le réalisme, recompose les éléments du réel, comment ceux-ci « acquièrent une valeur littéraire » dans une syntaxe du récit et intègrent ainsi d'autres entités textuelles. Et Sermain de conclure que tant les originalités de cette approche que ses « exclusions » contribuent à notre connaissance de l'histoire et de la nature du roman. Jacques Berchtold insiste que la démarche de Lafon, fondée sur un impressionnant répertoire de textes—« pourvoyeurs d'exemples » (34), invite à relire à sa lumière les récits majeurs. Comparer certains topoi de La Nouvelle Héloïse à ceux d'autres romans a permis en effet à Berchtold de dégager de nouvelles relations de « désir », de « pouvoir » et de « savoir » (Lafon) dans l'espace romanesque de ce chef-d'œuvre. Michel Delon va plus loin en insistant que l'étude lafonienne des objets et des lieux « s'inscrit dans un souci d'une vie ouverte à l'espace et à l'histoire » (54). Son essai montre que c'est pour mieux témoigner du contexte externe, politico-géographique, de leur écriture que certains auteurs modernes exploitent, en les remaniant, les clichés utilisés par les romanciers des Lumières (Lafon-Crébillon, Kundera-Denon, Wittkop-Sade). Et ce double déplacement dans le temps et dans l'espace confirme admirablement la nature du roman comme texte toujours ouvert « à l'incertitude du sens et au conflit des interprétations » (51). Le même constat émerge de l'analyse proposée par Erik Leborgne des duels récurrents qui rythment l'histoire du capitaine de Jacques le Fataliste et de son camarade. La mise en série des éléments constitutifs de leurs séquences permet à Leborgne de proposer une interprétation fort originale de cet épisode. Selon lui, l'espace du duel « sert de masque et de paravent à un roman d'amour homosexuel qui relève de l'inconscient du texte » (64).

La partie intitulée « Objets d'études » travaille davantage les concepts d'espace, d'objet et de décor élaborés par Lafon. René Démoris compare deux romans de Mouhy, picaresque et libertin, pour montrer que c'est le fonctionnement opposé de ces concepts qui différencie la basse et la [End Page 140] haute « Romancie ». La maîtrise des objets et le « savoir pratique » du peuple bougeant dans l'espace ouvert du monde sensible s'y opposent au rapport médiatisé aux objets et aux « fantasmes de pouvoir » des grands enfermés dans des espaces dénaturés. Nathalie...

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