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Reviewed by:
  • Femmes de pouvoir. Une histoire de l’égalité professionnelle en Europe (XIXe–XXe siècles)
  • Françoise F. Laot
Sylvie Schweitzer. - Femmes de pouvoir. Une histoire de l’égalité professionnelle en Europe (XIXe–XXe siècles). Paris, Payot, 2010, 256 p. « Essais Payot ».

Voici une synthèse dense, écrite dans un style rapide et particulièrement fournie en références diversifiées, de ce qu’a été le long chemin qu’ont dû parcourir les femmes françaises et européennes avant d’investir, à l’aube du XIXe siècle, « presque tous les lieux de décision et de pouvoir », c’est-à-dire des métiers et des fonctions où « l’autorité – morale, technique ou scientifique – est requise ». L’auteure organise son propos en deux niveaux. Le premier correspond à une périodisation qui structure l’ouvrage en trois grands chapitres, complétés par un quatrième plus transversal. Le second niveau d’organisation, théorique, repose sur un modèle de progression des femmes dans des fonctions et métiers de pouvoir en trois « cercles » concentriques. Le premier est celui des pionnières ou des « premières ». Elles ont osé braver les interdits « moraux », passer outre les barrières « naturelles » ou « biologiques » solidement échafaudées pour préserver les espaces publics de toute présence féminine. Elles doivent creuser leur place en terrain hostile et adoptent, « en réaction, des comportements féministes » (p. 14). La voie étant ouverte, d’autres s’y engouffrent. Elles constituent le deuxième cercle. Elles sont plus nombreuses, mais toujours minoritaires et n’ont que le souhait de se fondre dans la masse. « S’efforçant à la discrétion », elles tentent « d’estomper le féminin » qui les caractérise en assimilant les modèles masculins dominants. Enfin, lorsque femmes et hommes sont représentés en nombre quasi égal, les femmes du troisième cercle revendiquent l’égalité totale. Selon S. Schweitzer, l’incompréhension qui s’installe si des discriminations perdu-rent montre que « l’amnésie collective est à l’œuvre » : « on en oublierait presque que ces professions n’ont été accessibles que dans des combats tout à la fois séculaires et internationaux » (p. 14).

Trois vagues de « premières »

La première période étudiée, intitulée « Construire les inégalités », court des années 1860 à 1920. Depuis que la Révolution a exclu les femmes de la citoyenneté, les discours tendent à justifier pareille injustice en invoquant divers arguments moraux, sociaux et scientifiques. La « nature » des femmes, leurs fonctions mater-nelles sont mises en avant pour expliquer leur refoulement hors de l’exercice de « l’utilité générale ». L’accent est mis sur la différenciation des sexes. Pourtant, l’industrialisation va changer la donne à travers la question éducative. L’enseignement primaire, puis post-primaire s’impose, la co-éducation des sexes est débattue. De loi en réforme, également pour des raisons économiques, un peu partout en Europe, les programmes d’enseignement jusqu’alors très différenciés selon les sexes, tendent à se rapprocher, jusqu’à rendre possible l’inscription au baccalauréat (ou à ses équivalents européens) pour quelques filles issues de la bourgeoisie qui sollicitent des dérogations. Grâce à l’ouverture des études supérieures – et « déjà, elles y réussissent mieux que leurs frères » –, une première vague de pionnières va alors investir de nouveaux espaces professionnels. Les premiers métiers, ceux de la médecine et du barreau, s’ouvrent aux femmes « non sans grincements » (p. 36). Les enseignantes quant à elles vont bientôt investir le niveau secondaire. Pour le supérieur, il faudra encore attendre un peu Cela deviendra imaginable pour quelques rares « premières » dans la plupart des pays européens au début du XXe siècle.

La seconde période, « Organiser les différences », mène le lecteur jusqu’aux années 1970. La Première Guerre mondiale a temporairement permis aux femmes d’occuper des fonctions masculines, mais les portes se sont vite refermées. Les femmes réclament leur place dans la fonction publique. Une École nationale d’administration, [End Page...

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