In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • De la prison à la chambre. Essai sur les frontières humaines
  • Pascal Riendeau (bio)
Philippe Mottet , De la prison à la chambre. Essai sur les frontières humaines. Québec, L'instant même, 2008, 156 p., 20$

Dans la conclusion de l'ouvrage de Philippe Mottet, De la prison à la chambre, on lit cette précision: « je ne m'adresse exclusivement ni aux universitaires ni aux philosophes, qui railleraient sans doute, avec quelque raison peut-être, le manque de rigueur de ma réflexion [. . .] ». Cet énoncé se révèle très lucide de la part de l'auteur d'un essai personnel sur la littérature, la spiritualité et la présence au monde. En fait, on pourrait ne pas tenir rigueur à Philippe Mottet de son manque de rigueur, si on voyait dans son essai une réflexion vraiment originale, dénuée de préjugés ou d'idées trop souvent ressassées. Dès les premières pages, l'auteur fait preuve de modestie, arguant qu'il n'a « aucun talent pour le discours philosophique ni - hélas ! - pour la poésie », bien que « le lyrisme [lui] tienne souvent lieu de pensée ». Il ne cache pas non plus sa méthode : il aime « à cheminer par détours » et demande au lecteur de le suivre. Tous les amateurs d'essais l'accompagneront sans difficulté sur cette voie, d'autant plus qu'il se place en quelque sorte sous les auspices de Montaigne. À l'instar du grand essayiste, Mottet aime bien butiner, passer d'un sujet à l'autre, accumuler les digressions. L'auteur sait habilement partager son enthousiasme pour la littérature, et son répertoire est vaste, de L'Odyssée à Elie Wiesel en passant par Louise Labbé, Montaigne, Nietzsche, Stendhal ou Giono, sans oublier les auteurs québécois, dont Claude Mathieu et Gaston Miron. S'il ne cesse de rappeler ses carences, ses lacunes, il offre néanmoins un riche tableau de lectures qui montre une culture littéraire variée.

Qu'est-ce donc qui, dans son essai, peut déranger le lecteur, et a fortiori le lecteur universitaire ? Plusieurs choses : l'auteur a du mal à s'en tenir à son sujet (les frontières humaines) et à approfondir sa pensée ; il multiple les jugements et procède à des amalgames discutables. La liberté que se donne un essayiste peut paraître bien fragile quand le raisonnement n'est pas toujours clair, quand le propos n'est pas toujours juste. Pour éviter tout dérapage, il aurait été préférable de faire disparaître les banalités et les phrases creuses. Or il serait possible d'en constituer tout un florilège. Dans l'essai, nombreux sont les exemples qui tournent autour [End Page 510] de la religion, de la spiritualité, de la croyance. Après une brève critique pertinente du monde des communications, de cette impression que l'individu « impatient » peut tout avoir et tout savoir grâce à Internet, l'essayiste ajoute une autre digression dans laquelle il proclame : « (Dieu n'est pas mort, car nous avons encore besoin de Lui, ne seraitce que pour tenir à distance cette tentation d'ubiquité à laquelle il est bien risqué d'aspirer) ». Le désir de connaissance et l'illusion d'ubiquité (!) justifieraient la croyance en Dieu, prouveraient son existence ? Cette proposition surprenante ne peut émaner que d'un croyant peu critique qui ne s'interroge pas sur le bien-fondé de son hypothèse. Ailleurs, il prévient pourtant son lecteur : « Mais je ne veux pas verser dans la théologie, qui n'est pas mon discours, quoique mon âme soit « naturellement religieuse », à l'égal de toute autre ». Malheureusement, presque chaque recours au religieux vient affaiblir l'interprétation littéraire qu'il propose.

D'autres énoncés autour de la connaissance sonnent faux: « le plomb n'est qu'un métal dense et lourd jusqu'à ce qu'un alchimiste pose sur lui son regard intérieur. Et c'est précisément là que commence l'aventure de l'esprit ». Que vient faire ici le regard de l'alchimiste ? On rétorquera qu'il s'agit là d'une simple métaphore...

pdf

Share