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  • L'Illustration dans l'Europe des Lumières:Un parcours interdisciplinaire
  • Monique Moser-Verrey (bio)

Depuis L'Heureuse initiative de David Blewett qui offrait en 2002 aux lecteurs d'Eighteenth-Century Fiction un double numéro de la revue intitulé « Genre romanesque et culture de l'imprimé », l'intérêt pour ce domaine est toujours plus marqué et la recherche tente aussi de prendre un virage interdisciplinaire lui permettant de conjuguer les connaissances des littéraires avec celles des spécialistes des médias et des arts visuels pour mieux décrire et mieux comprendre la culture visuelle de l'imprimé au xviiie siècle. Comme le soulignaient déjà les trois sections du volume évoqué, consacrées à l'auteur, l'illustration et l'histoire du livre, l'aspect matériel des ouvrages, proposés à un public lecteur en pleine évolution, affiche de précieux renseignements sur les conditions d'émergence et de développement des marchés du roman imprimé à cette époque. Divers paratextes révèlent les positions éthiques et esthétiques des auteurs,1 les stratégies de mise en marché des éditeurs2 et la nouvelle fonction de l'illustration toujours mieux intégrées aux propos publiés. Pour Nicholas Cronk, le texte et les images des romans illustrés dès leur première parution forment une unité que les nouvelles éditions critiques ignorent à leurs risques et périls.3 [End Page 597]

Prenant au sérieux cette mise en garde, le groupe de recherche qui présente ici quelques résultats de son enquête sur les livres à gravures produits pendant le dernier tiers du xviiie siècle, s'est donné pour tâche d'élucider la culture visuelle qui s'en dégage en ciblant plus particulièrement des scènes mémorables ou des « gestes admirables » illustrant les peuples et leurs rencontres à travers une variété de narrations allant du récit de voyage au roman en passant par des recueils de récits brefs, histoires, anecdotes, nouvelles, contes merveilleux et voyages imaginaires sans compter les notices d'ouvrages encyclopédiques. L'hypothèse commune qui a guidé ces recherches diversifiées concerne le statut de l'image côtoyant le texte dans les ouvrages analysés. Au lieu de servir d'ornement à un texte qui se suffit à lui-même et d'en appuyer l'idée par un discours allégorique, comme c'est l'usage à l'âge classique, l'image des Lumières justifie le propos du texte en donnant à voir ce dont il est question. Ainsi, l'explorateur peut-il rendre concrets des objets reculés dans l'espace que ses lecteurs n'ont jamais vus, l'historien peut intéresser son public à des scènes reculées dans le temps et le conteur définir l'auditoire à captiver par la lecture d'anciennes ou de nouvelles féeries.

Il semble aisé d'admettre que le critère de vérité s'attache à une image représentant un objet, un portrait, une scène ou un paysage dans la mesure où le dessin a été fait d'après nature. Le lecteur-spectateur d'une notice encyclopédique ou d'un voyage d'exploration scientifique comprend alors les descriptions comme des commentaires situant et enrichissant l'image. L'inversion de la relation hiérarchique, qui place le langage verbal au-dessus du langage iconique dans la tradition judéo-chrétienne, semble consommée. Mais tout n'est pas si simple, parce qu'il n'y a pas de représentation visuelle sans la médiation d'un regard qu'il s'agit de pouvoir situer, tout comme il n'y a point de récit ni de commentaire neutres. L'essentiel des recherches présentées ici consiste donc à établir, selon les exigences de la discipline à laquelle appartient chacun des chercheurs, les contextes spécifiques qui donnent lieu à la construction et à la rencontre des textes et des images étudiés. L'attention est également portée sur la place qu'occupe l'ouvrage illustré dans l'économie culturelle de l'époque, sur la postérité des textes et des images et enfin sur...

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