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Reviewed by:
  • Huysmans, politique et religion
  • Marc Smeets
Seillan, Jean-Marie . Huysmans, politique et religion. Paris : Éditions Classiques Garnier, 2009. Pp. 440. ISBN 978-2-8124-0053-7

La question méritait d'être (re)posée: J.-K. Huysmans s'est-il intéressé à la politique de son époque? Non, ou alors très peu, ont répondu les chercheurs huysmansiens jusqu'ici. Si, et même beaucoup, riposte Jean-Marie Seillan dans son Huysmans, politique et religion. Et la manière avec laquelle il nous invite à faire découvrir ce «nouvel» aspect de l'auteur d'À rebours est on ne peut plus convaincante, voire saisissante. Huysmans antisémite? Antimaçon? Antimoderne? Mais oui. Question d'éclairer «préfaces, journaux intimes, interviews, essais, lettres ouvertes, correspondance privée, articles de presse, notes de lectures, témoignages contemporains, etc.» (403) Un véritable travail de titan, on l'aura compris, et dont Jean-Marie Seillan s'est tiré à merveille. Grâce à une plume limpide, sûre et pleine de finesse, l'auteur nous met en présence d'un «obstiné protestataire » (22) dans les domaines politico-religieux, personnage qui, ici et là, peut révéler une vérité «gênante» (137), si l'on qualifie de gênante la démarche du critique dont le but est très explicitement de faire bouger les images reçues. J.-K. Huysmans et l'Affaire Dreyfus, par exemple: qualifiée de «plaisanterie» (161) et de frénésie collective de prime abord, elle deviendra vite pour l'écrivain une guerre contre la religion, sa religion, ainsi que Huysmans le constate dans La Libre Parole du 24 juillet 1902: «Je crois, en réalité, à un mouvement universel organisé par les Juifs qui sont les banquiers des Francs-Maçons, comme l'a dit Drumont. Il y a entente entre les Maçons et les Protestants. Les Protestants n'existaient pas, en effet, avant l'affaire Dreyfus. Les Juifs ont ordonné la réhabilitation du coreligionnaire traître, et l'on a vu les Protestants sortir de tous les coins, de dessous toutes les roches, on les a vus partout se grouper en nombre pour mener le bon combat contre l'Église romaine, derrière Judas...» (178). D'ailleurs, ce fragment (qui nous apprend en même temps que Huysmans fut un «lecteur régulier» (230) du journal de Drumont) en dit long aussi sur le côté «fantasmateur de complot» [End Page 362] chez l'auteur de Là-bas. Car l'imaginaire conspirationniste—et qui ne peut être réduit à une simple chaîne de causalité, soulignons - le avec l'auteur de Huysmans, politique et religion—est omniprésent chez J.-K. Huysmans, qu'il s'agisse des franc-maçons, des Juifs, des libres-penseurs, des socialistes, des papistes, des militaristes ou encore des positivistes. Derrière eux il y a toujours un Satan manipulateur, dont l'unique but est de «détruire la religion catholique et [d']instaurer la République universelle» (236). Et tout ceci débité sur ce ton vitupérant et pessimiste caractérisant ce moderne à contre-cœur. De ce point de vue, J.-K. Huysmans pourrait bien être considéré comme un «antimoderne» au sens qu'Antoine Compagnon a donné à ce terme dans Les Antimodernes de Joseph de Maistre à Roland Barthes (Gallimard, 2005)-et où, à notre avis, l'auteur d' À rebours aurait dû avoir sa place. Ce serait en effet, pour nous, la meilleure qualification de la nouvelle image «difficilement superposable à celle que la critique a perpétuée» que propose Seillan de l'écrivain, image qui provient, nous assure-t-il, d'avoir «épousé un catholicisme daté, divisé par les controverses théologiques, bousculé dans ses certitudes par les batailles politiques qui agitaient ses contemporains» (403). Somme toute, le portrait complexe mais brillamment brossé de ce croyant grincheux que Jean-Marie Seillan nous offre ici est indispensable non seulement pour tout lecteur de l'œuvre, mais encore pour tout un chacun s'intéressant à ce tournant du siècle si mouvementé, perturbé et pourtant fascinant.

Marc Smeets
Université Radboud de Nimègue
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