Information Professionals and Web Information Systems: A Pan-Canadian Survey/Professionnels de l'information et systèmes d'information web : une enquête pancanadienne

Abstract

This article presents the results of a pan-Canadian survey looking at the involvement of information professionals (IP) in web information systems (WIS). The study is the second phase of a research program aimed at understanding the links between web teams, their WIS and the users. One hundred and nineteen IP, involved in two hundred and twenty-nine WIS, participated in the survey. Rich data was obtained on their professional and organizational characteristics, on the WIS in which they are involved, and on their tasks in the systems, all of which contributes to validate empirically their position in web teams.

Résumé

Cet article présente les résultats d'une enquête pancanadienne s'intéressant à l'implication des professionnels de l'information (PI) dans les systèmes d'information web (SIW). Cette étude est la deuxième phase d'un programme de recherche visant à étudier le lien entre les équipes web, les SIW et leurs utilisateurs. Cent-dix-neuf PI, impliqués dans deux-cent-vingt-neuf SIW, ont participé à cette enquête. Des données riches sur leurs profils professionnels et organisationnels, sur les SIW où ils interviennent et sur leurs tâches dans ces systèmes ont permis de préciser empiriquement leur position dans les équipes web.

Introduction

Les systèmes d'information web (SIW) sont de plus en plus adoptés par les organisations qui y voient des potentiels multiples que ce soit pour supporter leurs processus internes, pour rejoindre leurs clientèles ou pour gérer leurs relations avec leurs partenaires d'affaires. Ces systèmes d'information basés sur des technologies web (sites web externes, intranets, extranets et systèmes de commerce électronique (Isakowitz, Bieber et Vitali 1998) sont des systèmes d'information complexes. À ce titre, ils demandent des compétences variées au sein de leurs équipes web, souvent le propre d'acteurs provenant d'horizons divers. De plus, pour bien rendre compte de cette complexité, ils doivent être étudiés de manière holistique, en contexte.

La recherche sur les SIW, après s'être initialement penchée sur certains acteurs particuliers et certaines composantes précises, s'est élargie à la recherche de méthodologies systématiques et adaptées sous l'égide de la nouvelle discipline de l'ingénierie web. Toutefois, peu d'études empiriques ont été menées qui considèrent ces systèmes dans leur globalité, prenant en compte l'environnement informationnel où ils s'inscrivent, l'ensemble des acteurs sur leurs équipes web ainsi que leurs utilisateurs.

L'intervention de certains acteurs sur les équipes web est moins connue et reconnue que d'autres. C'est le cas des professionnels de l'information (PI)² qui, étant de par leur formation et leur expertise des professionnels de la gestion de l'information, ont le potentiel pour contribuer significativement au développement de la dimension informationnelle des SIW. Bien que de plus en plus impliqués dans les SIW, leur intervention est souvent circonscrite aux services d'information et aucun consensus explicite n'existe quant à cette intervention.

La présente enquête pancanadienne s'inscrit dans un programme de recherche en trois phases voulant étudier le lien entre les SIW, leurs équipes web et leurs utilisateurs. Cette enquête voulait vérifier la généralisabilité des résultats obtenus dans un premier temps dans le contexte du gouvernement fédéral canadien afin d'obtenir un portrait détaillé, sans limitation à un type de milieu en particulier, des caractéristiques des PI qui interviennent dans des SIW, des systèmes où ils interviennent, de leurs tâches dans ces systèmes et des facteurs qui influencent leur intervention.

Problématique

Byrne (2000) prédisait qu'au XXIe siècle les organisations seraient des organisations « web » basées sur un mode de gestion réticulaire et intégrant les nouvelles technologies, dont Internet, à leurs activités. L'augmentation observée dans les organisations en matière d'implantation des SIW au cours des dernières années concorde avec cette vision. De plus en plus d'organisations investissent dans les systèmes web, les implantant pour diverses raisons : soutenir le travail interne (intranets), s'assurer une présence sur le web (sites web externes), permettre la communication interentreprises (extranets) et supporter l'interaction avec les consommateurs (systèmes de commerce électronique) (Detlor 2000).

Figure 1.

Modélisation des différentes composantes des SIW développée à partir de la littérature et validée empiriquement (Dufour 2003 ; Dufour et Bergeron 2004).

Les SIW sont des systèmes d'information complexes à plus d'un titre. Leur premier niveau de complexité provient de leur nature multidimensionnelle (Figure 1). En tant que métaproduits d'information, c'est-à-dire regroupant un ensemble de produits d'information (Orna 2007), ces systèmes comportent à la fois un contenant (dimensions graphique et technologique) et un contenu (dimension informationnelle). Leur évolution au fil des ans vers des systèmes d'une complexité grandissante, dépassant le simple regroupement de pages statiques pour produire des environnements de plus en plus interactifs, vient renforcer l'importance de la dimension de l'interaction usagers-systèmes. Les organisations doivent s'assurer, dans le développement de leurs systèmes web, de prendre en compte l'ensemble de ces dimensions pour en assurer la réussite.

À ce premier niveau intrinsèque de complexité vient s'ajouter un deuxième niveau extrinsèque, du fait que ces systèmes s'inscrivent au sein de l'écosystè me complexe des organisations. Il est crucial de considérer les SIW dans leur globalité, une connaissance insuffisante de l'environnement dans lequel ils s'inscrivent (Detlor 2001) ou des facteurs organisationnels reliés (Martini, Corso et Pellegrini 2009 ; White 2008) représentant un danger pour les organisations. Pour comprendre toute la complexité de ces systèmes sociotechniques, il faut les étudier en contexte tant social que culturel et organisationnel, tel que préconisé par Kling, Rosenbaum et Sawyer (2005) dans leur approche de l'informatique sociale, ainsi que prendre en compte les différentes composantes de l'environnement informationnel où ils s'inscrivent, selon le modèle de l'écologie informationnelle de Davenport et Prusak (1997).

Bien que de plus en plus présents, les systèmes web demeurent un phé nomène relativement récent et le degré d'avancement de la recherche sur ce sujet varie en fonction des aspects traités. Après s'être attardée dans un premier temps à des applications précises ou des étapes de développement en particulier (Wang et Head 2001), la recherche s'est intéressée par la suite à développer de nouvelles approches et méthodologies adaptées à ces systèmes web, comme ils diffèrent des systèmes d'information « pré web » (Murugesan et al. 2001), surtout lorsqu'ils intègrent des fonctionnalités hypermédia (Lang et Fitzgerald 2005). Les travaux issus de l'ingénierie web, nouvelle discipline ayant émergé à la fin des années 1990 pour répondre à l'absence fréquente de rigueur observée dans le développement web, ont contribué à consolider les bases méthodologiques (Murugesan et al. 2001).

Toutefois peu d'études empiriques ont été menées pour comprendre les enjeux sociaux et organisationnels de l'intégration des SIW. Bansler et al. (2000) ainsi que Butler (2003) ont étudié les SIW en contexte organisationnel :

• • Bansler et al. (2000) ont examiné, par le biais d'une approche d'étude de cas interprétative, l'adoption d'intranets au sein de deux organisations européennes. Les deux portraits détaillés obtenus démontrent que l'introduction des intranets produit des défis tant technologiques que de gestion et demandent de nouvelles approches de développement de système d'information.

• • Butler (2003) a utilisé une approche d'étude de cas constructiviste pour examiner le développement et l'implantation de systèmes web (intranet et site web externe) dans une organisation pour comprendre l'implication des acteurs sociaux dans ces systèmes. Cette étude a permis de mieux appréhender les problèmes sociaux et organisationnels relatifs aux SIW, entre autres liés à la résistance au changement et à la réussite des projets web.

Ces études ont permis d'étudier en profondeur l'adoption et le développement de SIW dans des organisations. Les approches retenues, de par leur nature exploratoire et descriptive, limitent toutefois la généralisabilité de leurs résultats. D'autres études sont nécessaires pour continuer de développer la compréhension des SIW en contexte, afin de donner aux organisations des lignes directrices supplémentaires pour éviter les écueils potentiels d'une implantation et d'un développement non adaptés à leur réalité.

Les équipes web se trouvent parmi les éléments cruciaux à la réussite de l'implantation des SIW. La méconnaissance des différentes perspectives apportées par les équipes web ainsi qu'une définition déficiente des responsabilités web représentent des obstacles potentiels au succès de l'implantation des SIW (Detlor 2001 ; Klein, Jiang et Tesch 2002 ; Martini, Corso et Pellegrini 2009 ; White 2008). Différentes propositions quant à leur composition et aux compétences recherchées sont présentées dans la littérature. Ces dernières sont souvent anecdotiques, décrivant des projets particuliers, comme exemple, le cas d'une équipe en charge de l'intranet d'une organisation précise. D'autres, ancrées dans l'expérience des auteurs, présentent des combinaisons d'acteurs ou de compétences recherchées dans une équipe web. Mentionnons à ce titre Hansen, Deshpande et Murugesan (2001) qui présentent une catégorisation hiérarchique des habiletés nécessaires au développement de systèmes web, développée à partir de leur expérience. Cette catégorisation s'articule autour de trois axes (gestion, interaction homme-machine, aspects techniques) et comporte six grandes catégories d'acteurs web : les utilisateurs web, les fournisseurs de contenu, les éditeurs web, les développeurs web, les agents de soutien web, et les gestionnaires web. Tant les retours d'expérience spécifiques que plus généraux offrent aux organisations des exemples intéressants et utiles. En l'absence d'une validation systématique de ces combinaisons, leur portée toutefois demeure plus limitée.

Les recherches empiriques sur les équipes web sont peu nombreuses. Certains auteurs ont adopté une approche « en silo professionnel » s'intéressant à certains acteurs précis en réponse, par exemple, à un besoin ressenti au sein de certaines professions de mieux se définir ou se redéfinir suite aux changements apportés par l'introduction du web et des SIW. C'est le cas, par exemple, pour la fonction de webmestre dont les tâches sont extrêmement diversifiées. Van der Walt et Van Brakel (2000) se sont penchés sur cette fonction et concluent de leur enquête par un questionnaire, rempli par soixante-trois webmestres d'entreprises privées réparties sur le globe, que le rôle de webmestre est relativement complexe, nécessitant des connaissances multidisciplinaires, ce qui rend ainsi difficile pour une seule personne d'en assumer tous les aspects. Plus largement, l'ensemble des fonctions liées aux technologies de l'information a été influencé par l'apparition des SIW demandant ainsi une réévaluation de leur intervention pour ce qui est des environnements web. Taylor, England et Gresty (2001), par une étude de cas de vingt organisations du Royaume-Uni, ont examiné ces fonctions par rapport aux SIW. Ils se sont ainsi intéressés aux habiletés et connaissances nécessaires pour le développement de sites web, à la manière dont elles sont utilisées dans la pratique actuelle ainsi qu'aux mécanismes par lesquels elles peuvent être acquises et enrichies.

Rares sont les études ayant abordé plus largement l'ensemble des acteurs impliqués. L'étude de plus grande envergure à cet égard est celle ayant mené à l'élaboration du référentiel des Métiers de l'Internet (www.metiers.internet.gouv.fr/) qui présente quarante-deux fiches métiers se greffant à douze grandes familles. Les familles proposées couvrent l'ensemble des facettes des SIW — par exemple, Programmation et développement, web design et graphisme, Gestion de l'information et des connaissances. Ce référentiel est issu de la méthodologie développée par Michel Germain (2004) pour répondre au manque observé de connaissances sur les nouveaux métiers liés au web, méthodologie reprise en partenariat par la Délégation aux Usages de l'Internet rattachée au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche en France. Ce référentiel est un outil précieux pour mieux comprendre les différents intervenants potentiels, mais n'offre toutefois pas de pistes aux organisations pour pouvoir moduler leurs équipes web en fonction de leurs contextes.

Certaines dimensions des SIW sont moins visibles et connues que d'autres, nécessitant ainsi des recherches supplémentaires. C'est le cas de la dimension informationnelle, souvent occultée par les dimensions technologique et graphique des systèmes. La proposition d'équipe web de Murugesan et al. (2001), par exemple, ne comprend pas explicitement cette dimension. Les PI, en tant que professionnels de la gestion de l'information — c'est à dire de sa création, son stockage, son traitement, son analyse, son repérage et sa diffusion — possèdent des compétences informationnelles qui pourraient être mises à profit au sein des équipes web pour aborder cette dimension. Toutefois, bien que leur implication dans le développement et le design de SIW des PI soit chose commune (Raward 2003), leur positionnement par rapport aux SIW n'est pas bien connu et ne fait l'objet d'aucun consensus explicite même au sein de la profession. Ce manque de consensus, que l'on pouvait il y a quelques années rattacher entre autres à la nouveauté du phénomène des SIW en organisations, provient aussi d'une connaissance limitée de leur expertise professionnelle de la part d'autres acteurs organisationnels, mais parfois aussi de la haute direction (Orna 2007).

Depuis plusieurs années déjà, les PI vivent en effet des transformations profondes induites en majeure partie par les changements technologiques et plus précisément les évolutions réseautiques tel le web (Marfleet et Kelly 1999 ; Rao et Babu 2001). En plus de devoir suivre l'évolution technologique pour y adapter leurs pratiques, les PI voient aussi s'ouvrir de nouvelles opportunités comme acteurs potentiels sur les équipes web. Il est ainsi légitime, au même titre que l'étude de l'implication dans les SIW des webmestres ou des informaticiens, de s'intéresser à leur implication dans ces systèmes. Bien que l'on retrouve dans la littérature plusieurs écrits liant les PI et les nouveaux environnements numériques, cette dernière est pour beaucoup anecdotique, documentant des expériences d'implantation de SIW en milieu documentaire, ou d'opinion, précisant l'impact du web sur les PI. Peu de recherches empiriques ont été effectuées pour étudier précisément la place des PI au sein des équipes web.

Une première étude empirique a été menée étudiant l'intervention des PI au sein de SIW dans le contexte du gouvernement fédéral canadien (Dufour 2003). Cette étude a permis de constater, dans le milieu étudié, que la dimension d'intervention prédominante des PI dans les SIW était au niveau des tâches liées au contenu, en conformité avec leurs compétences professionnelles. Ils ne se contentent toutefois pas d'intervenir seulement au niveau informationnel, mais touchent à l'ensemble des dimensions des SIW, la dimension technologique étant bien présente — plus que ce que la littérature laissait prévoir — ainsi que les tâches transversales. Les tâches moins fréquentes étaient celles ayant trait à l'interface graphique, à l'interaction utilisateurs-système et aux politiques. Leur intervention se concentrait sur deux types de SIW seulement, les sites web externes et les intranets. De plus, leur implication se retrouvait surtout au sein de services d'information, les SIW de portée organisationnelle plus large (p. ex. les SIW ministériels) étant moins présents. Ceci dénote une certaine reconnaissance de leur apport aux équipes web en dehors des sphères documentaires, mais celle-ci demeure tout de même limitée. Trois facteurs sont ressortis de cette étude pouvant avoir un impact sur la nature des tâches des PI dans les SIW : (1) les types de SIW, (2) les types de postes occupés par le PI, et (3) le type de gouvernance en ce qui concerne les politiques d'information et des configurations informationnelles adoptées en support aux SIW.

L'approche qualitative de cette étude limite toutefois la généralisabilité des résultats à des contextes similaires. Mais est-ce que la situation est la même dans d'autres contextes (p. ex. en milieu universitaire ou privé) ? Est-ce que ce portrait reste toujours d'actualité ? Ces questionnements ont motivé l'enquête pancanadienne présentée dans cet article. Cette enquête visait ainsi à comprendre plus largement l'intervention des PI dans les systèmes web. Plus précisément, cette étude cherchait à répondre aux trois questions de recherche (QR) suivantes :

• • QR1 : Dans quels types de SIW sont impliqués les PI ?

• • QR2 : Quelles sont les tâches assumées par les PI dans les SIW ?

• • QR3 : Est-ce que les tâches assumées par les PI dans les SIW varient en fonction de différents facteurs (organisationnels, professionnels, etc.) ? Si oui, quels sont ces facteurs et comment influencent-ils les tâches des PI ?

Méthodologie

Contextualisation de l'enquê te pancanadienne

L'étude pancanadienne dont les résultats sont ici présentés est la deuxième phase d'un programme de recherche qui examine le lien entre les trois pôles que sont les SIW, leurs équipes web et leurs utilisateurs, et ce, dans une perspective informationnelle. Ce programme se découpe en trois phases brièvement présentées ci-dessous pour situer la présente étude.

Phase 1 : Étude du rôle des PI dans les SIW en milieu gouvernemental

Dans un premier temps, une étude a été effectuée pour comprendre l'intervention des PI dans les SIW (Dufour 2003). Au moment de cette étude, la quasi absence d'études empiriques sur le sujet a justifié l'adoption d'une approche qualitative, basée sur des entrevues semi-structurées en personne, pour comprendre en profondeur l'implication de PI dans des SIW d'un milieu où le phénomène était présent, soit le gouvernement fédéral canadien. En a découlé entre autres une typologie détaillée des tâches des PI dans les SIW dans le milieu étudié.

Phase 2 : Étude du rôle des PI dans les SIW canadiens, tous types de milieu confondu

L'approche méthodologique qualitative utilisée à la phase 1 n'offre qu'une généralisabilité théorique aux résultats, c'est-à-dire à des contextes similaires (c.-à-d. gouvernementaux). Une enquête par questionnaire a eu lieu en 2007-2008 afin de vérifier la généralisabilité de la typologie établie à la phase 1.

Phase 3 : Étude de l'impact des équipes web sur les SIW développés et leurs utilisateurs

Finalement, une autre étude en cours, subventionnée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, s'intéresse à l'impact de la composition des équipes web sur les SIW développés et sur leur capacité à répondre aux besoins des usagers dans un contexte informationnel. Cette dernière étude prend appui sur les résultats des deux premières phases.

Devis méthodologique de l'enquête pancanadienne à la phase 2

Le devis de recherche retenu pour la phase 2 a été une enquête descriptive ponctuelle. La population cible était les PI impliqués dans des SIW d'organisations canadiennes. Ces derniers furent principalement rejoints par le biais d'associations pancanadiennes et provinciales du domaine, comme exemple, la Canadian Library Association et l'Association des archivistes du Québec. L'invitation a été lancée sur les listes de discussion des associations ou par l'intermédiaire d'une personne ressource de l'association en l'absence de forums. Des écoles de bibliothéconomie et des sciences de l'information ont aussi été sollicitées, pour rejoindre leurs diplômés.

Le questionnaire web auto-administré utilisé pour la collecte a été construit à partir de la typologie des tâches des PI dans les SIW développée à la phase 1. Ce questionnaire électronique, offert dans les deux langues officielles (la version en français est présentée à l'Annexe 1), conduisait les répondants, à travers six étapes allant de la description d'un maximum de trois SIW sur lesquels ils intervenaient, à la description de leurs tâches dans ces SIW et, finalement, de leurs profils démographiques, professionnels et organisationnels (Figure 2).

Figure 2.

Déroulement du questionnaire électronique.

Afin d'assurer une compréhension uniforme de la terminologie utilisée, des définitions et précisions supplémentaires étaient accessibles aux répondants à même les formulaires par le truchement de bulles d'information. Au moment du premier accès au sondage, les répondants se voyaient attribuer un mot de passe qui leur permettait en tout temps de faire une pause pour y revenir par la suite, ceci pour assurer un meilleur taux de réponse, le questionnaire pouvant prendre un certain temps à remplir, entre autres pour les répondants qui interviennent sur plus d'un système.

Un premier pré-test a été fait auprès de trois PI impliqués dans des SIW assumant des tâches variées dans les SIW et provenant de milieux autres que le milieu gouvernemental. Ces PI avaient pour mission de remplir le questionnaire en notant les questions ou inconforts avec le questionnaire, notamment en ce qui concerne le vocabulaire. Par la suite, le questionnaire a été modifié pour prendre en compte leurs commentaires et l'invitation fut lancée auprès d'une des listes de discussion identifiées dans la stratégie de recrutement en guise de second pré-test. Un soin particulier a été porté à leurs réponses, entre autres au niveau des questions appelant des commentaires, pour identifier tout problème ou biais potentiel. Aucun problème n'ayant été identifié suite à l'analyse des vingt-huit questionnaires complétés, les données de ce deuxième pré-test ont pu être conservées dans l'étude. L'invitation fut lancée par la suite à toutes les associations identifiées (plus d'une vingtaine). La collecte a débuté en novembre 2007 et s'est terminée en avril 2008. Cent-dix-neuf PI ont rempli le questionnaire³. Des analyses statistiques (tableaux d'effectifs et tableaux de contingence, tests Khi deux) ont été effectuées à l'aide d'Excel et de SPSS pour les questions fermées, tandis que les questions ouvertes ont été analysées par le biais d'une analyse de contenu qualitative. Les résultats ainsi que leur discussion seront présentés à la section suivante.

Résultats et discussion

Dans un premier temps, les résultats en lien avec les caractéristiques démographiques, professionnelles et organisationnelles des répondants seront présentés afin de les situer. Par la suite, les résultats seront détaillés en fonction des trois grandes questions de recherche qui soustendent cette étude qui s'intéressent (1) aux particularités des SIW dans lesquels ces PI interviennent, (2) aux tâches de ces professionnels dans les SIW, et (3) aux facteurs pouvant influencer la nature de leurs tâches dans les SIW. L'interprétation de ces résultats se fera au fur et à mesure de leur présentation.

Caracté ristiques des répondants et de leurs milieux

Profils démographiques et professionnels des répondants

On constate de l'examen du profil démographique des répondants qu'il est similaire sur plusieurs points aux tendances globales observées dans

la profession. Le fait d'intervenir dans des systèmes web n'est pas associé à des caractéristiques démographiques particulières. Ainsi, on retrouve chez les participants, tout comme dans la profession en général :

• • Une prédominance féminine (73,95 %). Les PI impliqués dans des SIW ne suivent ainsi pas le profil informatique qui est habituellement plus un milieu d'homme, mais plutôt le profil en sciences de l'information.

• • Une grande variation dans les domaines disciplinaires pour ce qui est de la formation initiale. Les lettres ainsi que les sciences humaines et sociales prédominent (Figure 3)⁴. Seule une faible proportion (3,88 %) a suivi, au cours de leur formation initiale, des programmes en lien avec l'informatique. Cet état de fait n'est pas que le propre des PI intervenant dans les SIW. Lang et Fitzgerald (2005) ont observé la même chose à propos des concepteurs hypermédia. Diffé rents moyens peuvent être utilisés pour développer les compétences technologiques tels des formations continues, la pratique, les collègues, ou des lectures (web, magazines, etc.) (Taylor, England et Gresty 2001).

  

  Figure 3.

  Nuage de mots créé à partir de la formation postsecondaire des répondants, à l'exception des diplômes touchant la bibliothéconomie, les sciences de l'information et l'archivistique (généré avec http://www.wordle.net, 381 diplômes mentionnés).

• • Des âges diversifiés. La majorité des répondants ont de 26 à 35 ans (29,41 %), de 36 à 45 ans (23,53 %) et de 46 à 55 ans (26,89 %) indiquant ainsi que ce ne sont pas que les récents diplômés en sciences de l'information, mis en contact avec les nouvelles réalités numériques dès leur formation initiale, qui sont impliqués dans des SIW.

• • Une expérience variée sur le plan professionnel. Certains répondants étaient de récents PI avec 5 ans ou moins d'expérience (36,98 %), tandis que d'autres exerçaient la profession depuis 16 ans et plus (36,98 %).

Comme nous le verrons plus tard, la majorité des répondants ont une intervention web périphérique ou modérée, où les tâches en lien avec les SIW viennent se greffer à leur travail principal (p. ex. de bibliothécaire de référence). Ceci peut expliquer que beaucoup d'entre eux aient un profil démographique « traditionnel » sur plusieurs points.

Les PI interrogés partagent toutefois une caractéristique qui les distingue : la réalité des SIW fait partie de leur vie pour plusieurs depuis le tout début de leur carrière ou même avant (p. ex. 66,67 % des répondants occupant un poste de PI depuis 6 à 10 ans ont dit intervenir dans les SIW depuis autant d'années).

Finalement, un peu plus des deux tiers des répondants (70,69 %) occupent des postes professionnels (p. ex. bibliothécaire, archiviste), pour un cinquième (21,55 %) des répondants qui agissent comme gestionnaire ou cadre (p. ex. directeur de bibliothèque, chef d'un service d'archives). Un faible pourcentage des répondants a précisé occuper à la fois un poste de professionnel et un poste de gestionnaire (2,59 %) ou occuper un poste de soutien (p. ex. commis, technicien en documentation) (2,59 %).

Profil organisationnel (milieux et services) des répondants

Les PI interrogés proviennent de milieux variés, tant publics et parapublics que privés. Trois milieux prédominent, représentant un peu plus des trois quarts des répondants, soit (1) le milieu de l'enseignement supérieur (33,61 %), (2) le milieu gouvernemental (24,37 %) et (3) le milieu municipal (19,33 %). Les trois autres milieux — milieux spécialisés (7,56 %), scolaires (1,68 %) et privés (10,08 %) — occupent le dernier quart. On peut s'interroger quant à la présence si peu marquée de ces trois milieux. S'agit-il de milieux où les SIW sont moins présents ?

Tableau 1.

Services d'attache des répondants (n = 119 PI)

Où sont moins impliqués les PI dans des SIW ? Ou bien d'une sous-représentation de ces derniers dans l'échantillon ? Cette situation peut en partie s'expliquer du fait que la pénétration des technologies web au sein du secteur privé canadien est moins grande que pour le secteur public. En 2007, 41,41 % des entreprises du secteur privé canadien avaient un site web et 8,17 % vendaient des services ou produits sur Internet pour respectivement 93,22 % et 15,94 % pour le secteur public (Statistique Canada 2010).

On retrouve aussi une diversité en ce qui concerne les types de service auxquels sont rattachés les répondants (Tableau 1). Toutefois, un type de service prédomine, soit les bibliothèques, pour un peu plus des deux tiers des répondants. Quoique les milieux traditionnels (bibliothéconomiques et archivistiques) soient les plus présents, certains professionnels ont investi des services moins traditionnels (p. ex. département d'informatique et de communication). En 1993, Davenport et Prusak soulignaient l'importance, pour renouveler le modèle des bibliothèques corporatives afin de leur donner un rôle moins marginal au sein des organisations, de sortir « hors de leurs murs ». Les SIW représentent une opportunité pour les PI d'atteindre cet objectif. Cet « exode » hors des murs traditionnels commençait déjà lors de la première étude, mais ne semble pas s'être accentué depuis (autour du quart des répondants, dans les deux études, travaillaient à l'extérieur des services d'information). Leur présence « hors les murs documentaires » demeure périphérique.

Caracté ristiques des SIW dans lesquels interviennent les PI (QR1)

Les répondants ont décrit un maximum de trois SIW sur lesquels ils intervenaient au moment de l'enquête. L'objectif de cette description était d'identifier les caractéristiques des systèmes web où les PI sont impliqués pour ainsi mieux circonscrire leur intervention dans ces systèmes. Ils ont entre autres précisé, pour chacun des deux-cent-vingt-neuf systèmes identifiés, le type de SIW dont il s'agissait, la ou les clientèles visées ainsi que son ou ses objectifs.

Les répondants, bien qu'intervenant principalement sur des sites web externes (56,19 %) et des intranets (34,07 %), contribuent aussi à d'autres types de SIW (extranets 3,93 % ; sites de commerce électronique 0,87 %). Au moment de l'enquête, les organisations canadiennes demeuraient encore timides par rapport à la vente de produits et services sur Internet (Statistique Canada 2010), pouvant potentiellement expliquer la quasi-absence des systèmes de commerce électronique. De plus, la majorité des PI interrogés relève de services d'information. Les besoins pour des systèmes de commerce électronique ou des extranets peuvent potentiellement être moins grands pour ce type de services que pour des sites web externes et des intranets, motivant la prédominance de ces derniers.

Les systèmes web où interviennent les répondants visent différentes clientè les et objectifs. Plusieurs de ces systèmes s'adressent parfois simultané ment à plusieurs clientèles (46,72 % des SIW avec deux clientèles ou plus) et objectifs (66,81 % des SIW avec quatre objectifs ou plus) faisant ainsi bien ressortir leur complexité potentielle. Cette multiplicité des objectifs et clientèles est un des points qui les différencie des systèmes d'information traditionnels (Yang et Tang, 2005). Le défi est ainsi grand pour ce qui est de la définition des contenus, mais aussi de la gestion des interactions des usagers avec le système et des technologies employées, différentes clientèles pouvant avoir des styles cognitifs variés, divers objectifs pouvant entrainer des besoins technologiques distincts. Il est d'autant plus important, en amont du développement des systèmes, de bien expliciter tant les clientèles que les objectifs.

Globalement, les objectifs des SIW sont pour beaucoup de nature informationnelle (Informer : 86,46 % ; Partager l'information : 72,49 %) ce qui peut justifier, en partie, la présence des PI sur leurs équipes web. Des différences significatives se retrouvent entre les sites web externes, les intranets et les autres types de SIW, reflétant les définitions mêmes de ces systèmes et rejoignant les observations antérieures (Detlor 2000 ; Dufour 2003), tant pour ce qui est des clientèles (Khi deux = 93, dl = 8, p < ,001) que des objectifs (Khi deux = 37,32, dl = 12, p < ,001) :

• • Les sites web externes visent plus généralement le grand public (76,38 %), mais visent aussi dans une bonne proportion des publics spécialisés (60,63 %). Les vitrines web des organisations visent en effet souvent d'une part, à informer globalement les usagers potentiels s'adressant ainsi plus largement au grand public, tout en offrant, d'autre part, des informations et services plus ciblés aux clients et usagers effectifs. Ces systèmes se veulent des plateformes informationnelles (Informer : 89,76 % ; Partager l'information : 68,50 %) et communicationnelles (Communiquer : 69,29 %), vitrines de leurs produits et services (Offrir des produits et services : 71,65 % ; Promouvoir : 67,72 %) auprès des clientèles visées.

• • Les intranets, quant à eux, se spécialisent bien entendu dans le personnel de l'organisation dans son ensemble (77,92 %), mais aussi, dans plusieurs cas, s'adressent à des sous-ensembles plus restreints du personnel (31,17 %). Ces SIW viennent en appui aux processus (Améliorer le travail et les processus : 76,62 %) pour aider au partage de l'information (Partager l'information : 85,71 %) et à la communication (Communiquer : 69,29 %).

Toutefois, ni les types de milieu, ni les types de services d'attache des répondants ne viennent moduler de manière significative les types de SIW sur lesquels ils interviennent, leurs clientèles ou les objectifs.

Tâches des PI dans les SIW (QR2)

L'intervention web des PI interrogés se révèle être à intensité variable allant d'une intervention périphérique, où leurs tâches web ne représentent qu'un faible pourcentage de leur travail quotidien, jusqu'à une intervention lourde qui occupe la majorité de leur temps avec les SIW (Figure 4). Ainsi, pour un peu plus des deux tiers des répondants, leurs tâches web occupent moins de la moitié de leur travail quotidien ; l'intervention sur des SIW vient s'ajouter à leurs tâches principales à titre, par exemple, de bibliothécaire de référence, d'archiviste ou de gestionnaire. Le dernier tiers occupe au moins la moitié de leurs journées avec des tâches reliées aux SIW, portant des titres révélateurs de ces fonctions web, par exemple, webmestre, web development librarian, web architect, ou web developer.

Figure 4.

Proportion des tâches quotidiennes qu'occupent les tâches liées aux SIW identifiés (n = 119 PI).

* Il n'y a aucune cooccurrence dans cette plage

Afin de pouvoir comprendre et décrire l'intervention des PI dans les SIW, le questionnaire dans un premier temps leur demandait d'identifier, à partir de la typologie de la phase 1, les tâches qu'ils assumaient pour chacun des SIW décrits. Pour chacune des dimensions, un choix « Autre » était inclus dans la typologie, qui pouvait être simplement coché ou aussi accompagné d'une courte description, permettant ainsi d'indiquer toute tâche non prévue dans la typologie. Cette possibilité n'a été que peu utilisée, un signe que les choix offerts correspondaient bien à leur réalité ; la typologie développée pour le contexte gouvernemental correspond aussi à l'intervention des PI provenant d'autres types de milieu. Par la suite, en guise de synthèse générale, les répondants ont identifié leur(s) principale(s) dimension(s) d'intervention sur les SIW.

Figure 5.

Cooccurrences des dimensions couvertes par les tâches des PI dans les SIW (n = 229 SIW).

Note : Dans cette figure, la force des cooccurrences de deux dimensions (c.-à -d. lorsque pour un même SIW, un répondant assumait des tâches appartenant à ces deux dimensions) est représentée par l'épaisseur des liens entre les dimensions ainsi que par la teinte de ces mêmes liens. Les fréquences relatives représentent la proportion des systèmes web pour lesquels les cooccurrences existent.

Nature de l'implication

L'analyse des résultats, tant au niveau de la perception des répondants que pour les tâches prises en charge dans les SIW décrits, révèle une intervention multidimensionnelle. Tout comme à la phase 1, les PI interrogés sont impliqués sur l'ensemble des dimensions des SIW, disant assumer pour la majorité plus d'une dimension d'intervention (69,75 %), un peu plus de la moitié déclarant être impliqués dans trois dimensions ou plus (50,42 %).

L'examen de la cooccurrence des dimensions couvertes par leurs tâches pour chaque SIW décrit permet de faire ressortir un noyau fort et central au coeur de leur intervention : (1) l'implication au niveau de l'information, (2) l'intervention sur le plan de l'interaction usagers-système, et (3) la prise en charge de tâches transversales telles la gestion ou la planification du SIW (Figure 5).

Les autres dimensions (interventions en matière des politiques, de l'interface graphique et de la technologie) apparaissent plus périphériques, coexistant plus fréquemment avec les tâches informationnelles et transversales. Ainsi, peu de répondants ont concurremment pris en charge des tâches technologiques, des tâches liées aux politiques ou à l'interface graphique, ces trois dimensions se révélant relativement cloisonnées. En fait, elles font appel à des compétences habituellement moins centrales à la formation en sciences de l'information, acquises potentiellement par des moyens parallèles par les PI pouvant ainsi créer un certain effet de spécialisation dans l'une ou l'autre de ces sphères.

Dimensions d'intervention et tâches prises en charge

L'examen des tâches décrites par les répondants permet à la fois d'obtenir un portrait global du degré d'intervention dans les différentes dimensions ainsi que plus détaillé par rapport aux tâches (Tableau 2). Ainsi, comme pour l'étude de 2003, on constate que les PI sont impliqués dans l'ensemble des dimensions des SIW, à des degrés différents selon les dimensions et les tâches.

Dimensions informationnelle, transversale et technologique

Les tendances observées pour les dimensions informationnelle, transversale et technologique sont similaires de 2003 à 2008, ni le temps ni l'ajout de nouveaux types de milieux n'ayant eu d'impact majeur sur celles-ci : (1) les dimensions informationnelle et transversale sont les plus représentées dans les deux études mais dans un ordre différent, la dimension informationnelle, en deuxième position en 2003, prend la tête en 2008, et (2) la dimension technologique est présente dans les deux contextes dans des proportions relativement similaires.

L'omniprésence de la dimension informationnelle n'est pas surprenante, étant donnée la profession des répondants, et demeure leur principale valeur ajoutée au sein des équipes web. Pour plus de la moitié des répondants et des SIW, l'intervention informationnelle se situe au niveau des tâches directement liées au contenu (sa création, sa mise à jour, sa gestion, son organisation ainsi que le contrôle de sa qualité). Par rapport à 2003, la majorité des PI semblent assumer en 2008 des tâches informationnelles plus diversifiées pour intervenir, entre autres, au niveau des métadonnées et de la navigation. Ce n'est toutefois pas tous les répondants qui ont identifié la dimension informationnelle parmi leurs principales dimensions d'intervention. En effet, quelques répondants (n = 11) occupent des postes plus en lien avec d'autres dimensions et, bien qu'ils assument certaines tâches informationnelles, celles-ci ne teintent leur intervention que de manière périphérique. Par exemple, deux de ces répondants sont des bibliothécaires systèmes et interviennent donc plutôt au niveau des technologies, tandis que quatre d'entre eux occupent des

Tableau 2.

Tâches des répondants selon les dimensions des SIW dans lesquels ils interviennent, par répondant (n = 119 PI en 2008 ; n = 32 PI en 2003)

postes de gestion et assument plutôt un rôle de coordination et de gestion (tâches transversales).

Les tâches transversales sont aussi prises en charge par une grande majorité de répondants. Dans la première étude, certains répondants avaient mentionné que les PI étaient bien placés pour assumer des tâches transversales telles la coordination de projet web ou l'endossement de rôle d'intermédiaires, étant donné leur multidisciplinarité et leur compréhension des différentes facettes des SIW. Bien que globalement l'intervention sur ce plan soit comparable entre les deux études, certains rôles transversaux sont notablement plus présents en 2008, particulièrement les rôles de conseiller, de promoteur et d'évaluateur.

À peu près deux tiers des répondants dans les deux études assument des tâches technologiques. Il est en effet difficile de complètement désincarner une intervention sur des SIW de leur support. Ainsi, même les PI ayant une intervention plus périphérique dans les SIW ont besoin de compétences technologiques, appuyant la présence, au sein de leur formation en sciences de l'information, de notion de base en informatique documentaire. La tâche la plus présente est l'intervention en ce qui touche les pages web (développement de pages web, mise en ligne des pages, numérisation de certains contenus). La différence la plus marquée entre les deux études est en matière de la gestion des technologies, maintenant prise en charge par un plus grand nombre de PI.

Dimensions de l'interaction usagers-système, de l'interface graphique et des politiques

Des différences sont observées dans l'intervention des PI entre les deux études pour les trois autres dimensions (interaction usagers-système, interface graphique et politiques). On remarque globalement, pour ces dimensions, qu'une plus grande proportion de PI y est impliquée en 2008.

La dimension de l'interaction usagers-système est beaucoup plus présente en 2008 et vient même devancer l'intervention technologique. Cette présence plus marquée de cet aspect chez les PI peut potentiellement prendre sa source dans la diversité des milieux, certains pouvant, selon leurs missions respectives, avoir des relations plus étroites avec leurs usagers. D'autre part, au cours des dernières années l'évolution des environnements web vers des environnements plus participatifs et interactifs, entre autres via les plateformes du web 2.0, rend encore plus grand le besoin pour des approches plus centrées « utilisateurs ».

Les dimensions de l'interface graphique et des politiques demeurent, dans les deux études, les deux dimensions où les répondants sont moins impliqués. On observe par contre qu'elles sont beaucoup plus présentes en 2008 parmi les interventions des PI. Des caractéristiques organisationnelles du milieu retenu à la phase 1 peuvent être responsables de leur présence beaucoup plus périphérique en 2003. En effet, le contexte gouvernemental préalablement étudié offrait un environnement où le développement des politiques était centralisé au sein d'une unité spécialisée pour l'ensemble du gouvernement. De même, les aspects graphiques étaient contrôlés par le biais de la politique de normalisation des sites Internet (Common Look and Feel). Les possibilités d'intervention des répondants sur ces aspects étaient ainsi très limitées expliquant leur présence beaucoup plus restreinte au coeur de l'intervention des PI. La centralisation rencontrée en 2003 à ce niveau peut expliquer le peu de place pris à ce moment par ces aspects, centralisation qui a pu évoluer au fil des ans vers un modèle plus décentralisé ou être moins présente dans les milieux autres que le milieu gouvernemental.

Facteurs influençant les tâches des PI (QR3)

Différents facteurs avaient été dégagés à la phase 1 comme pouvant influencer la nature des tâches prises en charge par les PI dans les SIW gouvernementaux (Figure 6).

Figure 6.

Variables qui influencent l'intervention des PI dans les SIW identifiées dans les résultats (Dufour 2003, 160).

Figure 7.

Ventilation des familles de tâche des répondants par type de poste (n = 2410 tâches pour 226 SIW).

Note : Le nombre de SIW ici est de 226 et non 229 à cause de données manquantes pour trois SIW.

La troisième question de recherche de cette étude vise à valider l'impact de certains de ces facteurs, en particulier des types de SIW et des profils professionnels des répondants, mais aussi à en explorer des nouveaux, dont le profil organisationnel.

Influence du type de poste

L'examen des familles de tâches prises en charge par les PI fait ressortir des différences statistiquement significatives à un seuil de 5 % (Khi deux = 35,59, dl = 20, p = ,017) selon les types de postes (Figure 7).

Bien que les tâches informationnelles demeurent très présentes dans l'ensemble des postes, elles prennent une place plus importante pour les répondants occupant un poste de soutien, en particulier la création et la mise à jour du contenu. À l'autre extrême, les gestionnaires s'occupent un peu moins de tâches informationnelles intervenant pour beaucoup dans les tâches transversales (entre autres la promotion et la sensibilisation, la planification et les conseils et recommandations) et plus que les autres postes, dans le développement et la gestion des politiques. Cette prédominance des tâches transversales et politiques chez les gestionnaires avait aussi été observée en 2003 et semble ainsi être une constante liée directement avec le type de poste. Les professionnels, en comparaison des gestionnaires, prennent en charge en plus grande proportion des tâches informationnelles (entre autres la création, la mise à jour et la gestion du contenu) et dans une moindre part, des tâches transversales. Leur rôle plus opérationnel peut expliquer cette différence. Les tâches technologiques sont aussi plus fréquentes chez le personnel de soutien qui, en revanche, assume beaucoup moins de tâches transversales et ne s'occupe pas des politiques.

Influence du niveau d'intervention

On remarque aussi des différences significatives lorsque l'on regarde les proportions des familles de tâches en fonction du niveau d'intervention des PI globalement dans les SIW sur une base quotidienne (Khi deux = 26,75, dl = 15, p = ,031) (Figure 8).

Figure 8.

Ventilation des familles de tâche des répondants par niveau d'intervention des PI (représenté par le pourcentage des tâches quotidiennes en lien avec les SIW) dans les SIW (n = 2410 tâches pour 226 SIW).

Ainsi, les tâches sont fonction du profil des répondants où l'on retrouve deux pôles. D'une part, on retrouve des PI n'intervenant que de manière périphérique sur les SIW, les tâches reliées venant se greffer aux tâches « traditionnelles » (p. ex. comme bibliothécaire de référence). Cette intervention est dans ce cas plus fortement à teneur informationnelle, leur valeur ajoutée première. D'autre part, les PI ayant une intervention lourde dans les SIW, par exemple des webmestres ou des bibliothécaires systèmes, assument une plus grande part de tâches technologiques et graphiques que les autres profils.

Influence du type de SIW et du profil organisationnel

Ni le type de SIW, ni le profil organisationnel des répondants (types de milieu et de service) n'ont influencé de manière significative les différentes familles de tâches assumées par les répondants. Pour presque tous les types de SIW, de milieu et de service, les deux dimensions qui prédominent sont la dimension informationnelle et la dimension transversale.

Limites de l'étude

Le devis méthodologique d'une enquête descriptive comporte certaines limites. Contrairement à l'approche qualitative utilisée à la première phase du programme de recherche qui permettait d'étudier en profondeur le phénomène, l'enquête descriptive utilisant un questionnaire auto-administré ne peut viser le même niveau de profondeur. Ce type de devis est entre autres retenu pour sa capacité à rejoindre un plus grand nombre de participants pour faire un portrait détaillé d'une situation et vérifier la généralisabilité de certains résultats précédemment obtenus, ce que l'approche qualitative ne peut atteindre. Toutefois, ne pouvant calculer le taux de réponse, il est ici difficile de se prononcer sur la généralisabilité statistique des résultats de l'enquête, particulièrement pour les types de SIW, de milieux et de services moins présents dans l'échantillon.

La typologie des tâches utilisée a été validée initialement à la phase 1. Elle s'est révélée efficace dans le cas de cette enquête comme les membres des équipes web étudiés étaient des PI. Le peu de répondants ayant utilisé le choix « Autre » pour préciser d'autres types de tâches confirme son adéquation à ce contexte. Toutefois, dans un contexte s'intéressant à d'autres types d'acteurs intervenant de manière plus marquée sur les dimensions autres qu'informationnelles, cette typologie pourrait s'avérer moins efficace. Certaines de ses dimensions (p. ex. la dimension technologique et celle de l'interface graphique) pourraient en effet se révéler trop peu développées.

Finalement, le portrait obtenu des SIW sur lesquels intervenaient les répondants demeure générique comme aucune observation structurée de ces systèmes n'a été menée. Dans ce contexte, il n'était pas possible de vérifier l'impact des particularités des SIW sur les tâches des PI.

Conclusion

Les résultats de cette étude montrent que les PI sont bel et bien impliqués dans les SIW d'organisations de provenances diverses. Ils y interviennent sur l'ensemble de leurs dimensions avec, au coeur de leur implication et en lien direct avec leurs compétences professionnelles et leur formation initiale, les dimensions informationnelles, transversales et de l'interaction usagers-système.

Pour une majorité des PI interrogés, les tâches « web » touchent principalement la dimension informationnelle et viennent se greffer à leur travail principal. Il s'agit ainsi de profils « traditionnels » de PI, par exemple, un bibliothécaire de référence ou un archiviste, dont les tâches ont évolué pour prendre en compte les nouvelles réalités numériques. Ce profil devrait rester très présent chez les PI, les SIW étant de plus en plus implantés dans les organisations dont plusieurs adoptent un modèle distribué pour la création des contenus ; les PI continueront ainsi d'endosser le rôle de « fournisseurs de contenu » pour ce qui a trait à leurs services d'information. Quoique leur principale contribution soit sur les tâches informationnelles, les tâches technologiques sont aussi présentes dans ces profils, soulignant l'importance d'inclure, au sein de la formation de l'ensemble des PI, des compétences technologiques de base.

D'autres PI interrogés occupent de nouveaux types de postes se spécialisant dans les SIW, comme exemple des postes de webmestre ou d'architecte du web. Ces derniers touchent plus largement à l'ensemble des dimensions des SIW, les tâches technologiques et graphiques y étant plus présentes que pour les profils « traditionnels ». Ces profils « web » demeurent toutefois moins fréquents que les profils « traditionnels ». Peut-être est-ce dû au manque de visibilité de l'expertise des PI en matière de SIW, peut-être est-ce en lien avec les compétences acquises au cours de leur formation initiale. Il serait intéressant de vérifier, au sein des programmes de formation initiale et continue en sciences de l'information, la nature de l'offre de cours concernant des aspects plus avancés au niveau des SIW pour ajuster, au besoin, cette offre. La faible présence observée de formation initiale liée à l'informatique au sein des répondants porte à réflexion : est-ce que les programmes de formation en sciences de l'information réussissent à aller chercher des étudiants ayant préalablement étudié dans le domaine des technologies ? Sinon, quelles stratégies pourraient-elles adopter pour y arriver ?

Les répondants, pour beaucoup, relèvent de services d'information, leur présence « hors les murs documentaires » demeurant timide. À une époque où il n'est pas rare de voir des services d'information faire face à des menaces de fermeture ou de réduction des effectifs, il est important pour la profession d'exploiter toutes les opportunités d'exporter leur expertise à l'extérieur des services d'information et ainsi obtenir une meilleure visibilité. Les SIW offrent une telle opportunité. Mais, dans le flou actuel quant aux expertises web, les PI ne sont pas les seuls joueurs pouvant occuper le territoire informationnel. La compétition est grande. Par exemple, dans le référentiel des Métiers Internet, pour la dimension « Gestion de l'information et des connaissances » directement en lien avec le domaine d'expertise des PI, plusieurs types d'acteurs sont pressentis dont la formation n'est que peu souvent rattachée au domaine des sciences de l'information. Nous sommes convaincus, comme profession, de notre potentiel en matière de SIW ; il faut maintenant réussir à convaincre les autres joueurs ainsi que la haute direction. C'est là où le défi réside : d'une part, démontrer l'importance de la dimension informationnelle et, d'autre part, faire valoir les compétences professionnelles des PI en matière de SIW.

Cette deuxième phase de notre programme de recherche a permis de vérifier la généralisabilité des résultats obtenus à la phase 1 ainsi que de mettre à jour le portrait alors obtenu en contexte gouvernemental. Un portrait détaillé de l'intervention des PI dans les SIW, tous types de milieu confondus, ressort de cette enquête pancanadienne, contribuant ainsi à mieux connaitre le profil de ces PI, les types de SIW sur lesquels ils interviennent, ainsi que les tâches qu'ils assument et les facteurs qui les influencent. Le portrait obtenu peut servir aux PI pour mieux faire connaître leur expertise web et ainsi aider les organisations à mieux comprendre les tâches qu'ils peuvent prendre en charge dans une équipe web. D'autres moyens peuvent aussi être exploités pour y arriver comme de donner de la visibilité à des projets web qu'ils ont menés et réussis, ou être proactifs au sein de l'organisation pour les SIW en participant à des comités Internet. La typologie des tâches des PI dans les SIW, développée à la phase 1 et enrichie à la phase 2, propose un outil validé qui pourra être mis à profit par d'autres recherches pour continuer de développer les connaissances sur la place des PI dans les SIW.

Il n'en demeure pas moins qu'il faut aussi réussir à convaincre les organisations des problèmes sous-jacents à une prise en compte partielle de la dimension informationnelle des SIW. C'est ce que vise l'étude proposée en phase 3 de notre programme en étudiant le lien entre les compétences des équipes web, les caractéristiques des SIW développés et leur capacité à répondre efficacement à des besoins informationnels. Nous espérons, par ce projet, obtenir des arguments supplémentaires pour justifier l'importance de la dimension informationnelle et ainsi arriver à y positionner plus clairement les PI.