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  • Jeux d'influences: théâtre et roman de la Renaissance aux Lumières
  • Charles Mazouer
Jeux d'influences: théâtre et roman de la Renaissance aux Lumières. Sous la direction de Véronique Lochert et Clotilde Thouret. Paris: Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, 2010. 282 pp. Pb €22.00.

C'est un joli volume collectif, et riche, que nous proposent Véronique Lochert et Clotilde Thouret. Le titre dit bien l'intérêt et le plaisir de cette recherche; elle consiste explorer les limites, les marges entre deux genres qui, dans la littérature européenne de l'époque considérée, ne cessent d'interférer, de s'imiter, de se croiser, d'inventer des hybrides comme par jeu: l'écriture narrative et l'écriture dramatique. Quinze études, synthétiquement présentées dans leur introduction par les éditrices du volume, sont organisées en quatre ensembles. Le premier est consacré la réflexion théorique sur les deux genres — le théâtre qui est représentation ressortissant la mimésis, le roman, qui est narration, la diégésis. Emmanuelle Hénin et Camille Esmein-Sarrazin, en lisant les poétiques et théories des deux genres en France et en Italie, concluent la toutepuissance de la mimésis, qui fait triompher l'illusion aussi dans la création romanesque. L'exemple de Diderot (Agathe Novak-Lechevalier) et l'influence de Richardson sur le théâtre (Sophie Marchand) montrent, au dix-huitième siècle, la valorisation du narratif, le roman pouvant régénérer le théâtre, qui s'émancipe définitivement d'Aristote. Le second ensemble propose des exemples d'effets de théâtre visibles dans le roman. L'oralité est présente et importante chez Matteo Maria Boiardo (Patrizia De Capitani); dans les narrations comiques du quinzième siècle européen, le récit récupère la performance orale de tradition médiévale, avec ses marques et ses modèles — une oralité dans et pour l'écrit (Ariane Bayle). Fielding romancier renvoie au théâtre pour le désavouer (Baudouin Millet). Quant au romancier Lesage, il invite son lecteur lire ses romans comme on assisterait un spectacle, se laisser surprendre par l'intrusion de la théâtralité, afin d'être un spectateur lucide et critique qui n'est pas tout fait dupe de l'illusion (Christelle Bahier-Porte). Après ces exemples d'interpénétration des genres, quatre études s'attachent des éléments ou des modes d'écriture exactement situés la croisée des deux genres: le monologue (le monologue de narration finissant par disparaître du théâtre, qui aura le monopole du monologue qui représente pensées et passions) (Clotilde Thouret); les didascalies, qui sont une sorte de résidu romanesque, paradoxalement marqueur de théâtralité et intrusion romanesque dans le drame (Véronique Lochert); l'argument, paratexte inutile et métatexte parlant du texte dramatique, qui disparaîtra des éditions de théâtre après 1640 (Chrystelle Barbillon); le style direct, ou oratio recta, volontiers utilisé encore dans les biographies politiques espagnoles du seizième siècle (Agnès Delage). La dernière section est consacrée l'Espagne et des cas d'hybridation. Cervantès fait courir le même thème de l'histoire du captif dans des formes narratives et dans des formes dramatiques (Anne Duprat); Lope de Vega donna deux oeuvres exactement polyphoniques, qui mélangent par choix les genres: El peregrino en su patria et la Dorotea (Astrid Muzy). L'analyse des adaptations théâtrales de Don Quichotte montre la déperdition entraînée au théâtre, qui ne s'interroge plus sur la nature de l'illusion romanesque mais se sert des mystifications faites au chevalier errant pour célébrer la puissance de l'illusion théâtrale (Anne Teulade). [End Page 251] Une bibliographie et un index nominum achèvent un volume qui se recommande par la variété des points d'ancrage retenus, des problématiques qu'ils entraînent et des littératures abordées; un volume comme celui-ci parcourt un bel empan.

Charles...

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