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La quête du savoir dans les Lettres persanes'.Sylvie Romanowski Lorsque deux nobles persans quittent leur royaume pour venir à Paris, ils affirment dans leur première Lettre que leur but est d'acquérir des connaissances sur le monde occidental: ainsi dès le début du texte se pose la question fondamentale du savoir, et par conséquent du sujet du savoir. Cependant, l'un des Persans laisse derrière lui ses eunuques et ses femmes, qui ne peuvent pas être, au départ, les sujets du même savoir que celui des maîtres. Aux maîtres, aux hommes libres d'aller en quête du savoir s'opposent des êtres emprisonnés et maintenus dans l'ignorance. C'est à dire que la question du savoir est insérée dans une structure du pouvoir, et que la réponse finale à la question sur le sujet du savoir ne sera pas uniquement épistémologique, mais aussi politique. Les hommes ne trouveront pas le savoir tel qu'ils se l'imaginaient, car Montesquieu démystifie le savoir. Cependant, les femmes, quoique encloses dans le sérail, trouveront le vrai savoir, ce qui implique qu'une récupération du savoir serait possible dans une utopie où coexisteraient enfin savoir et pouvoir, liberté et vérité. (Les eunuques ne seront pas analysés ici faute de place.) Cette étude essaiera de montrer que deux mouvements traversent les Lettres persanes: le mouvement principal démystifie et critique le sujet d'un savoir idéaliste et l'idéalisme du sujet , et l'autre, arrivant à la fin, récupère le savoir idéaliste et le sujet plein, autonome et transcendental. EIGHTEENTH-CENTURY FICTION, Volume 3, Number 2, January 1991 94 EIGHTEENTH-CENTURY FICTION Le voyage Les Lettres persanes commencent avec un geste des plus classiques: un voyage, une quête, mise en marche consacrée de tant de contes et d'épopées. Geste apparemment simple: l'"envie de savoir" a fait sortir les deux Persans, Usbek et Rica, de leur pays pour "chercher laborieusement la sagesse."1 Ils soupçonnent qu'ils sont "peut-être les premiers parmi les Persans" à sortir en quête du savoir, s'imaginant ainsi qu'ils vont devenir des sujets possibles du savoir, et qu'ils sont aussi les premiers de l'humanité (leur humanité) à faire un tel geste. Ils se donnent naissance à eux-mêmes comme sujets: geste classique, classé, comme une façade classée, ancienne, à laquelle il est interdit de toucher. Toutefois, cette volonté de rechercher la sagesse, d'élargir les "bornes" des connaissances n'est pas vraie; derrière la façade, Usbek demande à son correspondant, comme un acteur derrière son masque épie son public: "Mande-moi ce que l'on dit de notre voyage; ne me flatte point" (L. 1). Usbek entre dans l'économie du masque, du larvatus prodeo pour surprendre la vérité par la dissimulation. Mais que peuvent bien lui importer les "on-dit," et l'approbation des autres, quand il s'agit de la quête de rien moins que la sagesse? C'est que la motivation de ce voyage n'est pas ce qu'elle paraît au premier abord. Au début de la Lettre 8, les valeurs semblent rentrer dans l'ordre, le bruit devient un bruit de fond, la sagesse reprend sa place de valeur première: "Je m'étais bien douté que mon départ ferait du bruit; je ne m'en suis point mis en peine." Cependant, à y regarder de plus près dans la même Lettre, on voit que cette quête de la sagesse n'est pas simple, mais au contraire qu'elle part d'un geste aux multiples facettes qui font voler en éclats la belle unité du sujet volontaire en quête de savoir. D'abord, dans sa "plus tendre jeunesse" Usbek est vertueux, et ayant horreur du vice à la Cour, il s'en éloigne; puis, deuxième mouvement, il se rapproche du vice, "ensuite pour le démasquer." Le deuxième mouvement le fait entrer dans l'ordre du discours, le fait sortir d'une pure et silencieuse vertu, de Gêtre...

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