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172 EIGHTEENTH-CENTURY FICTION Jean Starobinski. Le remède dans le mal: Critique et légitimation de l'artifice à l'âge des Lumières. Paris: Gallimard, 1989. 286pp. Cet essai se compose de sept études, versions remaniées de textes publiés séparément dans des revues ou des ouvrages savants entre 1966 et 1986. L'analyse déborde parfois le cadre chronologique annoncé. Ainsi le chap. 1 retrace l'histoire du mot "civilisation" de 1743 jusqu'à nos jours. Malgré des allusions à Rousseau, le chap. 2 ("Sur la flatterie") emprunte ses exemples au XVIIe siècle. Pour commenter les fonctions de la fable et l'émergence d'une mythologie conçue comme instrument critique puis comme fondement du sacré, le chap. 6 envisage une période commençant avec la préciosité et s'achevant tandis que s'allument les premiers feux du romantisme. L'admirable chapitre final, modulé sur le thème des rapports entre le dedans et le dehors, trouve, quant à lui, ses points de repère dans l'Ancien Testament, dans l'Iliade, dans l'Odyssée. Seuls les chap. 3 à 5 portent exclusivement sur l'âge des Lumières. Il est vrai qu'ils occupent la place centrale, qu'ils forment un tryptique où sont étudiées des figures de première importance, correspondant à des étapes décisives dans le développement des Lumières: Montesquieu, Voltaire, Rousseau. Le chapitre sur Montesquieu (chap. 3) analyse les Lettres persanes en fonction d'une opposition entre l'élan de curiosité critique qui pousse Usbek à découvrir Paris et l'Occident, et le mouvement contraire, de "nostalgie" et de "résignation," précipitant son retour à Ispahan. Le premier Usbek est "un impitoyable ennemi des masques," le second "une victime de l'illusion" (p. 113). Ce contraste met en évidence le véritable intérêt du roman: l'ordre tyrannique imposé au sérail par le voyageur persan peut s'interpréter "comme unefigure érotisée du despotisme politique qui prévaut en Orient et dont l'éventualité guette la monarchie française" (p. 117). Intitulé "le fusil à deux coups de Voltaire," le chap. 4 rassemble deux études distinctes, l'une sur Candide, l'autre sur l'Ingénu, en les situant dans une perspective qui révèle la parenté secrète entre les deux romans. Le mécanisme de l'ironie dans Candide est bien connu pour ce qui concerne le rapport entre la philosophie de l'optimisme et les événements survenant dans le récit: l'ironie voltairienne insiste sur la contradiction systématique entre les faits du monde réel et les leçons que Candide a reçues de Pangloss. Pourtant cette ironie a une face cachée, sur laquelle Starobinski attire l'attention, car "après s'être alliée à la férocité du monde pour réfuter le système préconçu," elle "se retourne contre la violence et l'injustice" (p. 130). D'où la conjonction de la "verve polémique" et de l'"horreur," ce que Flaubert a appelé le "grincement," provenant du fait que le même "événement atroce, qui nie le dogme antécédent, est à son tour l'objet d'un refus—moral, esthétique et affectif (p. 131). Le procédé permet à Voltaire d'opérer un "transfert d'autorité," de mettre l'accent "sur la question du bonheur de l'homme" et non plus, comme le faisait Pangloss, sur celle "de l'ordre du monde" (p. 141). Selon Starobinski, le monde voltairien est "irrégulier dans REVIEWS 173 sa régularité," ce que la narration suggère en exploitant des "jeux de paires" pour produire tantôt des effets de "symétrie," tantôt des effets de "disparité" (p. 143): l'Abare et le Bulgare, Cunégonde et la Vieille, et ainsi de suite. D'une certaine façon, c'est la même loi qui prévaut dans l'Ingénu: "loi des deux temps," "loi du fusil à deux coups," à l'oeuvre dans l'épisode de l'Ingénu sur la plage où elle se résume par la formule: "la parole échoue, la violence réussit" (p. 158). Dualit...

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