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De la Réalité au mythe: fantasme et fiction dans "l'Histoire de Silvie" de Robert ChalleFrédéric Deloffre La différence entre l'histoire et la fable n'est pas que l'une est vraie et l'autre fausse, c'est que l'une est peut-être vraie et qu'il y a même apparence qu'elle l'est, et que l'autre est sûrement et évidemment fausse. Cette proposition, avancée par Robert Challe dans ses Difficultés sur la religion1 pour saper les bases des religions fondées sur des faits historiques, prend une signification inattendue si, en l'entendant du genre romanesque, on l'applique à son oeuvre majeure, Les Illustres Françaises.2 Lui-même n'y invite-t-il pas dans la Préface de cet ouvrage en assurant qu'il a "affecté la simple vérité," qu'il n'a "rien voulu dire qui ne fût vrai" (p. LXI), et surtout en reconnaissant à ces "vérités," par rapport aux "fables," un statut plus solide qu'il ne le faisait dans les Difficultés: Si j'avais écrit des fables, j'aurais été maître des incidents que j'aurais tourné[s] comme j'aurais voulu, mais ce sont des vérités, qui ont leurs règles toutes contraires à celle des romans, (p. LXII) 1 Difficultés sur la religion proposées au père Malebranche, édition critique d'après un manuscrit inédit, par F. Deloffre et M. Menemencioglu (Paris: Jean Touzot; Oxford: The Voltaire Foundation , 1983), p. 89. Les autres références au même ouvrage seront faites d'après cette édition. 2 Les Illustres Françaises, Histoires véritables (La Haye, 1713). Nos références sont à l'édition par F. Deloffre (Paris: Les Belles Lettres, 1959, 1973, etc.) en 2 vol. à numérotation continue. EIGHTEENTH-CENTURY FICTION, Volume 2, Number 1, October 1989 2 EIGHTEENTH-CENTURY FICTION Deux études simultanées et concordantes, quoique menées indépendamment l'une de l'autre,3 viennent de montrer qu'au moins une des sept histoires contées dans les Illustres Françaises reposait sur des faits réels rapportés avec exactitude, sans préjudice, naturellement, des transpositions rendues nécessaires par une composition littéraire. Nous sommes loin de disposer pour les autres histoires de pistes qui permettraient d'espérer des résultats aussi remarquables. On tentera pourtant de jeter quelques lumières sur la genèse de la plus mystérieuse de ces histoires, celle aussi à laquelle l'auteur dit "[s']être intéressé le plus,"4 G Histoire de Monsieur Des Frans et de Silvie. On ne s'étonnera pas que l'un des aspects principaux de cette recherche porte sur l'identification des personnages. La définition que Furetière donne de !'"histoire" dans son Dictionnaire universel se termine par une formule significative qui mérite réflexion et que nous soulignons: [L'histoire est aussi un] petit récit de quelque aventure qui a quelque chose de plaisant ou d'extraordinaire qui est arrivé à quelque personne, et surtout quand elle est de notre connaissance.5 La remarque de Furetière oppose implicitement deux genres, l'histoire et le roman, tels qu'on les concevait au XVIIème et encore au XVIIIème siècle. La première n'est pas seulement plus brève, pas seulement à la première personne, elle présente des personnages qui sont de plain-pied avec le lecteur: on croit les connaître. C'est ce que Musset avait senti lorsqu'il comparait, dans la strophe LVII de Namouna, une histoire, celle de Manon, et un roman, la Nouvelle Héloïse: Pourquoi Manon Lescaut dès la première scène Est-elle si vivante et si vraiment humaine Qu'il semble qu'on l'a vue, et que c'est son portrait? Et pourquoi l'Héloïse est-elle une ombre vaine, Qu'on aime sans y croire, et que nul ne connaît? 3 Jacques Popin, "Le Mystérieux P.P.A.P.D.L.," Cahiers Lorrains, 3e trimestre (1982), 211-20; Marie-Laure Swiderski, "La v...

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