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Les Deux Amis de Bourbonne: Physiologie et philosophied.j. Adams Nul ne contestera les innombrables difficultés qui attendent toute tentative d'interprétation des écrits de Diderot, pour des raisons historiques tout autant que textuelles. L'examen de l'histoire de la critique diderotienne dégage pourtant deux grandes filiations. La première est celle des faiseurs de systèmes, qui cherchent à homogénéiser la pensée du philosophe, en montrant la continuité, la cohérence de ses idées dans tel ou tel domaine, d'un ouvrage à l'autre, d'un bout à l'autre de sa carrière d'écrivain.1 La seconde est celle qui voit plutôt la discontinuité, l'absence de suite dans ses écrits, qui considère que les perpétuelles interrogations , les tâtonnements mêmes de l'oeuvre, sont la marque de l'esprit profondément original, scrutateur qu'était Diderot.2 Les nombreuses interpr étations de ses oeuvres qu'ont fait naître ces approches divergentes attestent leur valeur méthodique, et s'il y a peu de chances pour que les deux écoles se réconcilient, elles ont du moins le mérite d'amener la critique à repenser l'oeuvre du philosophe. Mais il faut tenir compte aussi, nous semble-t-il, du flux de la pensée diderotienne. D'un point de vue chronologique, il est évident, si l'on étudie la liste des ouvrages issus de la plume du philosophe, qu'à certains moments, il s'intéressait très vivement à des problèmes qu'il néglige ou 1 Par exemple, Geoffrey Bremner, Order and Chance: The Pattern of Diderot's Thought (Cambridge , 1983) et, à un autre niveau, Georges Daniel, Le Style de Diderot (Genève et Paris, 1986). 2 Jacques Chouillet, La Formation des idées esthétiques de Diderot (Paris, 1973). EIGHTEENTH-CENTURY FICTION, Volume 1, Number 3, April 1989 210 EIGHTEENTH-CENTURY FICTION qu'il abandonne par la suite. C'est pour cette raison qu'il se concentre, au cours des années cinquante, sur la création théâtrale, et, à partir de 1759, sur les questions esthétiques; de même, son intérêt pour la politique s'est nettement accentué au moment de sa visite à Catherine II en 1773— 74. Cette concentration sur certaines questions va de pair, bien entendu, avec des préoccupations qui ne cessaient d'aiguiser sa curiosité, et qui l'amenaient constamment à réfléchir sur la morale, sur la liberté humaine, sur les sources et les limites de l'énergie ...3 Ces questions sont comme l'ossature de la réflexion diderotienne, et persistent indépendamment de la chronologie de ses oeuvres. Pour nous donc, ce qui l'intéresse avant tout, c'est de s'interroger sur des problèmes qu'il considérait comme fondamentaux, en y apportant tantôt une réponse, tantôt une autre, quitte à se contredire pour arriver à une position moins aléatoire. Le schéma qui nous paraît correspondre le plus étroitement à l'ensemble de l'oeuvre de Diderot est celui d'une méditation constante sur un certain nombre de problèmes de base, caractérisée par une forte concentration, à certains moments de sa carrière, sur des questions particulières. Si l'on tient compte à la fois de la chronologie de l'oeuvre de Diderot et des grandes constantes de sa pensée, Les Deux Amis de Bourbonne se révèle plus complexe, plus riche, qu'on n'a coutume de le dire.4 Il nous paraît indiscutable que cette petite histoire, composée en 1770, s'éclaire à la lumière non seulement d'autres contes de Diderot (et notamment Ceci n'est pas un conte et De Ginconséquence du jugement public, qui datent de 1772), mais aussi du Rêve de D'Alembert (1769), du Paradoxe sur le comédien (1773) et du Neveu de Rameau (dont les origines remontent à 1761), avec lesquels il a des rapports qui ne sont pas tous du même genre. Il nous semble que la question essentielle qui sous-tend la présentation des personnages du conte est celle de la physiologie humaine et de...

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