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Le Voyage abymé: texte et contextes du "Voyageur dans le Nouveau Monde" de MarivauxCatherine Gallouët-Schutter Le Voyageur dans le Nouveau Monde" de Marivaux est un court intermède d'une quarantaine de pages, inséré dans la narration première du Cabinet du philosophe (1734).1 Comme les autres Journaux, ce dernier texte parut sous forme de feuillets discontinus. Dans les Journaux , cette discontinuité, sans doute le résultat d'une certaine négligence de la part de leur auteur, se traduit par un véritable morcellement des différents fragments composant le texte dans sa totalité. Le Cabinet du philosophe, par contre, publié à intervalles réguliers, avait sans doute été composé d'une traite. Il semblerait donc que, pour cet ouvrage, la forme discontinue du feuillet journalistique soit l'effet d'un choix esdiétique Je tiens à remercier Georges May qui le premier m'a engagée dans la voie des voyages marivaudiens lors d'un séminaire neh en été 1989. Quant à l'expression "en abyme" à laquelle renvoie le titre, voir la discussion de Lucien Dällenbach dans Le Récit spéculaire—Essai sur la mise en abyme (Paris: Seuil, 1977), notamment dans PAvant-propos (pp. 9-11). 1 Le Cabinet du philosophe fait partie des textes réunis par Deloffre et Gilot dans leur édition des Journaux et œuvres diverses parmi lesquels se trouvent, outre quelques articles écrits pour le Mercure de France, Le Spectateurfrançais et L'Indigent Philosophe (Paris: Garnier, 1969). Les citations renverront à cette édition. D'après les éditeurs, Les Lettres sur les habitants de Paris sont parues dans le Mercure "en des livraisons qui ne correspondirent sans doute pas toujours avec les tranches du manuscrit"; de même, Le Spectateurfrançais paraît à intervalles très irréguliers entre 1721 et 1724; et l'édition originale de L'Indigent Philosophe s'échelonne de mars à juillet 1727 (Journaux, 6, 108, 271). EIGHTEENTH-CENTURY FICTION, Volume 5, Number 1, October 1992 56 EIGHTEENTH-CENTURY FICTION délibéré et non pas le résultat des conditions de sa production.2 S'il est vrai que Le Cabinet du philosophe n'est pas marqué de la même discontinuit é qui caractérise les autres Journaux, il s'ensuit que "Le Voyageur dans le Nouveau Monde" ne peut pas être considéré comme une interruption , intermède facile dans un texte décousu, mais comme une partie essentielle ayant sa fonction dans ce tout. Récemment, la critique du "Voyageur dans le Nouveau Monde" s'est enrichie de nouvelles études qui ont renouvelé l'intérêt porté à ce texte souvent méconnu.3 Malgré leur pertinence, ces études ont tendance à isoler artificiellement ce fragment de son contexte Le Cabinet du philosophe. Elles ont aussi tendance à ne pas prendre en compte la forme de ce fragment qui, comme le suggère le titre, est celle de la relation de voyage. Or, dès la première phrase, les allusions à cette forme consacrée ne peuvent échapper à un lecteur averti: le Narrateur, témoin direct ("j'ai découvert") qui a fait en personne le parcours géographique ("pays"), excite la curiosité des lecteurs ("rien de si curieux") en promettant une relation naïve ("le mieux que je pourrai") (p. 389). Il n'est pas inutile d'insister ici sur la faveur dont jouissaient les récits de voyages, vrais ou imaginaires, dans le premier tiers du dix-huitième siècle. Les relations de voyage de tout genre se multipliaient et il n'est pas de texte publié à l'époque qui n'ait été influencé par cette mode. Comme l'écrit Paul Hazard, "Le voyage triomphait."4 La thématique du voyage n'est pas non plus étrangère à Marivaux: "Les Lettres sur les habitants de Paris," 2 Deloffre et Gilot pensent qu'il s'agit d'"un petit livre formant d'emblée un tout" (Journaux, 327). L'analyse du texte confirme cette assertion. Voir nos remarques sur l'unité du texte à la fin de cet article. Pour la discontinuité des autres Journaux, tant dans le rythme de la production qu'à l'intérieur du texte, voir la Notice et les commentaires...

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