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« Fictions médicales » au XVIIIe siècle: l'efficace de la forme dans Abdeker, ou l'Art de conserver la beauté Alexandre Wenger Un jour, César Birotteau flânait sur les boulevards parisiens.« Parmi quelques livres à six sous étalés dans une manne à terre, ses yeux furent saisis par ce titrejaune de poussière: Abdeker, ou l'art de conserver la beauté II prit ce prétendu livre arabe, espèce de roman fait par un médecin du siècle précédent, et tomba sur une page où il s'agissait de parfums »-1 Birotteau s'empresse d'acheter ce petit volume qui vient de lui inspirer l'idée de la Double pâte des sultanes, le cosmétique qui va asseoir sa notoriété et sa fortune. La découverte de Birotteau constitue probablement le dernier avatar romanesque de ce « prétendu livre arabe », de cette « espèce de roman » rédigée de surcroît par un médecin, et que Balzac peine à ranger dans une catégorie précise. Et pour cause, la forme de cet ouvrage est pour le moins surprenante. Abdeker, ou l'Arideconservería beautéparaît anonymement en 1748.2 Ce texte raconte l'histoire d'Abdeker, jeune médecin fraîchement 1 Honoré de Balzac, Histoire de la grandeuret de la décadence de CésarBirotteau (1838), Œuvres complètes (Paris: Gallimard, La Pléiade, 1977), 6:63. 2 Anon., Abdeker, ou l'Art de conserver la beauté (L'an de l'hégire 1168), 2 vol. in-12.—Plusieurs rééditions françaises (1754, 1756, 1774, 1790 et 1791) etune trad, anglais Abdeker, ortheArtof preservingbeauty, translatedfromanArabicmanuscript (London:A. Millar, 1754). Les références renvoient à l'édition Abdeker, ou L'Art de Conserver la Beauté (Amsterdam: Libraires Associés, 1774). Aux deux parties composant initialement le texte, une troisième et une quatrième partie seront rajoutées en 1755-56. Notre analyse portera sur les deux premières parties, les deux dernières n'en représentant qu'une extension peu intéressante. EIGHTEENTH-CENTURY FICTION, Volume 16, Number 4,JuIy 2004 604 EIGHTEENTH-CENTURY FICTION débarqué à Constantinople, qui réussit là où tous ses confrères ont échoué: il guérit le sultan d'une maladie apparemment fatale. Reconnaissant , ce dernier le nomme médecin des femmes de son sérail. Abdeker rencontre alors Fatmé, belle esclave géorgienne, à laquelle il commence à expliquer « tous les mystères de la Médecine pour la conservation de la Beauté ». Entre Abdeker et Fatmé, l'ambiance est à l'érotisme larvé mais, surveillés en permanence par les perfides eunuques, ils ne peuvent se déclarer ouvertement l'un à l'autre. En l'absence du sultan, parti guerroyer en Albanie, les deuxjeunes gens se rapprochent enfin. Seule la jeune servante Chrysolite est témoin de leur amour. Or Chrysolite, qui présente tous les symptômes de la chlorose, menace un jour Abdeker de les dénoncer au sultan s'il refuse d'immédiatement répondre à l'ardeur de son désir pour lui. Le médecin n'avait en effet pas reconnu en Chrysolite la jeune femme qu'il avait soignée quelques années auparavant et qui, depuis, languissait d'amour pour lui. Craignant pour la vie de Fatmé, il cède à Chrysolite. À la faveur de péripéties plus ou moins rocambolesques, le sultan jaloux tente d'empoisonner Fatmé. Mais Abdeker identifie le poison et, tout en laissant croire que le crime a réussi, il guérit sa maîtresse. Finalement, tous deux partent pour l'Italie, abjurent le mahométisme , se marient et vivent heureux.3 Voilà pour l'histoire; mais Abdeker n'est pas seulement un conte oriental plaisant. Chaque partie de l'ouvrage est en effet flanquée d'une liste d'Observations numérotées, qui comportent les recettes et les modes d'utilisation détaillés de divers produits d'hygiène intime et de beauté, ainsi que des conseils pratiques sur les soins corporels. Abdekerîoncûoxme donc suivant un système de renvois: les entretiens dujeune médecin et de Fatmé permettent au premier de prescrire...

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