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L'Inquisition espagnole sous l'œil sadien Irène Aguilà Solana La bibliothèque du château de La Coste témoigne de la curiosité de Sade pour des thèmes variés concernant l'histoire et la littérature espagnoles. Parmi les titres conservés en 1776, on y trouve aussi de nombreux ouvrages surl'Église catholique etsurle caractère des ecclésiastiques. Or il y a une publication qui combine le contexte espagnol et la religion. Il s'agit d'un livre plusieurs fois réimprimé au XVIe et au XVIIe siècles: le Manuel des inquisiteurs, à l'usage des inquisitions d'Espagne et de Portugal, ou Abrégé de l'ouvrage intituléDirectorium Inquisitorum (1376) de Nicolas Eymerich,1 traduit par l'abbé Morellet.2 Sade connaît aussi l'œuvre De Cœna Domini de l'auteur espagnol Miguel de Monsarre,3 à travers l'ouvrage de l'abbéJacques Marsollier, Histoire des inquisitions.4 On pourrait formuler plusieurs hypothèses pour essayer d'expliquer l'intérêt du marquis pour l'Inquisition espagnole. 1 Nommé inquisiteur général du royaume d'Aragon en 1356. 2 Nicolas Eymerich, Manueldes inquisiteurs, à l'usagedes inquisitions d'Espagneet dePmtugal, ou Abrégé de l'ouvrage intituléDirectorium Inquisitorum (1376), trad, l'abbé Morellet (Lisbonne [Paris], 1762; rééd. Millón, 1990) tablette 1, rayon 1. Cf. A. Laborde, La bibliothèque du marquis de Sade au château de La Coste (en 1776) (Genève: Slatkine, 1991). 3 Monsarre blâme les abus de pouvoir exercés par les membres des tribunaux inquisitoriaux. Le marquis tire de cette œuvre le détail des tortures et une citation à propos de la lubricité et le cynisme des inquisiteurs. DAF. de Sade, AUneet Valcour ou leRomanphilosophique (AV) dans Œuvres, éd. Michel Delon, 3 vols (Paris: Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, tome 1, 1990), 1:905-6 note*. Nos références renvoient à cette édition. 4 Jacques Marsollier, Histoire des inquisitions, 2 vols (Cologne: P. Marteau, 1759). EIGHTEENTH-CENTURY FICTION, Volume 15, Number 3-4, April-July 2003 738 EIGHTEENTH-CENTURYFICTION Bien que chez l'écrivain les aspects qui composent sa vie et son œuvre soient indissociables, sur le plan biographique il est possible de retrouver diverses causes. Parmi les trois inquisitions modernes (établies en Espagne, au Portugal et en Italie), celle qui concerne la péninsule ibérique s'étend depuis 1478 jusqu'à 1834. Compte tenu de son séjour présumé en Espagne pendant quelques mois, à l'occasion de sa fuite en 1773 du fort Miolans en Savoie,5 il est possible que Sade ait connu de première main l'atmosphère oppressive et répressive du SaintOffice . À l'époque, dans toute l'Europe monarchique, des sanctions plus ou moins sévères punissent ceux qui écrivent, impriment ou diffusent des ouvrages interdits. L'Inquisition espagnole va plus loin et inflige des peines spirituelles et afflictives à ceux qui contribuent à répandre des doctrines nuisibles, mais elle condamne aussi ceux qui lisent ce type de livres en les accusant du délit de libertinage. Les motifs les plus répétés dans les édits de condamnation sont les suivants: l'obscénité (d'images ou d'idées), l'exaltation des passions, et l'apologie de la nature en tant que modèle pour la conduite humaine. En 1771, le Saint-Office condamne les œuvres de Delisle de Sales (La Philosophie de la nature), de La Mettrie ( Œuvres complètes), de d'Holbach (Le Système de la nature) et de Robinet (De la nature),0 des auteurs dont les idées sont contenues dans les romans sadiens. Les ouvrages du marquis auraient donc pu être frappés par la censure inquisitoriale. Toutefois la seule œuvre de Sade dont la lecture est interdite, même à ceux qui possèdent une licence pour lire des ouvrages défendus, estfustine ou Les Malheurs de la vertu. Les édits de condamnation parus entre 1747 et 1807 le confirment.7 Au XVIIe siècle, la xénophobie prend en Espagne une dimension énorme. Derrière ce phénomène, il y a l'Inquisition qui se méfiait des étrangers car...

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