In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

De la critique théologique au roman «réaliste»: l'exemple de Robert Challe Carole Martín J'ai vu une belle emblème sur ce queje traite ici dans une des fameuses églises de Paris; d'un côté étaient des tapisseries représentant l'histoire du Nouveau Testament, de l'autre les Métamorphoses [d'Ovide].1 Longtemps, l'attribut «réaliste», appliqué à tel ou tel texte, suffisait à m'en détourner, et c'est en quelque sorte en lectrice repentante quej'écris ce court essai.Je me récriais notamment sur un certain nombre dejugements critiques faisant de Robert Challe—un des écrivains sur lesquelsje travaillais—le «premier des réalistes», des Illustres Françaises—son roman—le manifeste d'une poétique dite réaliste,2 ou bien l'expression d'un «réalisme poétique», avançait Frédéric Deloffre,3 qui reconnaissait avecJules Champfleury, sous la 1 Robert Challe, Difficultés sur la tetigion proposées au père Makbranclie, éd. Frédéric Deloffre et F. Moureau (Genève: Librairie Droz, 2000), p. 309. Nos références renvoient à cette édition. 2 Cf.Jacques Popin, Poétiquedes «IllustresFrançaises» (Mont-de-Marsan: Éditions InterUniversitaires , 1992). 3 Deloffre maintient la caractérisation dans l'édition nouvelle qu'il donne des Illustres Françaises en 1991: «nous avions proposé le terme de "réalisme poétique" (éd. 1959, p. xux): il nous paraît pouvoir être conservé». Challe, Les IUusties Françaises, éd. Frédéric Deloffre etj. Cormier (Genève: Librairie Droz SA, 1991), p. xxxv; nos références renvoient à cette édition (IF 1991). Dans l'édition de 1959 (Paris: Les Belles Lettres), Deloffre employait également la formule de «réalisme utilitaire» (p. xlviii), qu'il retrouvera dans l'attribut de «réalisme fonctionnel» chez Jürgen von Stackelberg, Von Rabelais bis Voltaire—zut Gesdiiclitedesfianzösisclien Romans (München: Beck, 1970), pp. 197-222, et dont il souscrit à l'analyse dans son introduction à l'édition de 1991 (pp. xuil-xuv). EIGHTEENTH-CENTURY FICTION, Volume 15, Number 3-4, April-July 2003 706 EIGHTEENTH-CENTURYFICTION plume du conteur, «lapremière ébauche de La Comédiehumaine».* Les Illustres Françaises, c'était encore, reprenait Henri Coulet, le paradigme de ce nouveau «genre de fiction qui ne vise pas à redresser le monde réel selon un idéal moral».5 La critique littéraire, rappelai-je avec réserve dans mon étude, y décelait unanimement la réaction d'un «honnête homme» vis-à-vis des «extravagances» du roman précieux, et lui accordait en contrepartie la paternité du romanv érité.6Je ne reviendrai ici ni sur mes anciennes réserves, ni sur la réévaluation de ce réalisme challien que le travail de Michèle Weil, entre autres, a permis d'opérer à la lumière des concepts bakhtiniens de dialogisme et de polyphonie.7 Mais, et à bien des égards paradoxalement,je voudrais examiner ce que la notion de réalisme, telle que l'a donc définie l'histoire littéraire, doit à la démarche philosophique, dont Challe nous offre un exemple particulièrement saillant dans ses Difficultés sur L· religion proposées au père Malebranche. En d'autres termes,je veux brièvement, compte tenu des limites de cet article,jeter les fondements d'une réflexion sur l'attitude philosophique qui aurait déterminé un romancier tel Challe à établir «par des faits certains, une partie du commerce de la vie»8 et, à partir de ce cas particulier, émettre l'hypothèse que le réalisme aurait pris souche dans le champ de la philosophie, ou plus précisément de la discussion théologique, avant de faire les beauxjours de la critique post-champfleurienne. 4 Introduction aux IllustresFrançaises (1959), p. LV.Jules Champfleury signalait en Challe «le véritable précurseur de Balzac» dans son ouvrage séminal sur L·Réalisme (Paris: Lévy, 1857).«Depuis Champfleury, plusieurs critiques ont admiré en Challe le peintre minutieux, de talent, doublé d'un observateur attentif, bref "réaliste"». Michèle Weil, Roheit Challe romancier (Genève: Librairie Droz, 1991), p. 87. Elle cite notamment Max von Waldberg...

pdf

Share