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L'Egypte romanesque au début du dix-huitième SiècleJean-Michel Racault Si le mythe de l'Egypte pharaonique remonte aux historiens de l'Antiquité—Hérodote et Diodore de Sicile surtout, si l'on peut observer dans l'histoire de l'érudition comme dans celle des arts plastiques plusieurs «renaissances égyptiennes»1 successives chronologiquement réparties entre la Rome impériale et l'expédition de Bonaparte,2 il semble bien qu'il faut attendre le début du xviir5 siècle pour que la«matière égyptienne» féconde Ia littérature romanesque.3 Cette production, qui du reste n'est pas extrêmement abondante—une dizaine de textes pour la période 1699-1737, la seule qui sera prise en compte ici4—se rattache dans la majorité des cas à une forme spécifique 1 Selon la formule de J.S. Curl, The Egyptian Revival (Londres: G. Allen and Unwin, 1982). 2 Sur ce thème abondamment étudié, voir notamment les ouvrages d'Erik Iversen, The Myth of Egypt and Its Hieroglyphs in European Tradition (Copenhague: Gad, 1961); de Jean-Marcel Humbert, L'Égyptomanie dans l'art occidental (Paris: Réunion des Musées Nationaux, 1989); et surtout le grand livre de Jurgis Baltrusaitis, La Quête d'Isis-Essai sur la légende d'un mythe (Paris: Flammarion, 1985). 3 On doit cependant mentionner YHypnerotomackia Poliphili (1499) de Francesco Colonna, récit allégorique qu'il est possible de rattacher au genre romanesque. 4 Ces limites chronologiques, qui coïncident, pensons-nous, avec la période de diffusion maximale du thème égyptien dans la littérature romanesque du xvnf siècle, découlent des textes retenus, répartis entre le Télémaque de Fénelon et les Mémoires de Gaudence de Lacques de Berington. Ce dernier ouvrage constitue pour la période concernée l'unique spécimen de roman ((égyptien » dans le domaine anglais qu'ait révélé notre enquête; mais celle-ci (qu'il conviendrait peut-être d'étendre à l'ensemble des littératures européennes) n'a pas la prétention d'être exhaustive. Pour le corpus français, outre les ouvrages mentionnés ci-après, on peut signaler l'Histoire d'Aménophis, prince de Lybie, de Mme de Fontaines (Paris, 1728), Les Aventures d'Aristée et de Telaste, de Du Castre d'Auvigny (Paris, 1731), et Le Repos de Cyrus, de l'abbé Pemetti EIGHTEENTH-CENTURY FICTION, Volume 8, Number 2, January 1996 172 EIGHTEENTH-CENTURY FICTION aisément identifiable, celle du «roman archéologique» à sujet antique dont le Télémaque de Fénelon fixe le modèle. Littérairement, il s'agit d'une forme mixte, à mi-chemin du roman proprement dit et de l'épopée en prose, de la fiction et de l'histoire, du pastiche antique et du discours métaphorique sur la réalité contemporaine. Greffé sur un ouvrage de la littérature grecque dont il se donne pour le prolongement, L'Odyssée dans le cas du Télémaque,5 La Cyropédie de Xénophon pour Les Voyages de Cyrus6 de Ramsay, ou encore se proposant de combler avec vraisemblance une lacune de l'histoire, comme le Sethos1 de Terrasson , le «roman archéologique, » du premier tiers du xviir5 siècle demeure tributaire du paradigme du roman «héroïque» à la manière du Grand Cyrus de Mademoiselle de Scudéry (1649). Mais il s'en distingue ordinairement par le sérieux d'une information qui met à contribution les historiens de l'Antiquité, notamment Diodore de Sicile, les savants ou les vulgarisateurs de la Renaissance et de l'âge classique, particuli èrement les ouvrages d'égyptologie d'Athanase Kircher et le Discours sur l'histoire universelle de Bossuet, dont le rôle est sans doute essentiel dans la constitution de l'image romanesque de l'Egypte ancienne, voire, dans la perspective d'une mise en parallèle de l'histoire profane et de l'histoire sacrée, certains exégètes de l'Ancien Testament comme Samuel Bochart ou Pierre-Daniel Huet. Le scénario, qui prolonge sur le mode romanesque le vieux th...

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