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REVIEWS 133 Catherine Cusset. Les Romanciers du plaisir: essai. Les Dix-huitième siècles, n° 15. Paris: Honoré Champion, 1998. 141pp. FFr215. ISBN 285203 -745-9. Le livre de Catherine Cusset propose une étude des représentations et des discours du plaisir dans cinq romans du xviir2 siècle (Manon Lescaut, Les Egarements du cœur et de l'esprit, Thérèse philosophe, La Religieuse, Point de lendemain). Le projet est de cerner une «éthique de la frivolité» (en rupture avec les valeurs du xviie siècle) en examinant comment la morale est incarnée, dans chacun de ces romans, par un personnage féminin. Le plaisir en tant que revendication de Manon et objet de deuil des deux amants apparaît comme un des principaux enjeux de Manon Lescaut. Seulement le «penchant au plaisir» attribué à Manon par le narrateur, et modalisé par un énigmatique «sans doute» (édition Garnier, p. 20), ne laisse pas de poser des problèmes d'interprétation qui auraient gagné à être explicités, d'autant que C. Cusset relève par ailleurs le filtre narratif qu'impose «le code de valeurs mis en place par des Grieux» p. 23). On retiendra les très bonnes pages sur le plaisir gratuit de Manon (plaisir du jeu). Les Égarements s'achève sur une scène de plaisir, c'est-à-dire sur le triomphe de la superficialité—on aurait envie d'ajouter: et de la frustration. En effet, «on dirait que le roman condamne le plaisir sensuel et le plaisir de vanité qui laissent du«vide» dans l'âme» (p. 55); de fait, Ia résolution de la contradiction de l'amour et du plaisir (ce que Meilcour appelle «le quiétisme de l'amour») n'est évoquée qu'à titre hypothétique. C'est que l'ironie de Crébillon interdit au lecteur «d'adopter la posture morale qui lui permettrait déjuger, à distance, la vanité» (p. 58). Les seuls critères de valeur qui permettent dejuger 1' univers du libertinage et de la galanterie sont apportés par le personnage d'Hortense, dont la mélancolie contraste tant avec la fatuité des autres protagonistes. «En déniant le plaisir du moment unique, Hortense s'inscrit contre la temporalité libertine, qui se compose de moments» (p. 51): manière d'exhiber toute la discontinuité intérieure du jeune libertin. Le chapitre consacré à Thérèse philosophe est une excellente démonstration de l'attitude ambivalente du roman pornographique à l'égard du sexe masculin: l'apologiste de la raison qu'est l'abbé de T... est contredit à la fin du roman par le comte qui apporte la preuve de la supériorité du fantasme erotique sur les Lumières de la raison («La raison nous éclaire, mais elle ne nous détermine point», conclut Thérèse); quant au rire de l'impénétrable Bois-Laurier, il tend à transformer «le sexe masculin en objet mécanique ridiculisé par le regard des femmes» (p. 78). Cette lecture stimulante du roman pornographique le plus célèbre du xvnf siècle (avec Le Portier des Chartreux) met en valeur «le lien entre le fantasme masculin de puissance et le projet encyclopédique des Lumières. Il établit une équivalence entre le désir de maîtriser par le regard, le désir de connaître par laraison, et le désir de pénétrer par le sexe» (p. 83). C. Cusset dégage ainsi une des intuitions les plus fécondes de ce texte: le lien qu'il établit entre raison et désir sexuel (notamment dans l'épisode de l'abbé de T...). Le chapitre intitulé «Suzanne ou la liberté» entend montrer comment La Religieuse «permet à Diderot de scruter les rapports entre le corps, la raison et 134 EIGHTEENTH-CENTURY FICTION 11:1 l'imaginaire» (p. 87) à travers une réflexion sur cette «prérogative inaliénable de l'homme»: la liberté. Au départ, Suzanne doit lutter contre le langage du corps (le «langage hystérique» des femmes); ce langage affectif s'oppose au «langage rationnel et clair des hommes» qui «incarnent tous le jugement rationnel et impartial » (p. 92). Le corps en...

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