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Une Vision satirique de la justice à travers Le Président mystifié de Sade Irène Aguilà Solana [...] c'est sous l'hermine que la bêtise érigea son temple, elle ne respire en paix que dans vos tribunaux.1 Sade Si, comme le dit Maurice Blanchot de façon très poétique, «Sade a su faire de sa prison l'image de la solitude de l'univers»,2 il faut considérer Le Président mystifié—ainsi que la plupart des œuvres écrites pendant son emprisonnement—comme l'expression de cette image. Dans ce conte l'auteur réfléchit tant au fonctionnement de la justice contemporaine qu'aux circonstances ponctuelles de quelques affairesjudiciaires qu'il a endurées. S'éloignant des lieux communs de son esthétique, l'écrivain emprunte des procédés à la farce et au comique traditionnel pour présenter sa vision de façon satirique. Ce recours du romancieraux ressources dramatiques n'est pas sans cause. Sade se passionne pour tout ce qui concerne le théâtre; ce n'est pas en vain qu'il consacre une partie de son génie et de son temps à la création dramatique. Et il s'y prend consciencieusement: 1 Sade, Le Président mystifié, dans Romanciers du xvme siècle, t. 2 (Paris: Gallimard, 1965), p. 1458. Les références renvoient à cette édition. 2 Cité par Georges Bataille, La Littérature et le mal (Paris: Gallimard, 1957), p. 147. EIGHTEENTH-CENTURY FICTION, Volume 11, Number 1, October 1998 104 EIGHTEENTH-CENTURY FICTION il écrit des pièces de théâtre,3 mais il se charge aussi, dans une certaine mesure, du choix et de la formation des acteurs, de la mise en scène et des répétitions.4 Lui-même se plaît à jouer des comédies ou, quand il a besoin d'argent, travaille au théâtre de Versailles comme souffleur.5 D'ailleurs, on sait bien que l'esthétique des romans sadiens (concrètement le recours au metteur en scène ainsi que la disposition des personnages ou l'introduction d'indications scéniques) offre des ressemblances avec l'esthétique dramatique.6 Le Président mystifié fait partie d'un recueil de 26 récits brefs que Sade a écrits pendant un séjour à la Bastille en 1787 et 1788,7 et qui ont vu le jour grâce à une édition posthume.8 L'action se passe au mois d'avril 1779 et le protagoniste est un homme de robe qui avait pris part de façon très active à un procès de grand retentissement au parlement d'Aix en 1772 (voir note 16 ci-dessous). Le marquis d'Olincourt (transposition du marquis de Sade lui-même) prépare une mise en scène soignée pour duper un vieux magistrat. La satire développée utilise comme point de départ un thème littéraire qui remonte à la comédie antique: les stratagèmes des jeunes amoureux pour défaire un mariage convenu. Qu'un père «vieux, entêté, hypocondre et goutteux» (p. 1422) soit berné après avoir énuméré les conditions que son futur gendre doitremplir—raison, âge mûr etrobe— c'est logique! De plus, toutes les dispositions pour lesquelles le magistrat est réputé s'avèrent au long du conte inutiles et contestables. Le poids du 3 A propos de ces renseignements il est utile de consulter son Journal inédit (Paris: Gallimard, 1970). pp. 42, 46-47, ainsi que Paul Bourdin, Correspondance inédite du marquis du Sade, de sesproches et de sesfamiliers (1921; Genève: Slatkine Reprints, 1971), pp. 285, 298. Gilbert LeIy recense 17 pièces dont 3 sont perdues et précise que 10 furent écrites à Vincennes et à la Bastille. 4 Bourdin, p. 283; et Sade, Journal inédit, p. 56. 5 Bourdin, p. 430; et Sade, Journal inédit, pp. 62-63. 6 Voir Roland Barthes, Sade, Fourier, Loyola (Paris: Éditions du Seuil, 1971), pp. 10, 32-37, 132, 149, 157-59. 7 «Une note, sur la couverture du vingtième et dernier cahier de son manuscrit autographe, écrit Maurice Heine, nous apprend...

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