In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Ecriture neuve d'une structure ancienne: Les Illustres Françaises de Robert ChalleAnne De Sola Redécouvertes, grâce à F. Deloffre,1 Les Illustres Françaises se sont révélées nécessaires à l'appréhension de la littérature du début du XVIIIe siècle, et sont devenues une étape obligée dans l'évolution du genre romanesque. Roman et autour ont fait l'objet de recherches et de publications multiples.2 Nous nous limitons dans cette étude à nous demander pourquoi ce roman, qui a connu un grand succès au xvrae siècle, est demeur é si lisible de nos jours, et si cette transparence n'est pas l'effet de procédés d'écriture singulièrement novateurs en 1713, en dépit de son apparence formelle traditionnelle. Roman ou nouvelles? Sous quelle étiquette ranger ce texte qui se présente dans sa structure comme un récit encadrant sept histoires particuli ères? Challe n'identifie pas son ouvrage à un ensemble de nouvelles mais plutôt à un roman; «mon roman ou mes histoires, comme on voudra les appeler» ou bien encore «mon histoire» hésite Challe dans la préface; difficulté de se définir d'un ouvrage qui signale une mutation du genre, 1 Importance majeure des deux éditions contemporaines de ce texte qui n'avait plus été réédité depuis le xvme siècle. Robert Challe, Les Illustres Françaises, édition critique publiée avec des documents inédits par F. Deloffre, 2 tomes (Paris: Les Belles Lettres, 1959); puis, édition nouvelle par F. Deloffre et J. Cormier (Genève: Librairie Droz, 1991), dont appendices et bibliographie offrent un état complet des connaissances et travaux sur ce texte. Les références au texte renvoient à cette nouvelle édition. 2 Une étude, en particulier, erudite et fine qui explore le monde challien: Michèle Weil, Robert Challe romancier (Genève: Librairie Droz, 1991). EIGHTEENTH-CENTURY FICTION, volume 7, numéro 4, juillet 1995 338 EIGHTEENTH-CENTURY FICTION inaugure un nouveau style de récit. Car si Les Illustres Françaises sont souvent apparentées à L'Heptaméron de Marguerite de Navarre et aux Nouvellesfrançaises de Segrais, la comparaison avec ces deux textes ne peut se poursuivre longtemps. De plus, cette structure à double niveau, familière dans les contes hérités de Boccace, se reconnaît dans le roman dit baroque qui s'allonge par l'addition de récits internes, se retrouve encore dans les romans de jeunesse de Marivaux, et dans ceux de Prévost par exemple. Ce double volet permet une variété de rapports entre les deux composantes , qui va de la juxtaposition de l'histoire intercalée, narrée pour satisfaire la curiosité d'un personnage du récit encadrant, au jeu complexe qui consiste à brouiller sans cesse les deux niveaux par l'intervention impromptue du narrateur dans son récit, comme dans Jacques le fataliste; l'éventail des degrés de l'interférence est large. De par la latéralité qu'elle autorise, cette structure à double niveau «extradiégétique» et «diégétique» pour G. Genette,3 favorise, au xvme siècle, la recherche d'un autre type d'illusion romanesque, d'un autre type d'illusion de réel. Plutôt quejuxtapos ée, l'histoire intercalée facilite le dialogue interpersonnel, la révélation de l'intime, la confession, la mémoire intérieure, permet l'introspection et l'analyse des sentiments et envahit tout le roman chez Marivaux ou Prévost. Mais cette mémoire personnelle se met en place d'une manière originale et précoce dans Les Illustres Françaises, (trans)portée au fil des sept histoires et du récit encadrant, dans un remarquable tissage narratif . Challe innove en ce début du siècle, par la complexité de l'écriture qu'il introduit dans une structure traditionnelle; seul Diderot, à nos yeux, en a exploré toute les possibilités, à l'extrême contraire, et pour les faire éclater comme dans le bel exemple de Jacques lefataliste. C'est sur les techniques de l'oralité transposée à l'écrit4 que reposent la parfaite unité de ce texte, la fusion...

pdf

Share