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La Réhabilitation du roman français: souvenirs et conjectures Georges May Les ouvrages de critique et d'histoire littéraire traitant de la «fortune»— ou de la «réception», comme on aime à dire aujourd'hui—de tel ou tel écrivain ou livre ont souventfait la chronique des hauts et des bas de ce qu'il peut être permis d'appeler la «cote» des titres. Si l'analogie entre valeurs littéraires etvaleursboursières peutchoquercertains esprits dédaigneux des unes ou des autres, elle n'en est pas moins tentante, ne serait-ce que parce que les variations en paraissent également imprévisibles, capricieuses, inexplicables , et pourtant lourdes de conséquences. On parle volontiers d'un séjour forcé en purgatoire après la mort d'un écrivain, sans qu'on sache au juste ce qui rend cette relégation inévitable, ni surtout ce qui permet à certains privilégiés d'y échapper, alors que la plupart des autres n'en sortent que très tard, sinon jamais. Tout amateur de littérature est amené tôt ou tard à se demander ce qui cause ces fluctuations et contingences. Question banale, probablement insoluble, mais certainement fondamentale , car ce qui est vrai d'écrivains ou d'ouvrages isolés l'est aussi d'ensembles ou de genres littéraires tout entiers. On songe à des découvertes ou redécouvertes globales bien connues: celles des chansons de geste ou de la poésie de la Renaissance, ou, plus près de nous, du mélodrame, du vaudeville ou du roman-feuilleton. C'est dire que la résurrection du roman français du xvme siècle, dont notre époque vient d'être témoin, loin d'être une exception, ne fait qu'illustrer ce qui semble bien être une condition inhérente à l'histoire littéraire. EIGHTEENTH-CENTURY FICTION, volume 13, numéros 2-3, janvier-avril 2001 148 EIGHTEENTH-CENTURY FICTION Depuis une quarantaine d'années les éditions des romanciers français du xvme siècle et les études sur ceux-ci ont connu une telle prospérité qu'il s'agit là non pas d'un simple renouveau, mais bien d'une redécouverte, sinon parfois d'une véritable découverte. Inutile d'enfoncer une porte ouverte: les lecteurs de cette revue savent tout cela mieux que personne. Quelques souvenirs personnels, au terme d'une longue carrière, serviront donc simplement à illustrer un état de fait rendant toute confirmation superflue , et, bien entendu aussi, à excuser le penchant des gens de mon âge pour les réminiscences. Lecteur enthousiaste des Liaisons dangereuses—parues dès 1932 dans la Bibliothèque de la Pléiade (c'est le sixième en date de la collection)—j'eus la témérité, dans la bienheureuse insouciance de mes vingt-sept ans, de proposer à la Romanic Review un compte rendu de deux éditions du roman et d'un essai à son sujet, tous trois parus en 1948. Norman Torrey, qui était alors le rédacteur-en-chef, accueillit mon manuscrit avec magnanimité, malgré les réserves dont il me fit part et qui tenaient au peu d'estime qu'il avait pour le roman. Le mépris de Gustave Lanson pour Laclos—dont, comme on sait, il s'était borné dans son Histoire de la littératurefrançaise à mentionner le nom d'une main, tout en en se bouchant le nez de l'autre— faisait encore loi un demi-siècle plus tard. Inutile de rappeler à quel point les choses allaient bouger au cours du demi-siècle suivant. Je me préparais alors à faire mon premier cours sur le roman français du xvme siècle, annoncé pour le semestre de printemps 1949. À son programme figuraient les sept romans suivants: Manon Lescaut, La Vie de Marianne, Le Paysan parvenu, Les Egarements du cœur et de l 'esprit, La Religieuse, La Nouvelle Héloïse et Les Liaisons dangereuses. Tous ces textes n'étaient alors ni faciles à se procurer, ni surtout disponibles dans des éditions dignes d'eux. Le roman de Crébillon fils en particuliern'avaitpasencoreété réimprimé parles soins deRenéÉtiemble, et mes élèves durent le lire dans...

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