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De la traduction au pastiche: l'Histoire du chevalier Grandisson Shelly Charles L' introductiondePrévostà sesNouvelleslettresanglaises, ouHistoire du chevalier Grandissons avec la relation qu'elle établit entre le travail du traducteur et celui d'un sculpteur, est bien connue des historiens de la traduction. Sa comparaison de l'original, que l'on doit transformer pour en tirer un texte lisible, à un «bloc de bois ou de pierre», où (selon une «plaisante imagination du Boccalini») «il y a toujours une belle statue renfermée», produit en effet l'une des représentations les plus frappantes de l'art de la traduction au xvme siècle et semble pousser à ses extrêmes limites la logique des «belles infidèles». Les comptes rendus de l'époque reprennent d'ailleurs abondamment le texte pour faire l'éloge de Prévost et de sa traduction.2 Seul Grimm s'en indigne,3 préparant ainsi le futur Éloge 1 La première partie de la traduction parut fin 1755 et la seconde en 1758. Le titre français fait allusion à Clarisse, que Prévost avait déjà intitulée Lettres anglaises, ou Histoire de Miss Clarisse Harlove. Nous suivrons généralement ici la version française des noms: Grandisson, Henriette (Harriet) et même Daurana (Laurana). Nous renvoyons, pour le français, aux Œuvres choisies de l'abbé Prévost (Amsterdam et Paris, 1784), t. 25-28, et, pour l'anglais, à l'édition de J. Harris (Londres: Oxford University Press, 1972), vol. 1-3. 2 Voir, par exemple, L'Année littéraire, décembre 1755, le Journal encyclopédique, février 1756. 3 «Il faut avoir bonne opinion de soi pour se faire ainsi sculpteur du marbre de M. Richardson», Correspondance littéraire, janvier 1756. La seconde partie de la traduction sera recensée en août 1758. EIGHTEENTH-CENTURY FICTION, Volume 13, Number 1, October 2000 20 EIGHTEENTH-CENTURY FICTION de Richardson et le sacre de l'écrivain anglais. Les termes de la comparaison (dans les deux cas, il faut enlever«l'enveloppe informe» qui couvre l'œuvre) ont été compris en fonction de l'intervention la plus visible du traducteur, jugée, d'ailleurs, à l'époque, comme la plus nécessaire: la réduction massive du volume de l'original.4 Cette interprétation s'est trouvée confortée par les marques immédiatement reparables introduites par le traducteur dans le corps du texte: des «notes», imprimées en italiques et précédées d'un très visible «N», qui annoncent les coupures et résument les passages omis. Il est donc de notoriété commune que Prévost a drastiquement réduit le volumineux roman: Pour donner une juste idée de mon travail, il suffit de faire remarquer que sept volumes, dont l'édition anglaise est composée, et qui en feraient vingt-huit de la grosseur des miens, se trouvent ici réduits à huit. Et l'on identifie bien les critères esthétiques («retranchement des excursions languissantes, des peintures surchargées, des conversations inutiles et des réflexions déplacées») et culturels (adaptation «aux usages communs de l'Europe») qui ont présidé à l'opération. Mais cette introduction, sans doute plus fréquentée aujourd'hui que le texte qu'elle précède, a eu une suite bien moins célèbre. La traduction de Prévost a en effet été publiée en deux livraisons, à plus d'un an d'intervalle. Les quatre derniers volumes ont ainsi été précédés d'un autre discours liminaire. Ce discours, à la fois éphémère (on ne le trouve que dans l'édition originale) et ambigu, annonce une intervention d'un tout autre ordre: On se croit obligé d'apprendre au lecteur que l'ouvrage anglais ayant été fini sur de faux Mémoires, qui en rendent la conclusion fort insipide, on s'en est heureusement procuré de plus fidèles et de plus intéressants: ils forment environ le tiers de la seconde partie du dernier tome. Les soins que cette recherche a demandés, surtout dans un temps de guerre, font une assez bonne excuse pour le délai...

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