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Le Roman féminin des années révolutionnaires Marie-France Silver Quel fut l'impact de la Révolution sur le roman féminin d'expression française? Pour tenter de répondre à cette question je propose l'analyse des romans qu'Olympe de Gouges, Isabelle de Charrière, Mme de Flahaut, Mme de Genlis et Sophie Cottin publièrent dans la dernière décennie du xvur3 siècle. Bien que publié en 1792, Le Prince philosophe fut écrit en 1788. Olympe de Gouges, qui fut exécutée en 1794 pour ses opinions antirobespierristes , publia ce roman un an après sa célèbre Déclaration des droits de lafemme et de la citoyenne qui revendiquait les droits civils et politiques des Françaises. Que Gouges ait choisi de publier ce roman dans la période où elle s'engageait pleinement dans l'action politique est significatif : elle ne cessa jamais en effet de réclamer pour les femmes l'accès à la carrière littéraire. "Je suis femme et auteur; j'en ai toute l'activité" proclamait-elle déjà à l'aube de la Révolution.1 La publication du Prince philosophe en 1792, l'année même où le journal pro-révolutionnaire Les Révolutions de Paris, commençant à réclamer l'exclusion des femmes de la sphère publique, concentrait ses attaques sur Olympe de Gouges,2 est donc un acte hautement symbolique: Gouges affirme sa participation à la République des Lettres au moment même où par son action 1 Olympe de Gouges, dans la Préface de ses Œuvres (Paris, 1788), tome 2. 2 Voir Mona Ozouf, La Fête révolutionnaire (Paris: Gallimard, 1976), p. 87. EIGHTEENTH-CENTURY FICTION, Volume 6, Number 4, July 1994 310 EIGHTEENTH-CENTURY FICTION politique elle assume son rôle de citoyenne. Dans les deux cas le combat est le même: affirmer en tant que femme sa participation à la vie de la Cité. Le Prince philosophe est un conte philosophique dans la tradition du Zadig de Voltaire. C'est une histoire orientale, à intrigue rocambolesque, et dont l'action qui se passe en partie en Chine, en partie au Siam, sert de prétexte à une satire surtout sociale, mais à l'occasion politique, de la société française. On y relève en particulier une critique mordante de la génération littéraire qui a succédé à celle de Voltaire et de Rousseau;3 une critique de l'isolement du Roi;4 de l'influence néfaste de la Reine5 et une violente dénonciation du fanatisme.6 Mais le plus curieux de ce roman est le discours féministe tenu par le personnage le plus antipathique de l'histoire, la reine Idamée. Cette dernière, qui a dix ans de plus que son mari Almodin, roi de Siam, est non seulement enlaidie par la petite vérole mais jalouse, emportée, mauvaise mère et même infidèle puisqu'elle trompe sans vergogne le vertueux Almodin. C'est cette même Idamée qui veut pourtant: "Donner un essor à ce sexe toujours faible, timide et contrarié dans ses goûts, privé des honneurs, des charges, enfin accablé par la loi du plus fort."7 Dans ce but, Idamée rédigea un mémoire destiné au roi et à ses ministres , et qui reflète exactement les opinions féministes qu'Olympe de Gouges exprimera, tant dans ses discours que dans son théâtre, entre 1791 et 1793. Il mérite à ce titre d'être cité en partie: Enfin, pour l'amour de l'Etat et du bien public, il faudrait encore accorder à ce sexe plus d'émulation, lui permettre de montrer et d'exercer sa capacité dans toutes les places. Les hommes sont-ils tous essentiels? Eh! combien n'y-a-til pas de femmes qui, à travers leur ignorance, conduiraient mieux les affaires que des hommes stupides qui se trouvent souvent à la tête des bureaux, des entreprises , des armées et du barreau. Le mérite seul devrait mener à ces places majeures, ainsi qu'aux inférieures, et l'on devrait donner aux jeunes demoiselles la m...

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