Abstract

A été abrogée, en 1983, la disposition du Code criminel canadien dite « d'exemption du viol marital » qui accordait une immunité juridique et sociale aux maris qui violaient leurs épouses. Le présent article explore dans quelle mesure les modifications dans la réaction juridique au viol marital, modifications censées se refléter dans la pratique, ont affecte les réalitésvécues des avocates et avocats de la défense ainsi que des procureures et procureurs de la Couronne et, par extension, des femmes qui ont fait l'expérience de viol ou d'agression sexuelle dans leur mariage ou dans leurs relations sexuelles intimes. Cet article résulte d'une recherche plus large que j'ai effectuée au cours de laquelle j'ai examine comment les cas de viol de l'épouse ou de la conjointe de fait sont construits et vécus par les personnages clés du système judiciaire pénal en Ontario. Ma recherche est la première étude empirique portant sur le viol de l'épouse ou de la conjointe de fait au Canada qui n'est pas seulement fondée sur une analyse des cas dénoncés mais aussi sur la manière par laquelle les pénalistes vivent et construisent ces cas. Dans ma recherche, j'ai tenté d'« aller derrière la scène » pour découvrir ce qui se passe durant les procès pour viol de l'épouse. A partir d'entrevues avec les personnages clés du système judiciaire pénal (la Couronne et la défense en Ontario), j'ai examiné comment ces personnes analysent, conceptualisent et dirigent le processus dans les cas de viol de l'épouse et comment elles envisagent et abordent divers thèmes et concepts qui caractérisent cet acte.

Sur la base de cette analyse, je soutiens que le viol de l'épouse ou de la conjointe de fait est influencé par les croyances sociétales et culturelles au sujet de la sexualité, des relations intimes et du mariage ainsi que des mythes relatifs au viol. Un thème dominant qui est ressorti de mes entrevues est le rôle du consentement dans les cas d'agressions sexuelles de l'épouse ou de la conjointe de fait. Comme cet article l'illustre, ce concept joue un rôle crucial dans la façon dont les personnes interviewées construisent ces cas. Leurs narrations révèlent les difficultés à reconnaître les concepts de « non-consentement », étant donné la nature du mariage et l'association du consentement avec l'amour, les rapports sexuels, l'intimité, la familiarité, le passé sexuel et le langage personnel entre couples. Même si la loi dit le contraire, mes données démontrent que les personnages clés du système judiciaire pénal eux-mêmes présument qu'il y a consentement dans les rapports sexuels entre intimes, ce qui influe, par voie de conséquence, sur la façon dont ces personnages construisent et procèdent dans les causes de viol de l'épouse ou de la conjointe de fait.

Abstract

In 1983, the "marital rape exemption," which afforded legal and social immunity to husbands who raped their wives, was abolished from the Canadian Criminal Code. This article explores the extent to which changes in the legal response to marital rape, which this amendment purported to reflect, have affected the lived realities for defence lawyers and Crown attorneys and, by extension, women who experience rape/sexual assault in their marriages or intimate sexual relationships. This article is the result of broader research that I conducted in which I examined how cases of wife/partner rape are constructed and practised by key actors in the Ontario criminal justice system. My research marks the first empirical study on wife/partner rape in Canada that is not only based on an analysis of reported cases but also on the manner in which criminal lawyers practise and construct these cases. In my research, I sought to "go behind the scenes" of the cases to discover what goes on during wife rape trials. Drawing on interviews with key criminal justice actors (Crown attorneys and defence counsel in Ontario), I examined how they analyze, think about, and process wife rape and how they view and conceptualize various themes and concepts that characterize the act.

Based on my analysis, I argue that wife/partner rape is informed by societal and cultural beliefs about sexuality, intimate relationships and marriage, and rape myths. A dominant theme that emerged in my interviews is the role of consent in cases of wife/partner sexual assault. As this article illustrates, this concept plays a leading role in the way such cases are constructed by the interviewees. Their narratives revealed difficulties with acknowledging concepts of "non-consent," given the nature of marriage and the association of consent with love, sex, intimacy, familiarity, sexual history, and couples' personal language. Although the legislation says quite the opposite, my findings demonstrate that key justice system players themselves presume consent to sex in intimate relationships, which, in turn, shapes the way these players construct and litigate wife rape.

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