University of Toronto Press
  • Investigation of the Sexual Health Information Behaviour of a Group of Young Quebec Adults / Exploration du comportement informationnel de jeunes adultes québécois en matière de santé sexuelle
Résumé

Cette étude descriptive explore le comportement informationnel en matière de santé sexuelle d'un groupe de jeunes adultes québécois. Huit participants ont pris part à une entrevue en profondeur utilisant la technique de l'incident critique au cours de laquelle ils ont décrit une situation problématique par rapport à leur santé sexuelle. Les données recueillies ont été l'objet d'une analyse de contenu basée sur la théorisation ancrée et les résultats sont discutés d'après une adaptation du modèle général de comportement informationnel de Choo (2006).

Abstract

This descriptive study explores the sexual health information behaviour of a group of young Quebec adults. Eight participants took part in an in-depth interview using the critical incident technique where they described a problematic situation with respect to their sexual health. The resulting data were analysed using a grounded theory based method and are discussed according to Choo's (2006) general model of information behaviour.

Keywords

comportement informationnel, recherche d'information, utilisation de l'information, santé sexuelle, Québec (province)

Keywords

information behaviour, information seeking, information use, sexual health, Quebec (province)

Introduction

Problématique

Depuis quelques années, les statistiques indiquent une croissance exponentielle de l'incidence de certaines infections transmissibles sexuellement [End Page 433] chez les jeunes adultes. Au Québec, le Bureau de surveillance et de vigie du ministère de la Santé et des Services sociaux (2008) place les jeunes âgés de 15 à 24 ans parmi les populations particulièrement vulnérables à la chlamydiose et à l'infection gonococcique, les deux infections transmissibles sexuellement les plus répandues dans la province. Les plus récentes données indiquent en effet que la prévalence de ces infections pour cette population se situe à un niveau dit « élevé » et que les jeunes âgés de 15 à 24 ans représentent 66 % des cas de chlamydiose génitale et 47 % des cas d'infection gonococcique déclarés.

Certaines enquêtes témoignent également de comportements peu responsables en matière de santé sexuelle chez les jeunes adultes, bien que l'offre d'information sur les conséquences de tels comportements soit importante et diversifiée. À cet égard, une étude menée en 2007 par Léger Marketing pour le compte de Trojan indique que, malgré l'augmentation exponentielle de cas d'infections transmissibles sexuellement, « trois jeunes Québécois sur cinq sont prêts à balancer le condom à la première occasion » (Rioux Soucy 2007). La beauté, l'odeur agréable et la prévenance du partenaire sont souvent évoquées par des participants, notamment dans les études d'Afifi et Weiner (2006) et de Lear (1997), pour justifier des comportements sexuels non protégés. Par ailleurs, le comportement informationnel de cette population en matière de santé sexuelle demeure peu documenté.

À cet égard, des chercheurs en sciences de la santé ont étudié certains fragments du comportement informationnel propre à la santé sexuelle de diverses populations, soit à la recherche d'information (notamment Gott 2001 ; Langille et al. 2001 ; Keller et La Belle 2005 ; Afifi et Weiner 2006 ; Falk, Stanger et Pederson 2006 ; Taylor et Davis 2006) ou les besoins informationnels (Forrest, Strange et Oakley 2004 ; Falk, Stanger et Pederson 2006 ; Von Sadovsky et al. 2006). Seules trois études se sont penchées sur les jeunes adultes (Afifi et Weiner 2006 ; Falk, Stanger et Pederson 2006 ; Von Sadovsky et al. 2006), et le portrait demeure incomplet. Or, une meilleure compréhension du comportement informationnel des jeunes adultes en santé sexuelle pourrait leur offrir des sources d'information mieux adaptées et rendre ces sources d'information plus accessibles.

Cadre conceptuel

Le modèle général de comportement informationnel proposé par Choo (2006) et les assises théoriques qui y sont associées propose une approche [End Page 434] multifacette du comportement informationnel, une approche qui se veut pertinente pour en capturer la complexité (Pettigrew, Fidel et Bruce 2001). Basé sur une vision collectiviste du comportement informationnel, notamment en raison de l'utilisation de la notion d'environnement d'utilisation de l'information de Taylor (1991), ce modèle tient aussi compte de l'influence des facteurs cognitifs, affectifs et contextuels, ce qui le rapproche du constructivisme cognitif (Talja, Davis et Savolainen 2005). Le cadre conceptuel de la présente étude est inspiré de ce modèle (Figure 1).

Figure 1. Cadre conceptuel (inspiré de ).
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Figure 1.

Cadre conceptuel (inspiré de Choo 2006, 69).

Ce modèle permet d'abord de représenter le comportement informationnel comme un processus naissant de la reconnaissance d'un besoin informationnel, soit la perception d'un manque dans sa connaissance ou dans sa capacité à donner du sens à un événement lié à une situation problématique. Quant à ce besoin informationnel, trois choix sont possibles: il peut premièrement être écarté, il peut aussi, en deuxième lieu, être résolu en utilisant l'information que possède déjà un individu dans sa mémoire et, en dernier lieu, il peut être résolu par la recherche d'information. L'information peut également être rencontrée passivement. Une fois l'information trouvée jugée satisfaisante par l'individu pour pallier le manque dans sa connaissance ou dans sa capacité à donner du sens à une situation, celle-ci sera utilisée.

Dans un second temps, les besoins informationnels, la recherche d'information et l'utilisation de l'information sont influencés par trois niveaux de facteurs : le contextuel, le cognitif, l'affectif. D'abord, les facteurs contextuels entourant le comportement informationnel sont formés d'éléments propres à la situation problématique, dont sa complexité. Les facteurs contextuels comprennent aussi les éléments de l'environnement [End Page 435] d'utilisation de l'information, soit la disponibilité de l'information, sa distribution dans les différents médias et son accessibilité ainsi que des hypothèses partagées sur la résolution des situations problématiques. Les facteurs cognitifs influençant le comportement informationnel, ensuite, sont composés des compétences informationnelles d'un individu, soit de ses habiletés (lecture, écriture, numératie, parole et compréhension orale), savoirs et stratégies pour interagir en société. Le type de personnalité d'un individu influe également sur la manière dont il cherche, traite et utilise l'information. Les facteurs affectifs influençant le comportement informationnel, finalement, incluent les sentiments et émotions entourant les différentes étapes du processus, dont l'anxiété, ainsi que l'image qu'un individu désire projeter.

Questions de recherche

La présente étude s'intéresse au comportement informationnel de jeunes adultes québécois en matière de santé sexuelle. Plus spécifiquement, elle répond aux quatre questions de recherche suivantes : (1) Quelles sont les situations problématiques auxquelles les jeunes adultes sont confrontés en santé sexuelle ? (2) Quels sont les besoins informationnels exprimés par les jeunes adultes lors de ces situations problématiques ? (3) Quels sont les processus et les sources d'information qui soutiennent la résolution de ces besoins informationnels ? (4) Quelle est l'utilisation de l'information trouvée ?

Méthodologie

Cette recherche descriptive utilise une approche qualitative, de manière à obtenir des données riches sur une situation spécifique et contextualisée (Miles et Huberman 2003, 27) et de tenir compte de l'environnement dans lequel s'inscrit l'étude (Denzin et Lincoln 2003, 5-6). L'Université de Montréal a été retenue comme milieu d'étude car elle correspond à deux caractéristiques recherchées : être un milieu cognitivement riche et fournir un accès sur place à des ressources en santé sexuelle. Les participants à cette étude ont été choisis selon une méthode d'échantillonnage de représentativité théorique, en raison de leur potentiel à enrichir un construit théorique (Patton 2002, 238-39). Les données ont été obtenues par le biais d'entrevues en profondeur utilisant la technique de l'incident critique — reconnue pour l'étude des comportements informationnels dans le domaine de la santé (Urquhart et al. 2003, 70) — auprès [End Page 436] de huit jeunes adultes québécois âgés de 18 à 25 ans. Cet échantillon se compose d'un nombre égal de femmes (n = 4) et d'hommes (n = 4). Six participants se sont déclarés d'orientation hétérosexuelle et deux se sont déclarés d'orientation homosexuelle. Les entrevues d'environ une heure se sont échelonnées sur une période de quatre semaines au cours des mois de mai et de juin 2008. Chacun des participants a décrit une situation problématique récente (moins de six mois) par rapport à sa santé sexuelle en tenant compte de la définition proposée par l'Organisation mondiale de la santé (2006) pour ce concept, soit d'être une situation qui se rapporte à l'expérience de bien-être physique, émotionnel, mental et social touchant la sexualité. Cette situation a été utilisée comme unité d'analyse, et les données recueillies ont été l'objet d'une analyse de contenu basée sur la théorisation ancrée.

L'analyse des données, exécutée de manière itérative avec la collecte, a été réalisée à l'aide d'un guide de codification construit à partir des concepts identifiés dans la recension des écrits et enrichis progressivement grâce aux données recueillies dans les entrevues (Patton 2002, 465-66 ; Corbin et Strauss 1990, 12). Certains concepts, comme les types de situations problématiques en santé sexuelle, ne faisaient pas l'objet d'une typologie établie. Des catégories ont donc été développées selon les informations recueillies lors des entrevues. Différents critères de qualité ont été retenus pour la préparation de la recherche, soit le développement d'habiletés du chercheur, l'observation d'un protocole de recherche et la tenue de prétests. Trois critères de qualité ont ensuite été observés pour la réalisation de la recherche : la transférabilité, la confirmabilité et la stabilité (Miles et Huberman 2003, 503-6).

Résultats

Les résultats sont d'abord présentés pour chacune des questions de recherche. Ils sont par la suite discutés dans la section suivante.

Question de recherche 1 : Situations problématiques

Les huit situations problématiques racontées par les participants ont été classées en trois catégories selon leur élément déclencheur (Tableau 1).

La première catégorie, appelée « Événement à risques », correspond à un événement pour lequel le participant perçoit a posteriori des risques [End Page 437] potentiels pour sa santé. Un exemple d'événement à risques décrit par un participant est une relation sexuelle non protégée avec un partenaire dont les antécédents sexuels sont inconnus. La moitié des situations problématiques décrites (n = 4) se trouvent dans cette première catégorie. La deuxième catégorie, nommée « Symptôme physique subjectif », correspond à un phénomène (trouble latent, changement d'état, etc.) que perçoit un patient en lien avec un ou plusieurs aspects de sa santé physique (Garnier et Delamare 2004 ; Quevauvilliers, Somogyi et Fingerhut 2007 ; Vollaire 2004). Un exemple de symptôme physique subjectif décrit par un participant est l'apparition de douleurs lors des relations sexuelles. Le quart des situations problématiques exposées par les participants (n = 2) entrent dans cette catégorie. La troisième catégorie, appelée « Acquisition passive d'information », correspond à la transmission au participant d'information sur des risques éventuels pour sa santé. Un exemple d'acquisition d'information passive décrit par un participant est l'obtention d'information sur l'état de santé d'un partenaire sexuel. Le quart des situations problématiques décrites (n = 2) appartiennent à cette dernière catégorie.

Tableau 1. Occurrence des catégories de situations problématiques (n = 8)
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Tableau 1.

Occurrence des catégories de situations problématiques (n = 8)

Les situations problématiques ont aussi été analysées en fonction des dimensions proposées par MacMullin et Taylor (1984) (Tableau 2). Ces dimensions permettent d'établir le schéma type suivant des situations exposées : situation nouvelle qui exige une solution déjà existante et qui est causée par des contraintes externes avec une variable unique et comprise du participant, et qui comporte des risques faibles, des objectifs précis et une cause comprise du participant.

Question de recherche 2 : Besoins informationnels

Les besoins informationnels exprimés en réaction aux situations problématiques par les jeunes adultes participant à cette étude ont été classés en trois catégories. La première catégorie, nommée « État de santé actuel », [End Page 438] correspond aux questions du participant sur son état de santé physique en réaction à la situation problématique :

Tableau 2. Occurrence des dimensions des situations problématiques de MacMullin et Taylor () selon la catégorie de situations problématiques.
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Tableau 2.

Occurrence des dimensions des situations problématiques de MacMullin et Taylor (1984) selon la catégorie de situations problématiques.

  • • « Je voulais savoir si j'étais clean [. . .] » (P5)

  • • « Je voulais savoir si j'avais une MTS [. . .] » (P4)

  • • « Que se passe-t-il ? » (P2)

Sept participants parmi les huit ont cherché à connaître leur état de santé suite à la situation problématique.

La deuxième catégorie, appelée « Conséquences possibles », correspond aux questions du participant sur les diverses répercussions potentielles de la situation problématique: [End Page 439]

  • • « Je voulais savoir qu'est-ce que ça impliquait pour moi à long terme. » (P3)

  • • « [. . .] quels étaient les risques pour moi. » (P1)

Trois participants se sont posé des questions entrant dans cette catégorie.

Finalement, la troisième catégorie, intitulée « Remèdes », comprend les questions relatives aux solutions pour remédier aux effets négatifs de la situation problématique :

  • • « [. . .] comment on pouvait soigner ça. » (P1)

  • • « Je me demandais quel était le moyen pour remédier à cette situation. » (P6)

Trois participants se sont posé des questions entrant dans cette catégorie.

Les catégories de situations problématiques influencent parfois les types de besoins informationnels exprimés. Ainsi, tous les participants ayant vécu un événement à risques ou ayant découvert un symptôme physique ont manifesté le besoin de connaître leur état de santé. L'analyse des besoins informationnels a également permis de constater que seules deux des dimensions possèdent une influence visible sur le nombre de besoins. Les situations nouvelles et les situations dont le point de départ était non compris suscitaient majoritairement plus de besoins informationnels que les situations familières et les situations dont le point de départ était compris. Par contre, une situation nouvelle ne soulève pas toujours plusieurs besoins informationnels, comme en témoignent les paroles d'un participant ayant exposé une situation nouvelle :

• « Je voulais savoir si j'étais clean, point. Je ne voulais pas enrichir ma culture générale. » (P5)

Question de recherche 3 : Recherche d'information

Pour répondre aux besoins informationnels soulevés, les participants ont utilisé 32 sources d'information distinctes. Trois caractéristiques, développées a priori à partir de la littérature (voir la synthèse présentée par Maurel 2006, 38), ont été apposées à chaque source : était-elle professionnelle ou profane, personnelle ou impersonnelle, verbale ou documentaire ? Tout d'abord, une source était considérée comme prossionnelle [End Page 440] s'il s'agissait d'un professionnel de la santé reconnu dans son domaine d'expertise par la législation (p. ex. un médecin ou une infirmière) ou si elle émanait d'un tel professionnel (le site web de l'Agence de la santé publique du Canada). Une source de toute autre origine a été considérée comme profane (p. ex. un proche, un site web dont les sources ne sont pas mentionnées). Une source était ensuite considérée comme « personnelle » si elle communiquait l'information directement au participant (p. ex. un médecin lors d'une rencontre avec un participant) et « impersonnelle » si elle était destinée à communiquer l'information à un plus large public (un site web, un livre, etc.). Finalement, une source était considérée comme « verbale » si elle transmettait l'information de personne à personne sans passer par un autre support et « documentaire » si elle transmettait l'information à l'aide d'un support, qu'il soit matériel ou numérique.

L'analyse des sources d'information consultées par les participants pour répondre à leurs besoins informationnels indique que celles-ci sont dans une majorité faible professionnelles, personnelles et verbales. Elle indique également que le type de source consultée est influencé par le type de besoin informationnel. À cet égard, l'exemple le plus représentatif est celui des participants qui voulaient connaître leur état de santé actuel. Ils ont en majorité consulté une source professionnelle, personnelle et verbale : un médecin.

Les participants ont accédé à ces sources d'information en employant quatre activités de recherche d'information parmi celles retenues par Ellis (2005) : débuter, enchaîner, butiner et différencier. Selon les résultats obtenus, les différentes activités de recherche d'information ne sont pas influencées par les catégories de situations problématiques ou de besoins informationnels. Les patrons de recherche d'information qui se dégagent sont plutôt liés à des facteurs contextuels (tels que l'accès à une source d'information), des facteurs cognitifs (tels que la compréhension de la situation problématique par le participant) et des facteurs affectifs (tels que la confiance du participant dans une source). Ces facteurs sont appelés « facilitateurs » quand ils favorisent la poursuite du processus (p. ex. un accès particulier à une source) et « barrières » quand ils bloquent celui-ci (p. ex. une impossibilité ou un refus de consulter une source).

Les participants ont rencontré majoritairement des facteurs contextuels dans leur processus de recherche d'information. Ces facteurs concernent [End Page 441] l'accessibilité aux sources, qu'elle soit tangible ou perçue. Quatre participants ont obtenu rapidement (en moins d'une semaine) un rendezvous chez leur médecin de famille, leur gynécologue ou dans une clinique privée. L'exemple de facilitateur contextuel suivant est éloquent :

• « En fait, avec le travail, j'ai droit à une visite par année chez le médecin dans une clinique privée. Ils nous paient l'examen complet. Dans le fond, cette visite-là m'a servi pour ça. J'ai embarqué les tests de MTS avec le reste de l'examen complet. Ç a été facile d'accès, au centre-ville sur mon heure de dîner. » (P5)

Pour ces quatre participants, la recherche d'information a été très rapide et le nombre de sources consultées, limité ; une seule dans le cas de deux participants. Pour quatre participants, Internet a été une source consultée parce qu'elle leur semblait la plus accessible. Deux participants ont toutefois également rencontré des barrières contextuelles dans leur recherche d'information. Un premier participant n'a pas pu voir son médecin habituel puisque la clinique où il allait d'ordinaire pour passer un test de dépistage avait un délai d'attente de trois mois au moment où il a tenté de prendre rendez-vous. La recherche d'une autre clinique a allongé le processus. Le second participant n'a pas réussi à avoir de rendezvous chez le médecin et a finalement laissé tomber, jugeant que la recherche « n'en valait pas la peine » (P6).

Un facteur affectif, la confiance, possède une influence importante sur les participants dans le choix des sources. Du côté des facilitateurs, cinq participants ont choisi des sources d'information (personnelles et verbales) en raison du sentiment de confiance qu'elles inspiraient. Elles se sentaient à l'aise de discuter avec les personnes concernées de leur situation problématique. À l'opposé, quatre participants ont volontairement ignoré certaines sources par peur d'être jugés ou de faire augmenter leur niveau d'anxiété, même si, dans un contexte différent, ces sources leur seraient apparues excellentes. Une participante témoigne ainsi, alors qu'il lui était demandé quelles sources d'information elle n'avait pas consultées :

• « Ma mère ! Parce que j'étais intimidée d'aborder le sujet avec elle, même si, par sa formation en santé, elle eût été une source pertinente. J'ai choisi d'éviter le sujet avec elle. Je ne me sentais pas à l'aise de le faire. » (P2) [End Page 442]

Utilisation de l'information

Chaque utilisation de l'information exposée par un participant a été classée dans une ou plusieurs catégories d'utilisation de l'information de Taylor (1991), telles que complétées par Maurel (2006) avec les explications de Dervin (1983 et 1989) et Choo (2000) (Tableau 3).

L'automotivation représente dans un premier temps la catégorie la plus présente chez les participants. La moitié des répondants (n = 4) a répondu que l'information obtenue leur avait permis de continuer à avoir une vie sexuelle « normale ». Trois participants ont ensuite parlé de l'acquisition de nouvelles habiletés, soit de savoir quoi faire pour avoir des relations sexuelles plus sécuritaires ou plus épanouies. Deux participants ont mentionné que l'information obtenue leur avait donné une meilleure compréhension du problème. Finalement, deux participants ont mentionné que l'information obtenue leur avait permis d'éclaircir le contexte du problème.

L'analyse a aussi permis de constater que l'utilisation de l'information dépend de plusieurs facteurs, dont le type de situation problématique vécue et le besoin informationnel exprimé. L'automotivation, tout d'abord, concerne dans l'échantillon quatre participants ayant soulevé le besoin de connaître leur état de santé et ayant trouvé une information positive. Les participants ayant utilisé l'information obtenue à cette fin avaient vécu un événement, perçu un symptôme ou reçu de l'information qui leur faisait croire à la présence d'une anomalie dans leur état de santé. Ayant reçu la confirmation qu'ils étaient en santé, ils ont été rassurés et ont repris une vie sexuelle normale. Pour un des participants qui avait perçu un symptôme et qui avait aussi soulevé le besoin de

Tableau 3. Occurrence des catégories d'utilisation de l'information de Taylor () (n = 8)
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Tableau 3.

Occurrence des catégories d'utilisation de l'information de Taylor (1991) (n = 8)

[End Page 443]

connaître son état de santé, le même type d'information a plutôt permis d'éclaircir le contexte du problème, à savoir qu'il était « normal ».

Les trois participants ayant soulevé l'acquisition de nouvelles habiletés ont exprimé des besoins informationnels variés. Ils ont vécu trois types de situations problématiques différentes et n'ont pas exprimé de besoins informationnels précis. L'information trouvée leur a permis d'adopter des pratiques plus sécuritaires ou, selon un des participants, plus « épanouies ».

La compréhension du problème, ensuite, concerne un participant ayant vécu un événement à risques et un participant ayant acquis de l'information passivement. Ils avaient tous deux soulevé le besoin de connaître les conséquences possibles. Le premier participant, à la différence de ceux ayant mentionné l'automotivation, a obtenu la confirmation qu'il avait contracté une infection transmissible sexuellement. Ce diagnostic a stimulé une recherche d'information sur l'amélioration de la sécurité de ses pratiques sexuelles. Le deuxième participant avait reçu d'un partenaire une information qui était incomplète. L'information obtenue lui a permis de comprendre les différentes variables du problème.

Finalement, les deux participants ayant obtenu un éclaircissement du contexte du problème sont ceux qui avaient découvert un symptôme physique. Au moment de la découverte de ce symptôme, ils n'en comprenaient pas la cause. L'information obtenue a permis de clarifier ce point.

Les résultats obtenus permettent de proposer un modèle du comportement informationnel de jeunes adultes québécois en matière de santé sexuelle. La figure 2 présente ce modèle où les résultats viennent caractériser les étapes du comportement informationnel issues du modèle général de Choo (2006).

Discussion et conclusion

Les aspects physiques au cœur des situations problématiques

Les participants à cette étude ont tous décrit des situations problématiques qui touchent l'aspect physique de la santé sexuelle, laissant ainsi de côté les aspects émotionnels, mentaux et sociaux également présents [End Page 444]

Figure 2. Modèle de comportement informationnel des jeunes adultes en matière de santé sexuelle (inspiré de ).
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Figure 2.

Modèle de comportement informationnel des jeunes adultes en matière de santé sexuelle (inspiré de Choo 2006, 69).

[End Page 445]

dans la définition de la santé sexuelle qui leur était présentée. L'aspect physique de la santé sexuelle demeure en effet le plus visible, le plus abordé dans les cours d'éducation sexuelle et certainement celui dont on tire le plus de statistiques. À cet égard, les études répertoriées sur le comportement informationnel en santé sexuelle traitent uniquement de thématiques relatives à cet aspect. Par exemple, Falk, Stanger et Pederson (2006), qui ont traité la santé sexuelle de manière analogue à cette étude, rapportent des résultats similaires quant aux thématiques abordées par leurs participants avec un professionnel de la santé, soit la place prépondérante occupée par les questions relatives aux infections transmissibles sexuellement et à la grossesse. La présence tangible des manifestations liées à l'aspect physique représente l'une des hypothèses avancées par ces auteurs pour expliquer ce choix de situation problématique par les participants.

L'absence des aspects émotionnels, mentaux et sociaux dans la présente étude ne signifie pas nécessairement que les situations problématiques vécues par les jeunes adultes en matière de santé sexuelle n'y touchent pas, mais qu'ils sont moins visibles que l'aspect physique. Dans un autre ordre d'idées, ce choix de situations problématiques laisse aussi présager que certaines situations — concernant par exemple des thématiques sociales ou émotionnelles telles que la violence ou l'identité sexuelle — sont plus difficiles à aborder avec un inconnu, spécifiquement si elles se rattachent à des événements récents. Comme souligné par Taylor et Davis (2006), entre autres, les aspects socialement marginalisés de la sexualité — et les questionnements qui y sont reliés — peuvent représenter une barrière pour discuter de santé sexuelle. En ce sens, il est également possible que les participants aient voulu présenter une situation qu'ils estimaient socialement acceptable.

Le degré de pré cision des questions soulevées

Les catégories de situations problématiques exposées diffèrent, particulièrement, mais non exclusivement, quant au degré de précision des questions qu'elles soulèvent. Pour les participants ayant vécu un « événement à risques », la situation problématique repose majoritairement sur la présence d'une inconnue (l'état de santé du partenaire) et sur un comportement qu'ils jugent après coup comme n'étant pas complètement sécuritaire. L'anxiété occasionnée par la combinaison de ces deux [End Page 446] éléments génère des besoins informationnels, principalement celui de connaître leur propre état de santé. Deux participants ont indiqué que cette anxiété provenait de l'information qui, bien que connue, n'était peut-être pas assez intégrée pour que, « dans le feu de l'action », elle soit utilisée à bon escient :

  • • « On nous conscientise sur les [maladies transmises sexuellement] depuis l'école primaire et les statistiques qu'on nous sort de temps à autre dans les journaux sont effrayantes. Je ne peux pas embrasser quelqu'un sans craindre d'attraper un feu sauvage alors, imaginez . . . le reste ! » (P4)

  • • « On est tellement tout le temps bombardé d'information au niveau de la sexualité et avoir trop d'information, parfois ça culpabilise. Ils montrent tout le temps des gros chiffres, des grosses statistiques. On dirait que tout le monde est à risques . . . surtout quand tu es gai. » (P5)

Un troisième participant a indiqué que c'était une amie à qui il avait raconté la situation qui l'avait convaincu des risques possibles. Dans tous les cas exposés, les besoins informationnels sont, selon les niveaux proposés par Taylor (1968, 182), formalisés. La menace ressentie à la suite de l'événement à risques apparaissait toutefois de manière floue aux participants : ils voulaient savoir s'ils étaient atteints d'une infection transmissible sexuellement en général. D'un autre côté, les participants ayant découvert un « symptôme physique » ont fait face à une source d'anxiété plus concrète, générant également le besoin de connaître leur état de santé en priorité. Les symptômes, tels qu'exprimés par les participants, leur donnaient plus d'indices sur la source du problème, conduisant aussi à des besoins formalisés (Taylor 1968, 182), mais dont les questions étaient ici plus précises : « Suis-je enceinte ? », par exemple. Il est à noter que les symptômes auraient cependant pu avoir une signification vague, l'apparition de rougeurs ou de démangeaisons, par exemple, et donner lieu à des questions moins précises. Finalement, « l'information acquise passivement » d'un tiers représente la situation problématique donnant au participant le plus de renseignements et de précisions. Dans les deux cas exprimés par les participants, il était question d'une infection transmissible sexuellement précise, facilitant ainsi les questions en matière de « compromis » de Taylor (1968, 182). Bien que précise, l'information apparaissait toutefois incomplète au participant, d'où le manque cognitif à combler. [End Page 447]

L'état de santé comme besoin informationnel le plus présent

Parmi les trois catégories génériques de besoins informationnels ayant émergé des situations problématiques exposées, le besoin informationnel concernant l'état de santé actuel est présent chez presque tous les participants (n = 7). Il tend par ailleurs à prédominer sur les autres besoins pour plusieurs d'entre eux. Certains participants ont même été jusqu'à supprimer les autres besoins informationnels lorsque l'anxiété liée au besoin de connaître leur état de santé a été comblée. Chacun des éléments déclencheurs identifiés place l'individu dans une perception différente d'un problème de santé, perception qui peut influencer son comportement informationnel, tel que mentionné par Johnson, Andrews et Allard (2001). À cet égard, Attfield, Adams et Blandford (2006) ont remarqué que les patients exprimaient des besoins informationnels différents avant et après une consultation avec un professionnel de la santé. Selon leurs résultats, les besoins exprimés avant une consultation médicale se concentrent, entre autres, autour de l'état de santé alors que ceux énoncés après une consultation médicale ont souvent pour sujet l'information reçue lors de cet entretien. Les situations problématiques exposées dans cette étude se situent toutes en amont d'une consultation médicale potentielle au sens où elles ne sont pas le fruit d'une information reçue par un médecin. Ce point commun pourrait expliquer pourquoi elles partagent toutes une même série de besoins informationnels. Le besoin le plus fréquent, l'état de santé actuel du participant, est également présent parmi les besoins « préconsultation » identifiés par Attfield, Adams et Blandford (2006, 169). Ceux-ci remarquent que le besoin de connaître son état de santé, ce qu'ils nomment Am I ill?, est souvent l'une des premières manifestations de besoins informationnels en santé. Les deux autres besoins identifiés par Attfield, Adams et Blandford (2006, 170), Who can help me? et How do I prepare?, ne se sont pas manifestés chez les participants de cette étude. Pareillement, les deux autres besoins identifiés dans la présente étude, les conséquences possibles et les remèdes, sont absents de leurs résultats. Les deux études relèvent toutefois du qualitatif et les données ont été recueillies auprès de petits échantillons, dans des contextes (milieu, type de participant) différents. Attfield, Adams et Blandford (2006, 175) reconnaissent à cet effet que les catégories de besoins identifiées ne sont pas exhaustives et qu'elles ne doivent servir, en somme, que de cadre de référence à de futurs travaux. [End Page 448]

Les participants possédaient parfois de l'information acquise antérieurement sur la situation vécue, une situation également remarquée par Attfield, Adams et Blandford (2006, 173). Dans le cadre de la présente étude, par exemple, certains connaissaient les conséquences possibles liées aux infections transmissibles sexuellement et d'autres non. En raison des connaissances des participants, le besoin informationnel « conséquence possible » est absent des situations problématiques qui concernent un symptôme physique parmi les situations racontées. Il n'est cependant pas exclu qu'un tel besoin se manifeste lors d'une situation similaire chez une autre personne. En outre, comme mentionné par Case et al. (2005), certains ont cherché à en connaître le plus possible pour apaiser leur anxiété alors que d'autres ont préféré s'en tenir au minimum.

L' importance de la confiance dans une source d'information et de sa disponibilité

Les jeunes adultes interviewés pour cette étude ont eu recours à plusieurs sources d'information pour répondre à leurs besoins, principalement à des médecins, des sites web et des amis. La confiance dans la source d'information représente le premier critère utilisé pour le choix d'une source, un critère prépondérant dans la littérature sur le comportement informationnel en santé sexuelle, notamment chez Kennedy et MacPhee (2006), Taylor et Davis (2006), Gott (2001), Langille et al. (2001) et Herson et al. (1999). La confiance peut tout d'abord toucher spécifiquement les sources verbales, que cette source soit un partenaire, un proche ou un professionnel de la santé. À cet égard, presque toutes les études consultées font état de la présence de cette dimension affective lorsque vient le temps de déterminer avec « qui » la situation sera discutée. Dans cette étude, le manque de confiance s'est toutefois seulement manifesté envers des proches, alors que plusieurs études, notamment Taylor et Davis (2006), Gott (2001), Langille et al. (2001) et Herson et al. (1999), exposent les difficultés éprouvées par les patients à parler de santé sexuelle avec un professionnel de la santé. Leur choix de participer à cette étude — et d'être par le fait même confortables de discuter avec un inconnu d'une situation problématique en santé sexuelle — pourrait expliquer pourquoi les participants n'ont pas craint d'aborder la question avec un professionnel de la santé. Plusieurs participants ont également choisi de ne pas aborder la situation problématique avec leur partenaire. Le fait que pour la plupart d'entre eux ce partenaire était « occasionnel » pourrait expliquer ce choix. La peur d'un jugement des proches, par contre, a influencé trois participants dans le choix de leur source d'information. [End Page 449]

La confiance se manifeste aussi, comme mentionné par Taylor (1991, 228), dans la perception de la validité d'une source d'information pour répondre à un besoin dans une situation donnée. Dans cette étude, le médecin représente la source de prédilection des participants pour répondre aux besoins soulevés de manière générale, et, en particulier, pour obtenir un diagnostic. Ce résultat concorde avec les conclusions de Hardey (2001) qui indique que, malgré le nouveau pluralisme médical, les médecins sont toujours considérés comme les gardiens des diagnostics. Tous les participants ayant consulté un médecin se sont considérés « chanceux » de pouvoir le faire. Une réaction que pourrait expliquer la pénurie actuelle de médecins de famille dans le contexte du système de santé québécois. Certains participants n'avaient par contre pas confiance dans certaines sources documentaires, principalement Internet, pour répondre à leurs besoins et ceux qui ont choisi d'en consulter l'ont fait avec circonspection. Les participants à cette étude semblaient tous connaître les limites et les inconvénients liés à Internet. Leur appartenance à la génération Y, une génération reconnue pour sa forte utilisation d'Internet, pourrait expliquer ce fait (Junco et Mastrodicasa 2007 ; Sweeney 2005). À cet égard, il faut aussi noter que la moitié des participants étudie dans le domaine des sciences de l'information et possède des compétences informationnelles normalement plus développées que chez d'autres étudiants.

La disponibilité perçue des sources d'information dans un environnement d'utilisation de l'information représente un second critère pour le choix des sources (Taylor 1991, 228). À cet effet, les participants ont souvent utilisé les sources qu'ils jugeaient les plus facilement accessibles, dans la mesure où celles-ci étaient également perçues comme des sources adéquates pour répondre à leurs besoins informationnels. Le critère de la confiance a prédominé sur celui de la disponibilité pour certains participants. L'exemple suivant représente un cas particulièrement éloquent :

• « Même si c'était la source la plus accessible, Internet était la dernière où je me serais aventurée. » (P4)

Par ailleurs, deux participants ont été confrontés à la difficulté de rencontrer un médecin. Face au même obstacle, dans un même environnement d'utilisation de l'information, ces deux participants ont toutefois perçu différemment la disponibilité des sources d'information. Un participant a décidé que de tenter de rejoindre un médecin était impossible alors que l'autre a fait le choix de persévérer jusqu'à ce qu'il y parvienne. [End Page 450] Cette différence pourrait s'expliquer par l'importance accordée pour la résolution de la situation problématique. L'attitude du second participant en entrevue laissait croire que de résoudre la situation lui importait peu.

Les participants à cette étude ont employé quatre activités de recherche d'information différentes pour atteindre les sources d'information consultées. Les patrons qui émergent, notamment pour le choix et le nombre des activités, sont influencés par la présence de facteurs contextuels et cognitifs ainsi que par le type de sources consultées. Les circonstances entourant chaque activité de recherche d'information, comme l'indique Ellis (1989a, 178), peuvent influencer les patrons de recherche d'information de chaque individu dans une situation donnée.

Certains participants ont eu un parcours simple ne comportant qu'une seule activité de recherche d'information : débuter. Ils savaient quelle était la meilleure source d'information pour répondre à leur besoin, ils avaient accès facilement à cette source et celle-ci s'est avérée efficace. Le participant ayant accès à un rendez-vous payé par son employeur dans une clinique privée est un exemple frappant. Face à une situation problématique identique, un autre participant a été confronté à des barrières contextuelles. S'il avait pu obtenir un rendez-vous dans un délai raisonnable à sa clinique habituelle, tout porte à croire que son processus n'aurait comporté qu'une seule activité. Or, il a dû « débuter » et « enchaîner » à plusieurs reprises avant de trouver une clinique où il a pu obtenir un rendez-vous. D'un autre côté, certains participants ne savaient pas comment répondre à leurs besoins informationnels et ont fait plusieurs tentatives infructueuses, plusieurs « débuts », avant de trouver une réponse satisfaisante. Certains participants ont par ailleurs entrepris plusieurs parcours simultanés. Un participant, par exemple, a consulté plusieurs sites web pour apaiser son anxiété en attendant de voir son médecin. Dans la même situation, d'autres ont préféré ne pas chercher d'information, comme mentionné par Case et al. (2005).

Le type de sources consultées a également influencé le choix et le nombre des activités de recherche d'information. Les participants ayant consulté des sources documentaires ont, d'une manière générale, interrogé beaucoup plus de sources que ceux ayant consulté des sources verbales et ainsi réalisé plusieurs activités de recherche d'information. Parmi les sources documentaires consultées, Internet prédomine et les réserves manifestées par les participants sur ce média sont nombreuses. Le jugement porté à l'égard des sources documentaires utilisées pourrait expliquer que les [End Page 451] participants aient consulté plusieurs sources, entre autres en butinant pour les différencier. Ainsi, les activités « butiner » et « différencier » ne concernent, également d'une manière générale, que les sources documentaires, qu'elles soient professionnelles ou profanes. À l'opposé, les informations obtenues par des sources verbales — principalement, mais pas uniquement les sources professionnelles — n'ont pas été remises en question par les participants. Ce résultat confirme aussi les conclusions de Hardey (2001) sur la confiance du public dans les professionnels de la santé, malgré la présence croissante de sources documentaires accessibles en santé. Les sources verbales profanes étaient des personnes de confiance pour les participants et n'ont pas non plus été remises en question.

L' information comme source d'automotivation

L'utilisation de l'information par les participants entre dans quatre catégories, selon les catégories définies par Taylor (1991), et elle dépend de plusieurs facteurs, dont le type de situation problématique vécue et le besoin informationnel exprimé. Les deux catégories les plus fréquentes, l'automotivation et l'acquisition de nouvelles habiletés, sont aussi identifiées par Falk, Stanger et Pederson (2006) comme étant très présentes chez les jeunes adultes. L'automotivation, tout d'abord, touche la moitié des participants et concerne dans l'échantillon les participants pour qui l'information obtenue a été une source de réconfort qui leur a permis de revenir à la normale. Sans parler directement de catégories d'utilisation de l'information, les résultats de Falk, Stanger et Pederson (2006, 34) indiquent que d'être rassuré sur son état de santé est l'une des raisons qui motivent le plus les jeunes adultes à consulter un médecin lors d'une situation problématique en santé sexuelle. Pour les participants de la présente étude, l'acquisition de nouvelles habiletés représente la deuxième catégorie d'utilisation de l'information, un résultat qui concorde également avec ceux de Falk, Stanger et Pederson (2006, 34) où l'acquisition de nouvelles stratégies concernant la protection contre les infections transmissibles sexuellement et une grossesse non désirée représente une seconde raison de consulter une source d'information en santé.

Limites de l'étude

Cette recherche possède des limites théoriques et méthodologiques. La première est inhérente à la nature du sujet. La santé sexuelle, en effet, demeure un sujet privé et sensible, voire tabou, pour une partie de la population et les recherches sur le sujet demeurent toujours tributaires [End Page 452] es données que les participants acceptent de transmettre au chercheur (Organisation mondiale de la santé 2006). Les participants étaient appelés à discuter d'une situation problématique au cours de laquelle ils ont pu avoir un comportement qu'ils ont à postériori jugé irresponsable ou honteux. À cet égard, il est possible qu'ils aient modifié la description de leur comportement pour présenter une meilleure image au chercheur. Pour limiter ce biais, le chercheur a indiqué aux participants en début d'entrevue qu'il ne cherchait pas à obtenir des détails sur leur santé sexuelle, mais sur le comportement informationnel rattaché à celle-ci.

Une seconde limite touche la transférabilité des résultats. L'approche qualitative de cette recherche visait la généralisation analytique des résultats de manière à comparer les résultats de l'analyse aux modèles existants et à des résultats d'autres études (Miles et Huberman 2003, 505-6). Par conséquent, les résultats obtenus ne sont pas propices à la généralisation statistique. En outre, la taille de l'échantillon, huit participants, n'a pas permis d'atteindre la saturation pour tous les codes. Les résultats caractérisent un groupe d'étudiants universitaires montréalais, francophones et âgés de 22 à 25 ans. Différents moyens ont par contre été mis en place pour assurer la qualité de la préparation et de la réalisation de la recherche, et les résultats pourraient être transférables à un groupe possédant des caractéristiques similaires.

Apports de la recherche et travaux futurs

Les résultats obtenus suggèrent que le modèle général de comportement informationnel de Choo (2006), développé initialement dans un contexte organisationnel, peut être utilisé dans le contexte personnel de la santé sexuelle. Les résultats appuient également le modèle d'environnement d'utilisation de l'information de Taylor (1968, 1991), intégré dans le modèle de Choo (2006), plus précisément en ce qui concerne les dimensions des situations problématiques et les catégories d'utilisation de l'information. Finalement, les résultats appuient aussi le modèle d'activités de recherche d'information d'Ellis (1989a, 1989b, 2005).

Cette étude ajoute également aux connaissances sur le comportement informationnel en matière de santé sexuelle, principalement en ce qui concerne les critères de sélection des sources d'information. Les résultats indiquent que les jeunes adultes interviewés savaient, de manière générale, quelles sources utiliser pour répondre à leurs besoins informationnels en santé sexuelle. Ils indiquent aussi que les deux principaux critères de [End Page 453] sélection sont l'accessibilité et la confiance. Or, la perception de l'accès à certaines sources, principalement à un professionnel de la santé, diffère d'un participant à l'autre. À cet égard, aucun participant ne semblait connaître la présence de la Clinique de santé de l'Université de Montréal, une ressource qui offre des services en santé sexuelle et pour laquelle ils ont un accès privilégié en tant qu'étudiants de l'institution. Par ailleurs, les jeunes adultes interviewés se sont en général montrés critiques quant aux contenus des ressources web en santé sexuelle. La difficulté de trouver des sources d'information en santé sexuelle jugées fiables sur Internet représente une barrière, bien qu'Internet semble représenter un média que les participants utilisent beaucoup.

Cette étude se veut un premier pas dans la description du comportement informationnel des jeunes adultes en matière de santé sexuelle. Cette première étape ayant été franchie, des recherches subséquentes pourront enrichir les résultats obtenus. Une meilleure connaissance des facteurs contextuels, cognitifs et affectifs qui entourent le comportement informationnel propre à la santé sexuelle pourrait aider à pallier les barrières rencontrées. Entre autres, une compréhension accrue des barrières et des facilitateurs lors de la recherche d'information permettrait la mise en place de ressources plus adaptées en ce qui concerne l'accès et le contenu.

Alexandre Fortier
Faculty of Information and Media Studies, University of Western Ontario
London, ON
afortie@uwo.ca
Christine Dufour and Pierrette Bergeron
École de bibliothéconomie et des sciences de l'information
Université de Montréal, QC

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