Abstract

Le projet de la littérature canadienne-française au XIXe siècle n'adhère pas à la pensée du roman, de sorte que la canadianité revendiquée par les romanciers québécois résume leur poétique dans le paradoxe suivant: repousser la fiction pour privilégier la « peinture vraie de la vie réelle » (selon l'expression de l'abbé Henri-Raymond Casgrain). Analyser ce lieu commun chez Aubert de Gaspé, père, l'auteur des Anciens Canadiens, constitue le sujet de cet article, mais le souci de vérité dans la représentation du milieu local est partagé par beaucoup de nos romanciers de cette époque. Dans la perspective qui est la leur, ces romanciers d'occasion (peu d'entre eux ont publié plus d'un roman) tendent moins à définir leur « conscience romancière » qu'à en rejeter la tentation, et c'est ainsi — nouveau paradoxe — qu'ils en viennent à s'approprier, en le tenant à distance, le genre romanesque qu'ils pratiquent pour le convertir et le naturaliser à la canadienne. À la différence toutefois de ceux-ci, Gaspé adopte une stratégie originale qui passe par la confession autobiographique et rappelle plutôt les codes romanesques du XVIIIe siècle. Malgré le laconisme du préambule des Anciens canadiens, il est possible d'y déceler certains éléments de la poétique mise en oeuvre dans ce roman. On y lità la fois la modulation personnelle d'une thématique de la faute et de la réparation doublée d'une transgression des règles du genre dans l'intention de rencontrer le goût particulier des lecteurs canadiens.

pdf

Share