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  • À L’ombre des Lumières, littérature et pensée françaises du xviiie siècle
  • Mladen Kozul (bio)
Trude Kolder et Svein-Eirik Fauskevag, éds. À L’ombre des Lumières, littérature et pensée françaises du XVIIIesiècle. Oslo: Solum Forlag, et Paris: L’Harmattan, 2008. 266pp. 29€. ISBN 978-82-560-1621-1.

S’agit-il encore d’une collection d’articles disparates sur le xviiie siècle français, comme il y en a tant? Mettons pour l’instant de côté leur qualité et leur originalité, on y reviendra. Le livre est potentiellement intéressant à un autre titre, même si cette potentialité n’est pas dûment explorée. Disons d’abord qu’il réunit la plupart des contributions aux deux colloques internationaux de 2007. Le premier, tenu à Trodheim, s’intitulait À l’ombre des Lumières. Le second a eu lieu à Paris et avait deux sessions: la première consacrée au thème Liberté et nécessité, la seconde à L’Autre dans l’ethnographie. Les trois parties du volume sont équilibrées et reprennent grosso modo cette répartition des matières.

L’intérêt du livre tient en partie, et c’est là la potentialité inexplorée, à la genèse des textes, idées et arguments qu’il développe, et dont renseigne l’avant-propos signé par les deux éditeurs. L’orientation générale des contributions trouve son origine dans le projet de recherche initié à l’Université des Sciences et Techniques de Norvège à Trodheim, intitulé Le Siècle de la liberté, en 1996. Une dizaine d’années plus tard, un autre projet, À L’ombre des Lumières, en a pris le relais. La succession de ces deux projets fait surgir quelques questions auxquelles on voudrait pouvoir trouver des débuts de réponse dans le livre même.

Ce livre tente-t-il de penser un désenchantement, en (re)traçant le chemin qui mène de la triomphale perspective pour laquelle le xviiie siècle était celui de la liberté, à une autre, selon laquelle il est plus intéressant, plus prometteur, plus important de focaliser ses ombres? Ses illusions, ses ratages? Marque-t-il un changement de perspective sur la littérature et la pensée françaises du xviiie siècle, serait-il le symptôme d’une relativisation de la portée des valeurs et attitudes des Lumières? Ou bien, plus prudemment et plus pragmatiquement, s’agitil simplement d’enrichir le débat et la panoplie des interprétations, de travailler à mettre en lumière justement ce qui n’y était pas, ni à l’époque ni dans la recherche récente, sans perdre de vue que le xviiie siècle reste dominée par la pensée des Lumières?

La lecture du livre fait hésiter entre l’impression que les éditeurs du volume, comme les auteurs des articles qui le composent, n’étaient que partialement ou pas du tout conscient de cet enjeu, et l’idée que le mérite de ce collectif consiste précisément à éveiller la conscience que, peut-être, la perspective dominante sur le siècle des Lumières, au moins à en juger par cette axe de recherche franco-norvégien, pourrait être en train de basculer. Cette deuxième option, se confirme-t-elle à [End Page 235] la lecture de l’ouvrage? Quel serait le basculement en question, si tant est qu’on puisse en anticiper un? La réponse à cette question ne peut être que partielle et mal assurée, et il serait naïf de vouloir la trouver dans ce volume seul. Tout porte à penser que celui-ci la fait effleurer malgré lui. Reste que l’article inaugural indique la volonté d’injecter dans ce recueil plus de cohérence que ce qu’on trouve habituellement dans ce genre d’ouvrages. Colas Duflo y développe l’idée même d’ombre des Lumières, oxymorique et « très mystérieuse » (14), et en propose trois interprétations. La première consiste à assimiler l’ombre aux adversaires des Lumières...

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