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  • Bentham et la France: fortunes et infortunes de l'utilitarisme
  • Edward Ousselin
Bentham et la France: fortunes et infortunes de l'utilitarisme. Sous la direction de Emmanuelle de Champs et Jean-Pierre Cléro. (Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 2009:09). Oxford: Voltaire Foundation, 2009. xvi + 314 pp. Pb £65.00; €76.00; $104.00.

Ce volume de SVEC réunit dix-neuf articles consacrés au principal théoricien, avec John Stuart Mill, de l'utilitarisme. Jeremy Bentham (1748-1832) est un auteur méconnu en France, son œuvre immense ('UCL Bentham Project' a publié vingt-cinq volumes de ses œuvres complètes, sur soixante-dix prévus) étant le plus souvent réduite au concept du panoptique. Ce que Bentham présentait dans les Panopticon Letters (1787) comme 'a simple idea in architecture' a plus tard été réinterprété par Michel Foucault, qui 'a rendu un grand service au panoptique en le tirant de l'oubli dans lequel il était tombé, mais il l'a également desservi en en faisant uniquement un outil disciplinaire' (Cyprian Blamires, p. 108). Paradoxalement, si Bentham a pu être longtemps oublié en France, c'est surtout à travers les traductions — ou adaptations — en langue française du Genevois Étienne Dumont que la pensée de l'auteur britannique est initialement devenue accessible (y compris, à travers des retraductions, dans le monde anglophone) au début du dix-neuvième siècle. La deuxième des quatre parties de ce livre est d'ailleurs consacrée au rôle qu'a joué Dumont en présentant Bentham 'en analyste et en réformateur des lois existantes, armé du principe d'utilité' (Frederick Rosen, p. 89). La fameuse formule qui est à la base de l'utilitarisme, 'le plus grand bonheur du plus grand nombre', fournit un fil directeur à un corpus benthamien multiforme, dont la portée intellectuelle s'étend de la philosophie du droit à la science politique, de la critique économique à la réforme sociale, et qui a constitué une référence marquante pour un nombre non négligeable d'auteurs français. Mentionnons en particulier les deux articles de Bentham et la France traitant des divergences entre le libéralisme de Benjamin Constant et l'utilitarisme de Bentham (Marie-Laure Leroy; Joël-Thomas Ravix et Marc Deschamps). On trouvera également dans ce volume des articles consacrés à la rencontre de l'œuvre benthamienne par Saint-Simon (Michel Bellet), Élie Halévy (Emmanuelle de Champs), Jacques Lacan (Jean-Pierre Cléro) et bien sûr Foucault. Ce dernier article rappelle par ailleurs que 'les nouvelles études benthamiennes ont pris une grande distance avec l'image laissée par [Surveiller et punir (1975)] d'un Bentham théoricien d'une société disciplinaire' (Christian Laval, p. 275). Auteur de grands projets réformateurs, Bentham, qui était en ce sens un représentant typique du grand mouvement des Lumières européennes, a participé aux débats suscités en Grande-Bretagne par les diverses phases de la Révolution française, les plus célèbres de ces débats mettant aux prises Edmund Burke et Thomas Paine. L'article de Philip Schofield retrace les prises de position de Bentham, suggérant que si durant la Révolution le pourfendeur de la théorie des droits naturels ('Nonsense upon Stilts', pour reprendre son titre de 1795) 'se serait converti à une idéologie particulière, c'est à un certain type de conservatisme politique' (p. 67). Souvent passionnant, ce volume ne répond cependant que partiellement à la question posée dans la préface (p. xiii): 'pourquoi l'utilitarisme s'est-il montré si peu exportable en France, théoriquement et pratiquement, pendant de longues décennies?'.

Edward Ousselin
Western Washington University
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