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  • Poétique de la maison-musée (1847–1898). Du réalisme balzacien à l’œuvre d’art « décadente »
  • Janice Best
Bourgeois, Bertrand. Poétique de la maison-musée (1847–1898). Du réalisme balzacien à l’œuvre d’art « décadente ». Avant propos de Jean-Louis-Cabanès. Paris : Éditions L’Harmattan, 2009. Pp. 332. ISBN 978-2-296-06936-7

Bertrand Bourgeois aborde la poétique de la maison-musée par une approche analytique et narratologique, cherchant à établir une généalogie de l’esthétique de la “maison- musée” et des collections privées dans la littérature de la seconde moitié du xixe siècle. L’apparition du concept de la maison-musée au xixe siècle peut être vue comme une subversion de la domesticité du xviiie siècle, qui s’oppose à son tour au modèle de la demeure aristocratique. Si l’espace domestique aristocratique est caractérisé par la magnificence et l’ancestralité, l’espace domestique bourgeois se caractérise par sa fonctionnalité. En revanche, la maison-musée se présente comme une subversion décadente de la maison bourgeoise où la valeur fonctionnelle des objets est niée au profit d’une valeur esthétique et mémorielle.

Le corpus qu’étudie Bourgeois se compose d’un ensemble de textes romanesques qui décrivent des maisons-musées (Le Cousin Pons de Balzac, Bouvard et Pécuchet de Flaubert, La Maison d’un artiste d’Edmond de Goncourt et À rebours de Huysmans) et de deux domiciles transformés par leurs propriétaires en musées privés (le musée Jacquemart-André et le musée Gustave-Moreau).

La notion d’ “hétérotopie” élaborée par Foucault (qui désigne des espaces “autres”, à la fois réels et irréels) est un concept théorique majeur pour Bourgeois. Car la maison est un lieu de vie privé, où l’individu se trouve à l’abri des regards extérieurs, tandis que le musée est un lieu ouvert où l’on expose des objets au public. La valeur de l’objet dans le lieu hybride de la maison-musée est donc équivoque. Dans une maison, chaque objet a une fonction domestique, mais dans le musée les objets perdent leur valeur d’usage. Ils ne sont là que pour être exposés. Cette hybridité des objets distingue la maison-musée du musée public moderne. Par son accumulation d’objets, ainsi que par la juxtaposition de différents styles architecturaux d’une variété d’époques et de cultures, la maison-musée a une temporalité plurielle à laquelle s’ajoute celle du collectionneur lui-même, son passé personnel.

Après avoir dégagé les caractéristiques spécifiques de la maison-musée, Bourgeois analyse les représentations littéraires du musée. Le texte littéraire met en jeu plusieurs oppositions, notamment celles entre le public et le privé, l’art et la société, le langage et la réalité. Chaque fois qu’un personnage visite une maison-musée sa clôture est menacée. Par conséquent, dans certaines maisons-musées, comme dans la Maison d’un artiste ou dans À rebours, seul le lecteur est admis comme visiteur. La mise en œuvre d’une maison-musée dans ce cas est un geste narcissique. Certains personnages se constituent, en revanche, comme objet de collection eux-mêmes, tel le cousin Pons chez Balzac. D’autres, tels Bouvard et Pécuchet, s’autoproclament muséologues et font visiter leur collection privée. Mais les objets collectionnés par les deux commis sont d’une banalité et d’un kitsch absolus. Leur manque de rareté les pose non pas comme objets de valeur, mais comme les débris insignifiants d’un monde incohérent. Cette explosion du réalisme traditionnel lui substitue un discours et une esthétique fragmentaires et hybrides, faisant de Bouvard et Pécuchet un précurseur du roman décadent de la fin-desiècle. [End Page 165]

La Maison d’un artiste de Goncourt et À rebours de Huysmans remettent en question la...

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