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Reviewed by:
  • Génération MLF 1968-2008
  • Françoise Picq
Antoinette Fouque et alii.- Génération MLF 1968-2008. Paris, Éditions des femmes-Antoinette Fouque, 2008, 614 pages.

À l'automne 2008, les Éditions des femmes-Antoinette Fouque publient Génération MLF 1968-2008, comme un prolongement aux célébrations du quarantième anniversaire de Mai 68. La controverse sur la date d'anniversaire ne doit pas nous empêcher de lire cet ouvrage pour lui-même, dans ses apports et ses lacunes. C'est incontestablement un travail important, présentant la vision de l'histoire d'une composante originale du mouvement des femmes en France. Celle-ci s'appuie sur une méthodologie particulière d'écriture de l'histoire qu'on discutera avant d'envisager certains moments charnières.

Génération MLF 1968-2008 a l'ambition de faire l'histoire à partir de témoignages. « Et nous avons été confirmées dans notre démarche par le fait que la vérité historique de Shoah, le film de Claude Lanzmann […] composé uniquement de témoignages, n'est pas contesté aujourd'hui » (p. 8). On reste confondu devant cette comparaison entre les témoignages bouleversants que Claude Lanzmann a réussi à faire émerger au cours d'une gigantesque enquête et le recueil des souvenirs d'un certain nombre de femmes répétant le même discours convenu. D'autant que la plupart d'entre eux, très personnels, n'apportent guère d'informations sur les faits. Ils évoquent, année après année, la première rencontre avec Antoinette Fouque – qui aurait changé leur vie – la découverte de « Psychanalyse et Politique » : cette articulation-là du privé et du public, de la sensibilité et du politique, était la voie royale de la « révolution » (p. 131). Chacune dit son immense admiration pour la figure dominante du groupe : « Elle a le génie de la vie. C'est avec ce génie qu'elle a créé le MLF… Il fallait son intelligence, sa poésie, pour penser le Mouvement à partir de la procréation et inventer la géni(t)alité » (p. 98). Et sa reconnaissance d'avoir redonné « à la capacité procréatrice des femmes la valeur fondatrice d'une identité d'altérité » (p. 132). Plus que dans les témoignages, la richesse et l'utilité de l'ouvrage se trouvent dans la chronologie, qui de 1968 à 2008, recense les actions du MLF et les replace dans le contexte politique général : événements historiques, lois et réformes intéressant la condition des femmes. Et dans les documents (tracts, bulletins internes, articles de presse) et photos qui illustrent l'histoire. Les auteures ont choisi, disent-elles, de mentionner « les actions marquantes de celles qui, au mouvement, se sont revendiquées de la tradition féministe ». Effectivement la chronologie intègre de [End Page 127] nombreuses actions d'éclat du Mouvement des femmes, et donne l'impression d'un mouvement dynamique et divers. Mais avant 1970 et à partir de 1976, des oublis ou des glissements recomposent une histoire qui n'est plus celle du Mouvement de libération des femmes tout entier.

Militantes et historien(ne)s s'accordent généralement à considérer 1970 comme l'« Année zéro » du mouvement des femmes en France, ainsi que le proclamait la première publication collective11, et citent les diverses manifestations qui l'ont alors fait apparaître. Face à ce consensus, les auteures rétorquent qu'il ne faut pas « faire passer ce baptême médiatique pour la naissance du MLF » (p. 51). Celui-ci, disentelles, a été créé en 1968 par la rencontre entre Antoinette Fouque et Monique Wittig et leur décision « dans la foulée et contre Mai 68 » de créer un groupe de femmes (A. Fouque, p. 19). Cette « naissance du MLF » en 1968 est attestée principalement par A. Fouque ; Josiane Chanel se bornant à raconter comment elle a « présenté Monique Wittig à Antoinette Fouque » en janvier 1968. Toutes deux laissent pourtant entrevoir les conflits précoces entre ces deux protagonistes12. La chronologie fait état, en Mai 68, à la Sorbonne, d...

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