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  • Un cartel parfait. Réseaux, R&D et profits dans l'industrie suisse des câbles
  • Denis Varaschin
Alain Cortat.- Un cartel parfait. Réseaux, R&D et profits dans l'industrie suisse des câbles. Rennes, Neuchâtel, Éditions Alphil - Presses universitaires suisses, 2009, 624 pages.

Auteur prolifique, Alain Cortat livre auprès d'une maison d'édition qu'il a créée, et qu'il dirige, sa thèse de doctorat en histoire préparée sous la direction du professeur neuchâtelois Laurent Tissot et soutenue en 2008. Le travail s'en remet avec sérieux et application aux approches et méthodes désormais classiques dans le domaine de l'histoire économique. Il atteste également l'assimilation d'une riche, mais fatalement incomplète, bibliographie en langues anglaise, allemande et française. La recherche repose sur les archives des deux principales entreprises suisses, installées dans le Jura romand, Cortaillod (fondée en 1879, SECE) et Cossonay (1898, SACT) qui dominaient la production nationale de câbles et de fils isolés. La construction de l'ensemble selon un plan thématique en cinq parties hache quelque peu le fil de l'analyse historique, mais possède sa logique. Enfin, bien plus que la simple étude d'ententes nées de la deuxième industrialisation, cet ouvrage propose l'histoire en longue durée, du milieu du XIXe siècle aux années 1980, d'une branche longtemps négligée, la câblerie. Il reconstitue ainsi la stratégie des entreprises suisses face aux cartels et les effets des cartels sur les entreprises suisses.

Une introduction pose le sujet dans l'histoire – avec une approche nuancée du poids de la conjoncture dans la constitution des cartels – et l'historiographie – en rappelant un goût du secret qui les a laissés dans l'ombre et a parfois conduit à minimiser leur rôle, tout en prenant soin de distinguer approches économiques et historiques, européennes (surtout allemandes en l'occurrence) et nord-américaines.

Le foisonnement entrepreneurial des débuts, à l'origine d'entreprises de taille petite et moyenne ouvertes à l'international jusqu'à la Première Guerre mondiale pour échapper à l'étroitesse du marché national, puis la concentration dans un groupe organisé par le duopole SECE-SACT, offre un tableau nécessairement descriptif et morcelé, mais où l'information s'offre dense et éclairante pour les analyses à venir. Pendant plus d'un demi-siècle, l'ensemble constitué n'est pas couronné par une direction centralisée et la coordination de l'action des partenaires apparaît pour le moins limitée. La cohérence repose sur quelques dirigeants (Eugène et Marcel de Coulon puis Rodolphe Stadler), le rapprochement des industriels des câbles et des métaux non ferreux, et les cartels qui stabilisent les marchés tout comme les structures entrepreneuriales. À partir des années 1960 seulement, les nécessités comptables d'abord puis la complexification de l'environnement économique imposent un nouveau mode de gestion qui passe par un renforcement significatif de la coordination.

Les réseaux d'entrepreneurs et de financement des entreprises, qui favorisent les accords de cartel et finissent par former système, complètent l'approche engagée. De ces pages émergent les voies de la formation et de la confortation d'une élite des affaires. Dans le domaine familial, tout part d'Édouard Berthoud (1845-1921), fils de Louise de Coulon et mari d'Adeline de Coulon, famille essentielle à la fondation des câbles de Cortaillod. Par la suite, les entrelacs noués autour d'Eugène de Coulon [End Page 109] (1874-1958, président de la SACT de 1923 à 1958) et de Rodolphe Stadler (1891-1978, président de 1958 à 1973) ressortent fondamentaux tant pour les entreprises étudiées que pour l'industrie suisse romande et le cartel international. Banquiers souvent venus du grand commerce, capitalistes issus de la première industrialisation et ingénieurs par lesquels le renouvellement des élites passe largement, à l'image de François Borel et de Jean-Marcel Aubert, complètent les fauteuils des conseils d'administration. Le poids de la commande publique, le souci...

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