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Reviewed by:
  • Le Sari Vert
  • Rohini Bannerjee
Devi, Ananda. Le Sari Vert. Paris: Gallimard. 2009. ISBN 9782070302185. 215 p.

Avec Le Sari Vert, Ananda Devi livre son quatorzième roman dont la voix principale n’est pas celle entendue dans ses récits précédents. Au lieu d’une voix féminine réduite au silence par la violence masculine, la plume de Devi plonge [End Page 285] brillamment dans la psyché narcissique d’un vieux médecin, le “Dokter-Dieu” Bissam Sobnath de Curepipe à l’Ile Maurice. C’est à ce personnage très antipathique que Devi confie les rênes de l’histoire. D’un côté admiré par ses patients et la communauté, c’est celui qui “[. . .] possédait toutes les réponses, détenait les clés de toutes les guérisons” (34), il est en réalité, une fois rentré à la maison, d’une brutalité choquante, ce qui n’est pas sans créer la surprise pour le lecteur. “Mes poings se refermaient tout seuls dès que je franchissais la porte d’entrée” (126).

Cet octogénaire, aux frontières de la mort — “comme un pantalon qui se déchire au mauvais endroit pour révéler nos indignités” (22) — offre, tout au long de son monologue assurément véhément et masculin, toutes sortes de justifications pour exprimer son mépris des femmes, “cette sorcellerie de la nature féminine qui subjugue les hommes [. . .]” (23). Et surtout, il ne cache jamais sa haine pour les trois femmes qui l’entourent mais dont, ironiquement, il a besoin pour éviter la solitude de son agonie, ce “cafard entré dans mes veines et qui circule à présent dans mes organes” (42) et pour ensuite mesurer l’importance de sa propre existence à travers le mal qu’il leur impose. Réduit à garder le lit à cause du cancer qui le ronge, Sobnath se justifie d’avoir fait souffrir son épouse dont le nom n’est jamais prononcé, et qui est morte tragiquement à un jeune âge. “Violence? Peut-être était-ce elle qui l’exigeait. Pourquoi n’aurait-elle pas changé, puisque cela lui aurait permis d’éviter les coups?” (125). Après la mort de sa femme, l’homme s’en prend tout naturellement à sa fille Kaveri, mieux connue sous le nom de “Kitty,” enfant élevée dans le silence de sa défunte mère. Alors que son père est en train de mourir, Kitty se renseigne sur la mort mystérieuse de sa mère et se demande si son père n’est pas responsable. Sa troisième victime est Malika, sa petite-fille ouvertement lesbienne et qui incite sa mère à se remémorer les actions du passé, malgré la résistance de son grand-père, “Je crois qu’il est temps de dessiller tes yeux, gramps, comme on dirait en anglais, gramps, c’est mieux que grand-père [. . .]” (172). Tout est mis en place pour aider à mieux comprendre la haine qui continue à sourdre du corps de “Dokter Bissam.” Les trois femmes, malgré le fait qu’elles sont méprisées par ce “Dokter-Dieu,” réussissent à survivre à l’abus et la torture; elles résistent à travers le silence, “parfois les esclaves finissent par se libérer [. . .] parce qu’un jour, ils comprennent que le maître, ce n’est pas celui qui manie le fouet, mais leur propre terreur” (199). Leur résistance est une sorte de tactique de silence stoïque qui rend furieux le cruel Sobnath. Ainsi, dans le cas de son épouse, on lit: “[. . .] ne me rendant même pas compte qu’après le premier cri de surprise elle n’avait plus crié ni protesté” (28). Devi ne fait pas autre chose que de démontrer la beauté de l’humanité et la puissance de la femme.

Il est clair que le vieux médecin est un tyran domestique, “c’est que certains pensent comme moi, exactement comme moi, mais ils n’osent pas le dire.” (88) Cependant, il devient le véhicule par lequel le lecteur essaie de comprendre [End Page 286] l’existence de la violence dans le monde entier, “Un...

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