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  • Amérique du nord: Québec
  • Jean Levasseur

Œuvres de création

Awumey, Edem. Les Pieds sales. Montréal: Boréal, 2009. ISBN 978276460681. 160 p.

Il n’est sans doute de meilleur exemple de la mondialisation en littérature que ce roman d’Edem Awumey, d’origine togolaise, résidant au Québec, et dont l’ouvrage paraît simultanément à Montréal (Boréal) et à Paris (Seuil). Qualifié à juste titre, par nombre de critiques, de roman de l’errance, Les Pieds sales plonge le lecteur au milieu d’une étrange histoire au rythme lent, mélancolique presque, centre autour de la quête du père; une histoire dont le lecteur n’apprend les débuts que par bribes, toujours incomplètes, portant le plus souvent à confusion, ou plutôt, des bribes ombragées lui offrant plusieurs interprétations possibles, jusqu’au dénouement final surprenant et à sa façon, choquant. On y ressent là toute l’influence stylistique d’un Tahar Ben Jelloun, ami de l’auteur qui, dans le cadre du mécénat artistique Rolex, lui servit de mentor pendant un an, mais aussi celle de quantité d’écrivains africains dont l’indicible se veut la pierre angulaire de leur imaginaire. À travers l’intense symbolisme du taxi, qui ne peut échapper au lecteur, le jeune Askia recherche désespérément, dans le cosmopolite Paris, son père depuis longtemps disparu, et dont la flamme a soudainement repris vie grâce à un commentaire en apparence anodin émis par une passagère: “Vous ressemblez à quelqu’un. Un homme au turban qui a posé pour moi il y a quelques années” (11), une image qui poursuivra Askia, et que lui-même poursuivra, tout au long du récit. Le protagoniste vit et apprend ainsi peu à peu combien on ne peut échapper à son passé, et combien le passé ne peut non plus nous échapper. Awumey a obtenu le Grand prix littéraire de l’Afrique noire pour son premier roman Port-Mélo, paru en 2005, et Les Pieds sales fut nominé pour le prestigieux prix Goncourt 2009.

Brochu, André. Cahiers d’Icare. Montréal: Triptyque, 2009 . ISBN 9782890316683. 106 p.

La poésie québécoise traverse une période difficile. Faute de contacts avec son public, et conséquemment faute de lecteurs, elle est devenue, au cours des trente dernières années, l’apanage des initiés et de l’hermétisme idéalisé. D’un côté, une poésie descendante du surréalisme, illisible et, par définition, géniale dès le premier jet et, de l’autre, une réflexion banale occultée derrière un formalisme et que l’on intellectualise et transforme en profondeur et universalisme transcendant. Le milieu universitaire, d’où provient la presque totalité de ses auteurs, [End Page 222] est sans nul doute en bonne partie responsable de cette triste situation, qu’elle reproduit et nourrit comme une nouvelle secte millénariste. Il est donc ironique que nous arrive soudainement, de la plume d’un professeur retraité de l’Université de Montréal, un fascinant petit ouvrage de poésie qui fait fide toutes ces modes et de toutes ces tendances. Se proposant d’explorer les contraires relatifs, l’un et l’autre, le jour et la nuit, l’envolée et la chute d’Icare, Brochu parvient ici, avec un minimum de recherche formelle, à transmettre ses idées par le biais d’images linguistiquement originales, durables et percutantes: “Ami, quand tu étais / beau et pareil / à une vive passe d’escrime / à un passage découvert / à une aurore magnétique / je lisais sur ton front l’avenir / et le décret de nos émois” (19). Cahiers d’Icare présente une vision contemporaine de notre monde, de ses malheurs, de sa solitude, de ses misères, et quelquefois de ses instants de chaleur. Un recueil qui mérite la lecture et la relecture.

Desjardins, Martine. Maleficium. Québec: Alto, 2009. ISBN 9782923550275. 187 p.

Rares — et c’est là l’une des grandes tristesses de ce monde aujourd’hui obsédé par le vécu, le témoignage, l’autofiction et les tél...

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