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  • Afrique subsaharienne
  • Karen Bouwer

Œuvres de création

Beyrouk. Nouvelles du désert. Paris: Présence Africaine, 2009. ISBN 9782708707993. 140 p.

Au départ, on se demande si toute la collection de vingt nouvelles ne serait qu’une longue plainte soutenue: la ville est ce lieu maudit qui aspire les enfants du désert pour les laisser pourrir dans les bicoques de la misère citadine tout en détruisant le mode de vie millénaire de ceux qui vivent sous les tentes. Mais Beyrouk agence bien l’expérience et les attentes du lecteur. Si certaines des nouvelles créent des polarités assez élémentaires (une jeune femme rejette son ami hautain et aliéné dans “Faux retour,” un couple sombre car Suzanne, l’Européenne, n’arrive pas à rejoindre son époux dans son monde à lui dans “Le malentendu”), d’autres histoires représentent toutes les pulsions humaines dans une grande diversité d’espaces mauritaniens. Dans “Elle n’ira pas en ville,” un jeune homme amer et désillusionné détruit les chances d’une jeune femme qui voudrait continuer ses études en ville. Feignant “la suprême indignation,” le protagoniste évoque les dangers de la ville et jouit de son “contentement vicieux” d’avoir tranché la question au conseil des sages (18). Le monologue intérieur du narrateur dans “Petites ambitions” révèle un homme qui, tout en pestant contre “la salissante promiscuité des transports en commun” (35) où il est obligé de côtoyer la populace “insupportable,” rêve d’écrire un article ayant pour titre “Délicieuse démocratie” (26)! Deux nouvelles introduites vers la fin de la collection évoquent la vie des nomades du désert sans l’idéaliser. Dans “Le sang de l’honneur,” plusieurs vies sont détruites quand un incident anodin entre policiers et jeunes hommes qui se baignent à l’oasis tourne mal. Dans l’autre histoire, on observe les prétextes et raisonnements qui précèdent la guerre entre deux tribus. La question “au nom de quoi brûlerez-vous des tentes?” (97) hante la conscience du narrateur qui évoque les relations amoureuses entre les hommes et femmes des deux tribus. Mais, apprend-on, les aïeux exigent leur quota de haine: “Sous les tentes d’Oulad Seloum sècheront les poèmes. Les plus gracieux des corps se tordront d’angoisse.” Rares sont les voix mauritaniennes qui se font entendre en français malgré la réputation du pays comme terre d’un million de poètes. AprèsEt le ciel a oublié de pleuvoir (2006), récit à quatre voix, les nouvelles offrent au journaliste et chroniqueur culturel Beyrouk l’occasion de développer toute une gamme de voix narratives engageantes. [End Page 195]

Bofane, In Koli Jean. Mathématiques congolaises. Arles: Actes Sud, 2008. ISBN 9782742774579. 318 p.

Équations implacables qui gèrent la vie des Kinois vaquant à la survie pour reprendre l’expression de l’auteur (14). Néanmoins, pour le protagoniste de ce roman Célio “Mathématik,” le savoir des algorithmes, même parfois “un peu merdiques” (10), est une grande source de consolation car “l’Abrégé de mathématique à l’usage du second cycle de Kabeya Mutombo, édition 1967” est l’unique héritage que cet orphelin tient de son père assassiné. Les titres des chapitres (j’en cite quelques-uns) en disent long sur l’approche ludique du romancier qui présente les dures réalités quotidiennes, les manipulations politiques meurtrières et l’éternelle débrouillardise des Congolais sans perdre son sens de l’humour: La Sarabande des nombres, Apologie de la soustraction, Les Algorithmes nocifs, Les Coefficients du chaos, Les Courbes décisives. Dans le récit construit comme un polar, nous retrouvons politiciens, agents de sécurité (parmi eux d’anciens enfants-soldats orphelins), féticheurs, mères de famille, femmes trompées qui savent tirer profit de leur malheur, vieillards ressassant le passé et les anciennes coutumes, prêtres, et jeunes chômeurs dont les scrupules fondent “comme le salaire moyen d’un travailleur kinois, un jour de paie” (13). Lecture entraînante qui transporte le lecteur sur les lieux. Un...

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