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Reviewed by:
  • Pierres de touche. Essai
  • Claudine Potvin (bio)
Roland Bourneuf , Pierres de touche. Essai, Québec, L'instant même, 2007, 402 p., 35$

« Pierres de touche », selon le Petit Robert, renvoie à un ensemble de fragments de jaspe utilisés pour le traitement de l'or et de l'argent et « jaspe » à une roche siliceuse à base de quartz à calcédoine finement rubanée, [End Page 121] colorée en vert, rouge, brun ou noir. En donnant à son essai ce magnifique titre, Roland Bourneuf repense les œuvres qui ont marqué en partie sa démarche académique et ses découvertes de lecteur en termes de pierres précieuses d'une transparence laiteuse, légèrement teintées. Dans cet essai monumental, d'une prose élégante, l'écriture et la mémoire des livres suggèrent à travers ces « pierres de touche » la solidité de la pierre, la richesse et la nuance de la couleur, un ton, un style, une substance, une structure, un contenu, autant de modes pour se remémorer les livres qu'on a lus, les auteurs qu'on a grandement aimés.

Pierres de touche offre avant tout une réflexion sur le processus de lecture, sur le langage et surtout sur la connaissance de soi. Ouvrir les pages de ce livre, c'est s'engager dans les couloirs d'une immense bibliothèque en s'arrêtant aux étagères de tel ou tel écrivain, de tel ou tel genre. Ainsi, sous la plume de Bourneuf, renaissent le roman, l'essai, des recueils de poésie, des autobiographies, des pièces de théâtre, etc. Plus qu'un ouvrage critique, l'auteur présente un commentaire personnel, décrivant le lien entre le livre et le lecteur d'antan qui a justifié cette boulimie livresque de l'enfant, de l'adolescent et de l'homme.

Il ne s'agit donc pas ici d'une histoire ou d'un manuel littéraire. Au contraire, une sorte d'éparpillement, un jet impulsif, un retour sur le texte, constituant des pistes de lecture incarnées dans un vécu, un passé, une passion. Aucun ordre chronologique per se, aucune logique, apparente mais une organisation plutôt floue. L'écriture procède ainsi du désir de se pencher sur un moi/lecteur que la vie a fabriqué au fur et à mesure qu'une suite de paragraphes écrits par les autres s'inscrivent dans la subjectivité du récepteur. Bourneuf résume l'objectif de son ouvrage en ces quelques lignes : « [ j]e veux m'interroger, en liberté, à partir de ma propre expérience, sur les échos plus secrets, parfois insaisis-sables, de quelques livres-témoins », ce à quoi il ajoute : « Je ne prétends ni ne cherche à renouveler l'interprétation des œuvres que j'évoque, mais je veux présenter un point de vue, en suivant la dictée de l'intuition, le jeu des attirances, complétés par la réflexion ». Dans ce cadre surgiront les souvenirs, les impressions, les notes alors que se dévoile et se recrée le mythe personnel : « Je veux dans ces pages donner voix et préférence à la mienne, me défiant des généralisations et de l'extrapolation, mais sans être assuré de toujours garder cette prudence. . . ». L'intention semble fort louable et débouche sur une conception de la lecture qui conserve une distance heureuse avec les mots et avec le temps de l'acte de lecture.

Au départ, Bourneuf imagine une compilation d'une vingtaine d'œuvres, mais finit par accumuler quelques centaines de titres au point d'énumérer parfois dans une seule page une cinquantaine de noms d'auteurs. L'essayiste passe donc des premières lectures de l'enfance à la pensée de l'âge adulte, s'intéressant aux littératures française, anglaise, [End Page 122] allemande, russe, orientale, etc. Certaines thématiques servent de prétexte à l'évocation de romans ou de personnages privilégiés (chapitres sur la guerre, le voyage, la nature, l'introspection intérieure), ou encore certaines sections donnent lieu à un commentaire sur un auteur particulier (Julien Gracq, Ernst Jünger). Plus d...

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