Histoire d'enfants. Représentations et discours de l'enfance sous l'Ancien Régime (review)

L'enfance émeut, ne laisse que rarement indifférent. Ce serait là l'héritage de Rousseau, des Romantiques et de la psychanalyse, tous prompts à faire de cette créature que nous fûmes un jour, le lieu d'une pureté, d'une vérité ou d'un inconscient originels. Aussi est-ce avec une hâte non dissimulée, prise nous-même par cette curiosité, cet attendrissement très contemporains pour la chose enfantine, que nous nous sommes plongée dans la lecture du collectif Histoires d'enfants. Représentations et discours de l'enfance sous l'Ancien Régime. Édité par les soins d'Hélène Cazes, ce florilège d'études interdisciplinaires portant sur des textes du Moyen Âge au XVIII^e siècle - avec une nette prédominance des corpus renaissants - est précédé d'une belle et fort utile introduction dans laquelle sont évoquées toutes les difficultés guettant le chercheur en quête de ces vestiges d'un autre temps : « D'emblée, le discours sur l'enfance est distancié : l'enfant est l'objet de discours qui ne sont jamais les siens et qu'il ne possède, justement, qu'au sortir de l'enfance et l'enquête sur l'enfant bute sur l'impossibilité de ne jamais rejoindre son matériau premier ; faites de lectures, de déchiffrages, de paroles rapportées, d'images, d'écritures, les études sur l'enfance courent sans cesse le risque de manquer ou d'inventer leur propre matière. » Autant de discours en lieu et place d'un absent souvent sans parole (in-fans), objet bien plus que sujet d'une multitude de gloses et portraits. De ces discours, Philippe Ariès a été l'un des premiers à faire son miel et à constituer un objet d'étude pour laisser l'ouvrage fondateur que l'on sait (L'enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime, 1960). Hélène Cazes salue au passage celui qui a su montrer combien la notion actuelle d'enfance est une création de l'imaginaire moderne, et inspirer une quantité toujours croissante de recherches - et de polémiques - dont la bibliographie critique et l'état de la question rendent ici compte.

Ce terme d'enfance, que désigne-t-il exactement ? La définition pose problème, tant il est vrai que fluctuent les bornes du premier âge. Selon l'ouvrage consulté, l'enfance pourra inclure ou exclure l'adolescence, voire se prolonger jusque dans la vingtaine. Mais c'est justement à cette hétérogénéité que s'intéresse le présent volume : « [. . .] une enquête sur les discours et les images fournira non pas une définition, mais une histoire des définitions, chaque fois singulières et chaque fois en contexte. » Du reste, l'ambition des collaborateurs n'est pas de retracer les contours d'individus historiques (les enfants ayant réellement vécu sous l'Ancien Régime), mais de dire quelque chose des regards alternativement posés sur eux (ou sur l'idée d'enfant), donc de saisir des visions de l'homme et du monde à l'œuvre : « [. . .] les sources littéraires et artistiques, prises pour ce qu'elles sont essentiellement - à savoir des représentations -, acquièrent une saveur et une valeur inédites: loin d'être prises comme les témoignages prétendument transparents d'une réalité perdue, les œuvres intéressent le propos de l'enfance en tant qu'elles traduisent, construisent et utilisent des types imaginaires [. . .]. »

Composé d'une vingtaine d'articles, le collectif est organisé en six parties où la chronologie cède le pas à un classement thématique. Sous le titre « Débuts : topique de l'enfance » sont réunies...