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Reviewed by:
  • Heureux les nomades et autres reportages. 1940-1945
  • Nicole Côté (bio)
Gabrielle Roy , Heureux les nomades et autres reportages. 1940-1945, s. la dir. d'Antoine Boisclair et François Ricard, avec la collaboration de Jane Everett et Sophie Marcotte, Montréal, Boréal, coll. Cahiers Gabrielle Roy, 2007, 440 p.

Ces petits bijoux de reportage de Gabrielle Roy pour le Bulletin des agriculteurs, écrits durant la Seconde Guerre mondiale, ont, comme les [End Page 112] directeurs le mentionnent dans leur utile et inspirée Présentation, démarré sa carrière littéraire, lui offrant le loisir de travailler son style et de voyager en touchant un salaire régulier. Ce qui voulait dire délaisser le Manitoba et le poste d'institutrice qu'on lui offrait.

Ont été sélectionnés vingt-huit des quarante reportages écrits pour cette revue, dont les intérêts étaient plus larges que leur titre ne le laisse entendre. Les reportages choisis sont tous des extraits d'ensembles plus vastes et portant les titres : « Tout Montréal », « Ici l'Abitibi », « Regards sur l'Ouest » et « Horizons du Québec ».

Ces reportages surprennent par la profondeur de leur érudition. Roy accompagne toujours son reportage sur une catégorie d'humains - qu'elle soit liée à leur emploi ou, dans le cas de celui qui donne son titre à ce recueil, de leur ethnie - d'une contextualisation historique, géographique, sociopolitique des plus riches. Si ce n'était du grand intérêt de Roy pour la psychologie de ses personnages, on croirait lire le Trevelyan de A Social History of England. En effet, Roy donne de la vie quotidienne de ces gens pauvres une épaisseur fourmillante de détails qui ramène le lecteur actuel à un autre état du monde : ces reportages sont aujourd'hui devenus de réels documents ethno-historiques. On s'émerveille qu'à une tâche aussi simple que celle d'écrire pour le Bulletin des agriculteurs, Roy se soit attelée avec le zèle d'un Zola.

Dans la section sur Montréal, par exemple, faisant ressortir en quelques traits l'instinct de bricoleur des plus démunis, Roy nous convie à une célébration du courage devant l'adversité autant qu'à une fête des sens: ainsi, dans l'Est de Montréal, elle remarque un terrain vague « entre le remblai d'une voie ferrée et le dos des maisons » ensemencé autour duquel « court une clôture bizarre [. . .] tous les morceaux rouillés, tordus de couchettes s'y enchaînent pour former une frêle barricade. Et au-delà de cet enclos d'épaves intimes, les bienfaits de la terre ! » Elle y aurait causé « avec un Polonais qui a là sa petite maison, une cour dallée, son clapier et son pigeonnier. Il y vit comme le Robinson de Paris, n'ayant mis les pieds en ville depuis des années ».

Le charme du style inimitable de cette Roy débutante, agrémenté de surprenantes associations d'images, est aussi en partie dû à son vaste vocabulaire, puisé, un peu comme celui de Rabelais, dans un éventail de registres, de géographies et d'époques : ainsi, dans la même page de cette section sur Montréal, on trouve le charme nostalgique des « bateleurs houspillés par la police » et le sentiment de touristes « égarés dans une forêt d'escaliers », rue Saint-Denis. On peut d'ailleurs se demander ce qu'il resterait des pauvres de Saint-Henri ou de certains quartiers de l'Est de Montréal si Roy ne nous avait sensibilisés à leurs espoirs comme à leurs déboires.

Qu'il s'agisse de descriptions touchant l'histoire des Madelinots que le ministère de la Colonisation déplace vers l'île Nepawa en Abitibi pour [End Page 113] leur offrir de la terre à cultiver, des rituels matinaux des maraîchers vendant leurs produits au marché Bonsecours, des pêcheurs de la Basse-Côte Nord, du trajet de familles montagnaises en canot pour aller vendre leurs peaux, de l'hospitalité des gens de l'Ouest (leurs paysages empreints de nostalgie pour une Roy qui y est née et y...

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