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  • La querelle du régionalisme au Québec (1904-1931). Vers l'autonomisation de la littérature québécoise
  • Pierre Karch (bio)
Annette Hayward , La querelle du régionalisme au Québec (1904-1931). Vers l'autonomisation de la littérature québécoise, préface de Dominique Garand Ottawa, Le Nordir, coll. Roger-Bernard, 622 p., 2006, 49,95$

De la brève histoire de la littérature française au Québec, peut-il y avoir une page plus désolante que celle de la « querelle du régionalisme au Québec » qu'on a alimentée avec ferveur de 1904 à 1931 ? C'est une des questions que l'on se pose à la fin de la lecture de la récente et monumentale étude d'Annette Hayward, professeure de littérature québécoise au Département d'études françaises de l'Université Queen's (Kingston, Ontario) qui a obtenu le prix du Gouverneur général, en 2007. En se fondant sur une documentation sérieuse et de nombreuses citations judicieuses qui tiennent compte des opinions des « terroiristes » et des « exotiques », l'auteure fait revivre ces années sur lesquelles s'était accumulée la poussière.

Des partis en cause, je ne retiens le nom que des mieux connus, deux ecclésiastiques, l'abbé Camille Roy (1870-1943) et Louis Dantin (1865-1945), les plus grands critiques littéraires du début du XXe siècle. Annette Hayward les a beaucoup fréquentés et nous les fait redécouvrir. Elle nous donne même le goût de faire comme elle, de retourner aux sources et de relire à notre tour tant de belles phrases qui ont coulé de leurs plumes. Chefs de file, ils ont malheureusement eu des émules qui ont cru bien faire en ajoutant du mordant et un peu de fiel au débat, ce qui lui a fait perdre bien de sa valeur.

Pourquoi, par exemple, s'en être pris à Émile Nelligan (1879-1941) et à ceux qui, comme lui, étaient au goût du jour ou à peu près, qui avaient le doigt sur le pouls de leur génération ? Pourquoi, en effet ? On n'a qu'à suivre les divers épisodes de cette lutte acharnée pour se rendre compte qu'il s'agissait, pour quelques bien-pensants, de sauvegarder une certaine pureté de style, celui du XVIIe siècle, que prônait Le parler français. Cette attitude, dominante à l'époque, a eu la vie tellement dure qu'on parle encore aujourd'hui, comme d'un idéal, par définition inatteignable, de la « langue de Molière », ce qui est faire bien peu de cas des auteurs qui l'ont suivi dans la carrière.

Si ce français est le seul digne d'être publié, c'est qu'il était étroitement lié au règne glorieux du Roi Soleil qui avait révoqué l'Édit de Nantes et qui, pour le plus grand dam de la cour, avait terminé ses dernières années à l'ombre de la religiosité de Madame de Maintenon. Faire comme si le français n'avait pas évolué dans le bon sens, après Molière, c'était passer l'éponge sur le XVIIIe siècle, celui des Lumières, des philosophes et de la Révolution française. C'était en faire autant sur le siècle suivant, celui des Romantiques, des Réalistes, des Naturalistes, des Symbolistes et, il va sans dire, des Décadents. L'enseignement du français [End Page 104] étant l'affaire des communautés religieuses, il était non seulement possible mais facile de prendre pareille position. Et c'est ce qu'on a fait.

Pour connaître les siècles tombés dans l'oubli, il fallait traverser l'océan et lire, sur place, Voltaire et Rousseau, Hugo et Lamartine, Balzac et Zola, Baudelaire et Huysmans. Ceux qui revenaient au pays après avoir goûté au fruit défendu furent discrédités par les « classiques », fidèles au terroir, qui les qualifièrent de bien des noms dont le plus blessant, à leurs yeux, était celui d...

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