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  • Panorama du corpus chansonnier en contexte scolaire et de l'éducation à la jeunesse au Québec:quelques jalons pédagogiques et idéologiques1
  • Jean-Nicolas De Surmont (bio)

Depuis quelques années les études littéraires, linguistiques et musicologiques se sont ouvertes à l'apprentissage de la langue et de la musique chez les enfants et à l'étude de « littérature orale » pour la jeunesse, dont le conte en particulier. Bien que les aspects pédagogiques de l'apprentissage musical aient soulevé l'intérêt de nombreux chercheurs, les objets-chansons semblent avoir suscité peu d'intérêt du moins sur le plan historique. Dans la présente contribution, nous tenterons de combler ces lacunes en expliquant le développement historique et institutionnel d'un ensemble de phénomènes chansonniers et de pratiques vocales destinées principalement à la jeunesse en contexte familial ou scolaire. Nous montrerons en quoi la sélection des œuvres présentées dans les recueils de chansons depuis le milieu du dix-neuvième siècle jusqu'au milieu du vingtième siècle répond à des critères non seulement musicologiques mais aussi idéologiques. De plus, nous indiquerons le lien unissant la jeunesse québécoise à l'activité chansonnière par les procédés de légitimation et de diffusion du corpus que sont notamment les remises de recueil comme livre de récompense et l'obtention du cautionnement de l'Instruction publique.

Chanson enfantine et chanson scolaire

Dans le cadre de nos travaux antérieurs, nous avons développé une terminologie des pratiques chansonnières qui permet d'englober des objets-chansons de nature différente sans pour autant créer d'ambiguïté référentielle. Cette précaution vaut tout autant pour l'histoire des objets-chansons en général que pour le corpus de la chanson enfantine. Employer le terme chanson enfantine pour désigner les chansons destinées aux enfants ne se fait pas sans précautions. En effet, il existe des rondes enfantines, comme des berceuses, des mélodies, des comptines, des bergerettes ou des hymnes patriotiques qui ont circulé en milieu scolaire (éducation formalisée) ou dans le cadre intime du foyer familial (éducation informelle). Nombre [End Page 71] de chansons enfantines n'ont pas eu d'issue dans le répertoire de la chanson scolaire. Par conséquent, il nous semble plus pertinent d'utiliser le terme chanson scolaire pour désigner le répertoire d'objets-chansons interprétés dans contexte de l'interaction des acteurs de la situation éducative (élèves, enseignants, etc.) au sein d'un mode d'organisation de l'activité (voir Tafuri 566). C'est donc surtout par souci de facilité que nous emploierons ce syntagme tout en continuant d'employer objet-chanson pour désigner des pièces vocales en particulier.

Les origines

Très tôt dans l'histoire de la Nouvelle-France, les pratiques vocales impliquent la présence des enfants. L'éducation des filles aux Ursulines de Québec et de Trois-Rivières prépare les futures épouses de la bourgeoisie libérale à la bonne tenue, à l'art de la conversation, mais aussi à la littérature, au chant et à la déclamation de poèmes. Partant de cette éducation et de la vogue du répertoire pianistique, les femmes vont donner aux réunions mondaines une note artistique en préfigurant la génération de compositrices de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième siècle (voir Lemire et Saint-Jacques 54).2 Il existe peu d'études sur la description de l'activité chansonnière du dix-huitième siècle, sur la chanson scolaire et les programmes d'apprentissage de la musique et du chant. En revanche, la documentation du dix-neuvième siècle, contemporaine de la multiplication des établissements d'enseignement, laisse plusieurs traces des pratiques chansonnières enfantines. Il est dévolu à la mère le privilège de l'accompagnement de l'enfant dans le sommeil et au père celui de la Bénédiction annuelle (le répertoire de la Bonne chanson a...

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