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  • Edge of Empire: Documents of Michilimackinac, 1671–1716
Edge of Empire: Documents of Michilimackinac, 1671–1716. Sous la direction de Joseph L. Peyser et José António Brandão. East Lansing: Michigan State University Press, 2008. 224 p., (ill., cartes, notes, index). 39, 95 $US

Les colons de la Nouvelle-France appelèrent Michillimakinac (d'un terme en ojibwé, mishi-mikinaak, qui signifie «grande tortue») la petite région située près du détroit de Mackinac entre les bassins du lac Michigan et du lac Huron. Cette région était un haut lieu du commerce des fourrures et de la diplomatic franco-amérindienne, et le régime français a ainsi produit des milliers de documents écrits (entre autres, des lettres administratives et des actes notariaux et juridiques) qui évoquent de façon directe ou indirecte son histoire. Ce précieux ouvrage présente une sélection d'archives, traduites en anglais, datant de la fin du xviie siècle et du début du xviiie, période qui correspond à l'apogée du phénomène des « coureurs de bois ». Le livre contient soixante-deux documents soigneusement annotés.

Edge of Empire – titre qui renvoie à la position ultra-périphérique de Michillimakinac au sein de l'empire colonial français – est le plus récent produit d'une vieille tradition éditoriale. Depuis la fin du XIXe siècle, les historiens américains, d'abord Reuben Gold Thwaites (maître d'œuvre des fameuses Relations des Jésuites) et Emma Helen Blair (éditrice intellectuelle des écrits de Nicolas Perrot et de Bacqueville de La Potherie), ont traduit, afin de les rendre plus accessibles, les sources françaises consacrées à l'histoire de la Nouvelle-France, ou plus précisément à l'histoire des régions d'abord revendiquées par la France aux xviie et xviiie siècles, puis ensuite absorbées par les États-Unis (Wisconsin, Illinois, et Michigan, notamment). Edge of Empire s'apparente ainsi à deux ouvrages relativement récents consacrés au « pays d'en haut » (nom donné à la région des Grands Lacs par les colons du Saint-Laurent), lesquels présentent en anglais une collection de documents historiques remontant pour l'essentiel à la période française : Letters from New France. The Upper Country, 1686–1783 (University of Illinois Press, 1992), édité par Joseph L. Peyser, maître d'œuvre à l'origine de l'ouvrage à l'étude ici et décédé en 2004, et The French Regime in the Upper Country (The Champlain Society, 1996), sous la direction d'un autre grand spécialiste de l'histoire du pays d'en haut, Cornelius Jaenen.

J. L. Peyser et José A. Brandao, deux des rares ethnohistoriens américains à lire les sources et l'historiographie de langue française, ont choisi, et c'est la grande singularité de cet ouvrage, de traduire et de présenter des documents qui pour la plupart n'ont jamais été édités [End Page 342] et qui restent sous-utilisés, même chez les chercheurs francophones. Ce sont principalement des pièces juridiques issues de la juridiction (seigneuriale jusqu'en 1693) dont dépendaient les habitants de Montréal, ville d'où partaient les coureurs de bois et les voyageurs à destination de Michillimakinac pour le commerce des fourrures. Cette activité commerciale, à laquelle participaient aussi des marchands équipeurs et des administrateurs, comportait de fréquentes irrégularités qui justifiaient l'intervention du tribunal montréalais. À la lecture de certains documents, il est intéressant de constater la présence d'Amérindiens « domiciliés » qui font la traite des fourrures, comme Louis Ouakouts ou Marie Félix, épouse d'un colon (p. 3–20). Quant aux autres sources présentées, elles sont extraites de Jugements et délibérations du Conseil Souverain de la Nouvelle-France, d'archives de l'administration coloniale (séries CiiA et B), et de registres notariaux.

On aurait pu souhaiter – et sûrement le lecteur francophone – que la version originale des textes ait été placée en contrepartie de la version traduite, comme c'est le cas pour les Relations des Jésuites ou pour l'édition du journal et des lettres de La Vérendrye (The Champlain Society, 1927). Les contraintes éditoriales ne l'autorisaient sans doute pas. Notons que les auteurs reconnaissent avoir buté sur certaines expressions, par exemple, « peaux passées » (p. 32, note 3), qui semble renvoyer à des peaux nettoyées et préparées afin d'en assurer la conservation.

La partie documentaire est précédée d'une introduction sous forme d'utile mise au point sur la fondation du poste de Michillimakinac et sur l'essor du commerce des fourrures dans le pays d'en haut. Elle est suivie d'un glossaire consacré aux termes juridiques français du xviie siècle. Signalons enfin que Edge of Empire se veut la première pierre d'un vaste projet de publication et de traduction d'archives françhises consacrées à l'histoire de Michillimakinac, sous le patronage de Mackinac State Historic Parks. D'autres volumes devraient donc suivre, ce qui devrait nous réjouir.

Gilles Havard
CNRS, Paris

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