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Reviewed by:
  • Écrire en mineur au xviiiesiècle
  • Luc Fraisse (bio)
Christelle Bahier-Porte et Régine Jomand-Baudry, éds. Écrire en mineur au XVIIIesiècle. Paris: Éditions Desjonquères, 2009. 474pp. €39. ISBN 978-2-84321-116-4.

Fruit d’un colloque organisé à l’École Normale Supérieure les 11–13 octobre 2007, cet ample recueil s’interroge sur la notion de littérature mineure: l’auteur, le genre ou l’œuvre. L’attention se concentre sur le xviiie siècle, en raison des mutations profondes concernant le statut de l’écrivain et la constitution de l’opinion publique. Les minores relèvent aussi d’une poétique et d’une esthétique; ils sont considérés ici moins comme une catégorie que comme une modalité d’écriture, c’est-à-dire du point de vue du créateur. Si de fait il y a difficulté à établir les frontières d’un domaine dont l’hétérogénéité manifeste une caractéristique prépondérante, s’interroger sur la littérature mineure permet d’observer les mécanismes de constitution de la valeur d’une œuvre, et les processus de variation de cette valeur—l’évolution du goût déterminant une modification des hiérarchies. Ici, l’enquête historique débouche sur un questionnement des pratiques textuelles.

Cette enquête est organisée en quatre étapes. La première interroge « Définitions, genres et styles », à travers les notions de petit (Jean-Paul [End Page 562] Sermain) et de marge (Aurélia Gaillard) en littérature, la production romanesque d’auteurs mineurs (Michèle Bokobza-Kahan), la critique de la notion de valeur dans les articles de Marivaux (Éloïse Lièvre), les textes d’épitaphes commençant par ci-gît (Henri Duranton) et les Salons de Denis Diderot, écrits mineurs d’un auteur majeur (Élise Pavy). Sous des aspects ici très divers, on rencontre l’importance des éléments paratextuels : la question de mise en forme semble passer au second plan dans la notion de petit, Saint-Hyacinthe dans son Chef-d’œuvre d’un inconnu (1714) place son ouvrage entre les pièces liminaires et les appendices, les notes en bas de page dans Le Compère Mathieu de Dulaurens nourrissent une démarche liée au texte mais indépendante, la réflexion de Marivaux se développe à travers les feuilles du Spectateur français, l’épitaphe est un sous-genre de la littérature fugitive, omniprésente au xviiie siècle.

La deuxième étape se concentre sur « le cas des “Mémoires” »: en quoi consiste s’écrire en mineur? L’examen peut porter sur un cas significatif: les mémoires de Mme de Staal-Delaunay (Marc Hersant) offrent un cas d’autodépréciation de l’auteur; l’Histoire de ma vie de Casanova (Cyril Francès) constitue aussi une entreprise de minoration généralisée. Ou bien la question est envisagée à partir d’un corpus plus général, donnant à voir par quelles diverses voies les mémoires féminins tendent à se légitimer (Adélaïde Cron), le rapport entre la position des auteurs femmes et le choix des genres mineurs (Charlotte Simonin), ou encore le cas des mémoires attribués à des courtisanes, aux marges de la littérature clandestine et au profit d’une parodie du genre.

Puis sont examinées les « stratégies et polémiques » de l’écriture mineure. Là aussi, une œuvre particulière peut nourrir l’interrogation: les Dialogues de Jean-Jacques Rousseau, écrits réputés mineurs mais rejoignant le statut majeur accordé à toute l’œuvre (Jean-François Perrin); le Cochon mitré du dissident Chavigny de La Bretonnière (Jean Sgard); les écrits de Pierre Bayle, dans lesquels la postérité verra très vite, à tort, un « fatras » (Anthony McKenna); les écrits musicaux, et notamment la Lettre d’un symphoniste de Rousseau (Aurélie Tissoires); ou enfin les Réflexions sur quelques causes de l’état présent de la peinture en France, que publie anonymement en 1747 Étienne de La Font de Saint-Yenne (Nausicaa Dewez). L’enquête...

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