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Reviewed by:
  • La France des années 1830 et l’esprit de réforme
  • Emmanuel Fureix
Patrick Harismendy (sous la direction de). – La France des années 1830 et l’esprit de réforme. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006, 310 pages. « Histoire ».

Si le xxe siècle est familier du découpage décennal, le xixe, qui se pense pour la première fois comme siècle, a peu usé de ce « chronotype » 6. Un des mérites de cet ouvrage foisonnant, issu d’un colloque tenu à Rennes en 2005, est de renouveler le regard sur « d’autres années trente », en confrontant toutes les spécialités historiennes au concept englobant de « réforme ». À l’heure où ce dernier mot sert de talisman à la classe politique, les auteurs proposent ici d’en explorer toutes les facettes, bien au-delà de l’opposition « Mouvement »/« Résistance », qui enferme bien souvent la compréhension des années 1830. La réforme ne se réduit donc pas à la démocratisation politique attendue en vain au lendemain des Trois Glorieuses, à la réforme électorale, ou à l’intervention extérieure sur le théâtre européen. Il est une autre réforme, plus silencieuse, entamée dès la fin des années 1820, et qui concerne davantage l’administration des hommes et des biens, la statistique morale ou quantitative, le gouvernement local, l’enregistrement de la richesse ou la liberté des échanges. Cet esprit de réforme, dont l’apogée se situerait entre 1828 (expérience Martignac) et 1835 (raidissement du régime après l’attentat de Fieschi et les « lois de septembre »), est naturellement travaillé par les tensions propres au libéralisme français 7 : aspiration conjointe à l’ordre et à la liberté, moralisation de la société et refoulement de la majorité, éloge de la société civile et défiance face au principe d’association, exaltation de l’individu et dépassement des intérêts particuliers… Les vingt-trois contributions, augmentées d’une introduction (P. Harismendy) et d’une conclusion (D. Kalifa) fort stimulantes, permettent donc moins de penser l’unité (artificielle) de ces années 1830 que de saisir la prolifération de réformes plus ou moins avortées et la pluralité des courants libéraux et doctrinaires à l’œuvre durant cette décennie. Si l’on doit penser ensemble cet « esprit de réforme », il faut, selon Dominique Kalifa, souligner le primat donné à l’expertise et à l’enquête (de plus en plus statistique), le déploiement sans précédent du principe de publicité (politique, bien sûr, mais aussi scientifique et technique), et enfin la difficulté de lier entre elles les temporalités (passé, présent, futur) – au risque de l’angoisse ou, symétriquement, de l’utopie.

La première partie examine l’onde de choc de la Révolution de 1830, dont l’ambiguïté porte les conditions d’une critique et d’une contestation permanentes. Dans un « moment politique frénétique » (Maïté Bouyssy), les « manières de dire » sont profondément redéfinies sous le poids de l’urgence, et le discours politique use désormais des codes du drame. Dans ce discours, les références au « modèle » britannique (de la « Glorieuse Révolution » au Reform Bill) se font plus instrumentales que strictement imitatrices (Benoît Agnès). Les manières de s’assembler empruntent quant à elles à un répertoire né à la fin de la Restauration (banquets étudiés par Vincent Robert), mais elles soulèvent les questions épineuses du droit de s’assembler et de s’associer. La loi de 1834 sur les associations, loi de résistance s’il en est, marque une occasion manquée de reconnaissance spécifique du droit de réunion. Dans le même temps, les républicains (Jean-Claude Caron) sont contraints d’adapter leurs positions au nouveau régime d’historicité, au risque de la division : tous ne s’accordent pas sur la place à réserver à 1793, sur la question sociale refoulée jusqu’en 1831, ni sur l’usage de la violence politique. L’autre courant frondeur, celui [End Page 129...

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