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Reviewed by:
  • Proust, Beckett and Narration
  • Sjef Houppermans
Proust, Beckett and Narration. By James H. Reid. Cambridge, Cambridge University Press, 2003. 195 pp. Hb £ 40.00; $60.00.

Dans son étude sur Proust de 1929, Beckett expose des idées sur La Recherche qui n'ont rien perdu de leur pertinence. La critique a souvent estimé que ce livre nous en apprend d'ailleurs autant sur Beckett et son évolution que sur Marcel Proust. James Reid rejoint la longue série d'auteurs qui explorent les voies possibles de cette parenté et de ses déviances. Mais il fait plus en prenant comme autre point de départ l'appareil critique de l'école déconstructionniste et plus particulièrement deux notions qui figurent au cœur de la méthode d'analyse développée par Paul de Man. Il s'agit de la notion d'allégorie que jadis Walter Benjamin appliqua brillamment au modernisme et de cette autre clé majeure qu'est l'ironie. C'est notamment la relation entre allégorie et ironie qui détermine [End Page 485] non seulement l'orientation fondamentale des œuvres étudiées, mais encore la relation entre Beckett et Proust pour autant qu'elle puisse se formuler en termes d'histoire littéraire. La facture déconstructionniste se révèle avec force là où l'auteur dissèque lentement et prudemment les écrits pour en séparer les strates et les convolutions, traquant les hésitations et les repentirs, les volte-face et les dissimulations. Elle s'exhibe surtout en toute magnificence quand les ambivalences et les ambiguïtés, les incessants tours d'écrou supplémentaires et les 'indécidabilités' pathologiques battent leur plein. On peut se féliciter que Reid, après nous avoir longtemps fait errer dans ce labyrinthe discursif, finit par déployer le plus efficace des fils d'Ariane: tout au bout du périple, il y a une voix qui ne se laisse plus contenir par l'écheveau des mots. Simon Critchley avait abouti à une conclusion fort semblable dans son étude Very Little . . . Almost nothing: Death, Philosophy, Literature (Routledge,1997) et Paul Kelley in Stories for Nothing (Peter Lang, 2002) va dans le même sens, mais Reid a ajouté des précisions et des analyses concrètes qui montrent la richesse de cette traversée des ténèbres.

Le livre se compose de huit chapitres qui délimitent autant d'étapes de cette véritable aventure critique. Dans les quatre premiers chapitres différents aspects de La Recherche sont étudiés plus en détail : les avatars du fameux 'drame du coucher', la théorie des 'impressions', l'enfer du mensonge et finalement la position ultérieure du narrateur revenu de loin. La deuxième section de quatre chapitres est organisée avec une égale rigueur, car ce sont tour à tour les deux parties de Molloy, le périple de Molloy et celui de Moran, et les titres suivants de ce qu'on a l'habitude de nommer la première trilogie, Malone meurt et L'Innommable qui sont ciblés. Proust écrit avant tout l'allégorie de la recherche d'un passé ressuscité par la force de la mémoire involontaire au cours de laquelle son narrateur en découvre suivant Reid l'ultime impossibilité. L'ironie prend la relève selon la répétitivité de sa figure, sans jamais abolir pourtant la tendance allégorique, voguant entre le trop tard et le trop tôt d'un sujet clivé. La constellation d'une 'ironie de l'ironie' (illustrée notamment au sujet de la profanation de Mademoiselle Vintueil, d'Elstir paysagiste ou encore des tics nobiliaires d'Oriane de Guermantes) marque la trépidation du désir qui n'en finit pas de rêver ses paradis perdus. Beckett modèle ses sujets sur celui de Proust, assujettissant tout projet allégorique à une radicale 'ironisation'. Au bout de la route la perplexité prend tout de même la relève d'une complexité croissante dans les relations du sujet et de la langue: ce sujet ne s'y dissout que pour resurgir en tant que fant...

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